Un règlement nécessaire et urgent
Après des années de négociations et une large mobilisation de la société civile, l’Union européenne (UE) adoptait en mai 2023 le règlement déforestation, un dispositif législatif inédit qui vise à mettre fin à la commercialisation sur le territoire européen de produits issus de la déforestation.
Ce règlement est le fruit d’une prise de conscience de la responsabilité de l’UE dans la déforestation, phénomène aux conséquences terribles et nombreuses : aggravation du changement climatique, destruction de la biodiversité et violations des droits humains. Il a été démontré au cours de la décennie 2010 que l’Union européenne, qui compte environ 5,5 % de la population globale, est responsable de 10 % de la déforestation mondiale. La majorité de la déforestation générée par la consommation européenne est liée à ses importations de viande, de soja pour l’alimentation animale et d’huile de palme.
Au vu de l’urgence d’agir contre le changement climatique et de l’impact de l’UE sur les forêts du monde entier, lutter contre la déforestation est devenu l’une des priorités de la politique environnementale européenne. Cette volonté d’agir s’est concrétisée à travers l’adoption du règlement déforestation, dont l’entrée en vigueur est prévue au 30 décembre 2024.
Les lobbies à la manœuvre
Mais depuis, rien n’a été fait pour que l’entrée en vigueur de ce règlement se déroule comme prévu. La Commission européenne a tardé à mettre en place les lignes directrices et les outils techniques nécessaires à la bonne application du texte.
Pire, le contenu du règlement fait l’objet d’attaques incessantes de la part de certains partenaires commerciaux de l’UE comme les États-Unis, le Canada, l’Australie. Des pays dont l’économie repose en partie sur le commerce de certains produits visés par le règlement, comme l’Indonésie ou le Brésil, ont aussi fait pression sur la Commission pour repousser l’application de ce règlement et le détricoter. Ces gouvernements se sont fait le relais du lobbying acharné des filières de l’huile de palme ou encore du soja, dont certaines entreprises prospèrent en détruisant les forêts d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est. Au sein même de l’UE, plusieurs États membres ont fait pression sur la Commission, et la Copa Cogeca a officiellement réclamé un report de l’application du règlement.
L’UE ne doit rien céder
La Commission a fini par céder face à ce travail de sape en ouvrant début octobre 2024 une procédure législative pour reporter d’un an l’application du texte. Les partis conservateurs et les partis d’extrême droite du Parlement européen se sont alliés pour approuver ce report et voter une série d’amendements visant à vider le règlement d’une partie de sa substance. Le Conseil de l’UE s’oppose à toute modification du texte, mais approuve le report de son application. Des négociations interinstitutionnelles ont désormais lieu, et devraient aboutir à un accord avant la fin du mois de décembre qui risque d’acter le report du texte, voire pire son détricotage.
Ce recul politique serait inacceptable, tant il serait lourd de conséquences : il sape la crédibilité des politiques environnementales de l’UE et ouvre la voie à ce que la consommation européenne soit pour une année supplémentaire responsable d’une partie de la déforestation mondiale et des violations des droits humains qui y sont associées. Les partis européens de droite et d’extrême-droite sont notamment coupables de se faire le relais de l’intérêt particulier des quelques entreprises visées par ce règlement qui détruisent la nature et mettent en péril notre avenir pour leur seul profit.
Greenpeace reste pleinement mobilisée en France et partout dans l’UE non seulement pour que ce règlement soit pleinement et entièrement appliqué au plus vite, mais aussi pour qu’il soit amélioré afin de remédier aux quelques failles que son texte contient encore.