Chaque année, la France importe des millions de tonnes de produits agricoles qui prennent une part importante dans notre alimentation du quotidien. Café, chocolat, riz ou encore huile de palme largement médiatisée pour sa présence dans certaines pâtes à tartiner (mais pas uniquement puisqu’on la retrouverait dans près de 50 % des produits emballés que nous trouvons dans les supermarchés) : ce sont autant d’aliments que nous consommons régulièrement et qui ont parcouru des milliers de kilomètres avant d’arriver dans notre assiette. D’autres produits, destinés à l’agriculture, comme le soja pour nourrir les animaux d’élevage industriel, sont aussi largement importés par la France.
Malheureusement, ces importations ne sont pas sans conséquences pour les pays producteurs. À travers une étude réalisée par le BASIC pour Max Havelaar France, l’Institut Veblen et Greenpeace France, nous vous dévoilons la face cachée de nos importations françaises en provenance de pays hors de l’Union européenne et de l’OCDE. Et autant vous dire que ça nous laisse un goût amer.
Dans les coulisses de notre assiette : cinq constats particulièrement inquiétants
Dans cette étude, 13 filières particulièrement concernées par des risques d’impacts écologiques et sociaux ont été analysées : le soja (destiné à l’alimentation animale), l’huile de palme, le café, le cacao, les tomates, la vanille, le chocolat, le riz, le thé, le sucre de canne, le jus d’orange, les noix de cajou et les bananes.
Sans surprise, l’empreinte écologique et socio-économique de ces produits importés est considérable. Nous avons identifié six impacts majeurs pour le pays d’origine : déforestation, pollution de l’eau, émissions de gaz à effet de serre, consommation excessive d’eau, revenus indécents et risque de travail forcé et de travail d’enfants. Voici cinq constats particulièrement inquiétants :
1. Le soja, l’huile de palme et le cacao : complètement indigestes pour les forêts et les droits humains
Le soja, destiné à l’alimentation animale et principalement cultivé au Brésil, l’huile de palme d’Asie du Sud-Est et le cacao d’Afrique de l’Ouest sont les principales filières responsables de la déforestation dans ces régions. Des milliers d’hectares de forêts ont été rasées ou brûlées pour créer ces monocultures très rentables et satisfaire nos besoins français.
Déboisement pour le développement de plantation de palmiers à huile en Indonésie.
© Ulet Ifansasti / Greenpeace
Pire encore, cette destruction s’accompagne souvent d’accaparement des terres de populations autochtones subissant des violences, et des cas de violations du droit du travail et de travail d’enfants. Le soja, que la France importe sous forme de tourteaux pour nourrir ses animaux d’élevage industriel, a des impacts catastrophiques.
2. Le cacao, un impact très important sur le climat
Le cacao est la filière la plus émettrice de gaz à effet de serre dans notre étude. Les importations françaises de cacao génèrent plus de 12 millions de tonnes d’équivalent CO2 (2022).
© Dennis Reher / Greenpeace
En Côte d’Ivoire et au Ghana, qui concentrent à eux seuls 67 % de la production mondiale, l’expansion rapide des cultures s’est faite au détriment des forêts tropicales : plus de 80 % des forêts de Côte d’Ivoire ont disparu entre 1960 et 2010*. Même les aires protégées ont été touchées.
3. Cacao, soja, café, riz et jus d’orange : des filières qui assoiffent et polluent la planète
Parmi les aliments que nous importons, le cacao, le soja et le café sont les filières les plus polluantes pour l’eau. L’agriculture intensive et l’utilisation massive d’engrais et de pesticides contaminent les nappes phréatiques, les rivières et les lacs. Ces cultures nécessitent l’utilisation de volumes d’eau importants pour diluer les polluants et atteindre des concentrations acceptables pour les écosystèmes. En important ces produits, la France contribue à cette pollution diffuse, mais sur des territoires situés à l’autre bout du monde.
