Sur sept réacteurs nucléaires, qui représentaient 55% de l’électricité en 2013, quatre sont aujourd’hui à l’arrêt.
D’abord les réacteurs Doel 3 et Tihange 2 ont été mis à l’arrêt entre juin 2012 et juin 2013, suite à la découverte de fissures sur la cuve, puis redémarrés et à nouveau arrêtés en mars 2014. Cet été, c’est le réacteur Doel 4 qui a dû être stoppé après une fuite d’huile (65 000 litres) qui a entraîné l’arrêt brusque d’une turbine. La fuite pourrait être due à un « acte de sabotage ». Une enquête est en cours.
Toutes ces défaillances du parc nucléaire, ajoutées à l’arrêt provisoire de Tihange 1 pour révision décennale, amputent la Belgique de 50% de sa production électro-nucléaire. Les Belges retiennent leur souffle face au risque de « blackout » ou de coupures massives d’électricité à l’approche de l’hiver et d’éventuels grands froids.
Quelle solution a donc été envisagée ? Rien moins que de revenir sur la loi de sortie nucléaire, votée en 2003, qui prévoyait une sortie complète du nucléaire d’ici 2025 et notamment la fermeture de deux réacteurs en 2015, ceux de Doel 1 et 2 qui atteindront 40 ans.
Comment ? En décidant de manière arbitraire et contre toute logique économique et de sûreté de prolonger de quelques années (2, 3 ou 10 ans…) la durée de vie de ces vieux réacteurs. C’est ce qu’a voulu dénoncer Greenpeace Belgique ce mercredi en bloquant pendant plusieurs heures l’entrée du siège du gouvernement à Bruxelles. La Belgique se retrouve pieds et poing liés et n’a que très peu de marge de manœuvre.
Mais en France, qu’en est-il ? Un scénario à la Belge est-il possible avec notre parc vieillissant et « standardisé » ?
Toutes les conditions sont réunies pour que nous soyons confrontés aux mêmes problèmes…
Nous sommes en mars 2015, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vérifie avec attention le niveau de sûreté du réacteur N°2 de la centrale nucléaire de Blayais, près de Bordeaux.
Après les nouveaux développements survenus sur les réacteurs belges, l’ASN exige un contrôle complet de l’état de la cuve du réacteur. Des fissures appelées DSR (défauts sous revêtements) et des DIDR (fissurations dues au réchauffage) ont été identifiées depuis plusieurs années sur des réacteurs français.
L’ASN veut vérifier que les défauts découverts et surveillés depuis plusieurs années n’ont pas évolué. La MIS (machine d’inspection en service) a été envoyée sur place et introduite dans le réacteur pour contrôler les 200 mm d’épaisseur de la cuve.
Les palpeurs ultrasons rendent leur verdict. Un imprévu est découvert, l’une des fissures qui jusque-là n’avait pas évolué s’est agrandie. A l’origine de quatre millimètres, elle en fait désormais six et s’approche d’une autre fissure. Bien entendu, une si petite fissure pourrait être considérée comme bénigne et un si petit agrandissement comme minime. Le problème pour l’ASN, c’est que l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), son expert, était persuadée que ces fissures n’évolueraient jamais. Mais l’irradiation forte de la cuve a finalement modifié sa structure. Que faire ?
Une réunion d’urgence est organisée. L’IRSN et l’ASN sont face à une responsabilité immense. Avoir détecté qu’une des fissure avait évolué, c’est devoir admettre que toutes les fissures peuvent évoluer. A quelle vitesse ? Personne ne le sait. Impossible d’autoriser le redémarrage de Blayais 2.
Mais alors quid des autres cuves ? Les mêmes types de fissures existent sur les réacteurs N°1 de Tricastin, ceux de Fessenheim 1 et 2, Chinon B-3, Gravelines 6, Dampierre 3, Saint-Laurent B-1 et B-2. Ils sont actuellement en fonctionnement. L’ASN n’a pas le choix et décide la mise à l’arrêt de tous ces réacteurs.
EDF et le gouvernement s’affolent. Fermer 9 réacteurs d’un coup sur les 58 ! N’y a-t-il pas d’autres possibilités ? Les députés paniquent, comment allons-nous passer l’hiver 2015 avec 8 100 MW de moins ?
Pierre-Franck Chevet, le président de l’ASN, avait pourtant à plusieurs reprises mis le gouvernement en garde sur cette éventualité. Mais la nouvelle loi sur la transition énergétique qui vient d’être votée n’a absolument pas tenu compte d’un tel scénario.
Après Fukushima, le Japon s‘est retrouvé dans une situation très difficile. Puis ça a été au tour de la Belgique d’être confrontée à ce qu’on nomme l’ « effet falaise ». La France aurait dû en tirer les leçons. Malheureusement, elle n’est pas prête et comme la Belgique en 2014, elle prie pour que l’hiver 2015 ne soit pas trop rude.