Le 15 mars 2011, quelques jours après la catastrophe de Fukushima au Japon, la chancelière allemande Angela Merkel annonçait, au cours d’une conférence de presse, sa décision de sortir définitivement du nucléaire. Une décision qui pouvait surprendre puisqu’un an plus tôt, elle avait décidé de relancer la stratégie nucléaire. Mais une décision juste, au vu des conséquences dramatiques de l’accident nucléaire qui a frappé le Japon, où il n’y a toujours pas de retour à la normale à ce jour, sept ans après l’accident nucléaire.
Depuis, on entend souvent le même argument pour s’opposer à une sortie du nucléaire en France, au regard de la situation en Allemagne : le pays aurait remplacé son nucléaire par encore plus de charbon, faisant de lui un gros émetteur de gaz à effet de serre… Mais cet argument n’est en réalité qu’une idée reçue.
En Allemagne, ce sont les énergies renouvelables qui remplacent le nucléaire
En regardant de plus près le système de production d’électricité allemand, on constate que ce sont en fait les énergies renouvelables qui se sont développées massivement pour se substituer aux réacteurs nucléaires. Preuve, s’il en fallait une : en janvier 2018, pour la première fois dans l’histoire du pays, la demande électricité a été entièrement couverte par les énergies renouvelables !
Si l’Allemagne a connu une hausse de la production du charbon, entre 2009 et 2013, c’est en raison d’une forte baisse du cours mondial du charbon, couplée d’un effondrement du prix du CO2 sur le marché européen, qui ont rendu cette énergie attractive pour d’autres pays qui importent de l’électricité provenant de l’Allemagne. Sur cette période, les exportations d’électricité d’Allemagne ont d’ailleurs explosé puisque l’Allemagne, est passé du pays importateur d’électricité avant 2009, au pays premier exportateur européen, devant la France.
Au passage, la France fait partie de ces pays qui importent de l’électricité produite au charbon, lorsque son parc nucléaire fait défaut, que ses réacteurs doivent être arrêtés et donc que le nucléaire ne répond pas à la demande d’électricité dans l’hexagone…
Par ailleurs, il faut savoir que la production d’énergie à base de charbon est désormais en baisse en Allemagne. Et en plus de la baisse de production, la capacité installée diminue aussi pour le charbon. Ce qui signifie que l’Allemagne ferme également des centrales à charbon, en même temps qu’elle ferme des réacteurs nucléaires. Et ce, grâce au déploiement des énergies renouvelables.
Non, les émissions de CO2 de l’Allemagne ne sont pas en hausse à cause de la sortie du nucléaire
L’Allemagne a un problème avec ses centrales à charbon. C’est un fait indéniable. Leur fermeture est encore trop lente et l’Allemagne, qui avait pourtant des objectifs ambitieux en termes de réduction de gaz à effet de serre, risque bien de ne pas les atteindre si elle n’accélère pas la fermeture de ses centrales à charbon.
Toutefois, il est faux de dire que l’Allemagne a augmenté ses émissions de gaz à effet de serre depuis qu’elle a enclenché sa sortie du nucléaire. Car l’Allemagne avait déjà un problème avec ses centrales à charbon avant même l’enclenchement de la sortie du nucléaire.
En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’énergie en Allemagne, elles ont légèrement augmenté entre 2011 et 2013, mais elles ont nettement baissé depuis.
Ainsi, en 2017, le secteur allemand de l’énergie n’a jamais émis aussi peu de gaz à effet de serre !
En termes de baisse des émissions de gaz à effet de serre, tous secteurs confondus, il n’y a pas de hausse tendancielle, ni de baisse tendancielle des émissions de gaz à effet de serre en Allemagne. Il y a une stagnation depuis la fin des années 2000 (après plusieurs années de baisse régulière) et des fluctuations chaque année vers le haut ou vers le bas de l’ordre de 1 à 4 %. Et l’Allemagne a même été meilleure élève que la France sur l’année 2017 puisqu’elle a enregistré une très légère baisse, alors que la France a vu ses émissions augmenter de plus de 3 % !
En tout cas, le secteur de la production d’électricité n’est pas responsable de ces fluctuations puisque les émissions du secteur baissent régulièrement depuis 2015.
C’est du côté des transports (voitures) et de la production de chaleur (charbon/gaz en Allemagne) que se trouvent les secteurs responsables de la stagnation des émissions de gaz à effet de serre allemandes.
Il est donc très simpliste voire trompeur de dire que la France ne peut pas sortir du nucléaire si elle veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour préserver le climat en se référant au cas de l’Allemagne.
En résumé, en France comme en Allemagne, il est possible d’enclencher la transition énergétique, sans nucléaire, ni charbon !
Pour aller plus loin sur la transition énergétique en Allemagne, dite Energiewende , vous pouvez consulter cet article du site « Décrypter l’énergie »