Cagette d’oranges. Crédit photo © Peter Caton / Greenpeace
4. Cacao, sucre et café : un constat alarmant de risques de travail des enfants et de travail forcé dans ces trois filières
La pauvreté structurelle des producteurs, l’absence de législation ou de contrôle, la pression des acheteurs pour baisser les coûts sont autant de facteurs qui font peser des risques importants de recours au travail forcé et au travail des enfants.
Travailleur qui vérifie des fèves de cacao qui sèchent au soleil.
© Jilson Tiu / Greenpeace
5. Des revenus amers pour les travailleurs et travailleuses des pays exportateurs de vanille, d’huile de palme et de sucre de canne
Les chiffres sont sans appel : les personnes travaillant dans six des 13 filières analysées perçoivent moins de 60 % du revenu considéré comme “vital”. La situation est d’autant plus alarmante pour trois filières : la vanille, l’huile de palme et le sucre de canne.
La vanille, pourtant considérée comme un produit de luxe pour la France, reste une culture de survie dans les pays exportateurs. Les prix varient de façon spectaculaire en fonction des récoltes (souvent impactées par les catastrophes naturelles) ou des effets de spéculation. Les producteurs n’ont aucune maîtrise sur ces fluctuations, et leur revenu varie de manière imprévisible d’une année sur l’autre.
La France, et plus généralement l’Union européenne, doivent agir !
Cette étude nous permet de mettre en lumière les limites à importer toujours plus sans mettre en place des réglementations strictes pour protéger la planète et les droits humains.
Il y a pourtant une bonne nouvelle : des solutions existent.
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Appliquer strictement les réglementations européennes existantes, notamment le règlement contre la déforestation
L’Union européenne a déjà prévu de mettre en place plusieurs réglementations pour réduire ces impacts, notamment le règlement sur la déforestation (RDUE), la directive sur le devoir de vigilance (CS3D) et l’interdiction des produits issus du travail forcé. Notre étude montre que si ces réglementations déjà adoptées sont réellement mises en œuvre, avec des contrôles stricts, il est possible de limiter les impacts de ces pratiques industrielles dramatiques.
Pourtant, alors qu’elles ne sont pas encore pleinement déployées à travers l’Europe, ces potentielles avancées sont déjà menacées par de multiples remises en questions, notamment le règlement de lutte contre la déforestation dont la mise en application a déjà été reportée d’un an (à janvier 2026) sous la pression des lobbies. Nous devons faire pression pour nous assurer que ce règlement ne soit pas détricoté et sa mise en œuvre à nouveau retardée, et que les contrôles et sanctions nécessaires soient réellement appliqués. Les États européens, dont la France, doivent prendre leurs responsabilités.
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Rejeter l’accord UE-Mercosur
L’accord UE-Mercosur, signé par la Commission européenne en décembre 2024 lors du Sommet du Mercosur, en Uruguay, serait une catastrophe pour les droits humains et les écosystèmes des pays concernés. Il aurait pour conséquence une hausse importante des importations de produits issus de pratiques répondant à des normes souvent inférieures à celles pratiquées en Europe.
Si cet accord venait à être entériné par les pays de l’Union européenne et le Parlement européen, il pourrait même entrer en concurrence avec les réglementations évoquées ci-dessus en permettant aux États de s’opposer aux mesures susceptibles de limiter les échanges commerciaux.
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Ces réglementations sont pourtant essentielles pour protéger les droits et les conditions des travailleurs et travailleuses des pays producteurs. Elles permettent aussi de limiter drastiquement l’impact environnemental de nos importations. Derrière des produits aussi banals que le chocolat, le café ou le sucre, se cachent des chaînes d’approvisionnement lourdes de conséquences. Agir aujourd’hui, c’est faire le choix d’une consommation plus juste et plus responsable pour demain
Pour aller plus loin :
Crédit photo © Muhammad Adimaja / Greenpeace