Communication externe et social washing, communication interne aux actionnaires … voilà deux domaines qui, pour Herakles Farms, sont totalement incompatibles.
Un rapport publié par Greenpeace et le Oakland Institute, Le Double jeu d’Herakles, dévoile des échanges internes à Herakles, échanges qui révèlent les petits arrangements du groupe américain avec la vérité et la réalité sur le terrain.
La publication de ce rapport intervient au moment même où l’on apprend qu’après des mois de controverse, le Ministère camerounais des Forêts et de la Faune (MINFOF) a ordonné la suspension de toute activité d’exploitation forestière de la société. La lettre de suspension du MINFOF fait référence à une lettre du ministère de la Planification Économique et du Développement Régional, rapportant des violations de la loi forestière camerounaise par la compagnie.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision, en raison des nombreuses infractions associées au projet Herakles, des conflits sociaux et des dégâts environnementaux qu’il a causés.
Ne baissons pas la garde
Herakles s’est arrangé avec le code forestier, avec la vérité … Cette décision de suspension ne doit pas stopper notre élan pour dire la vérité !
Des déclarations fausses, mensongères ou inexactes ont été relevées dans des documents ou communications d’Herakles Farms concernant son projet de plantation de palmiers à huile au Cameroun. En voici un « florilège » … ou le meilleur du pire de la communication d’Herakles :
Ce qu’Herakles clame : « [Herakles Farms a] obtenu tous les permis et autorisations nécessaires pour démarrer les opérations sur le terrain » (brochure Investment Opportunity)
La vérité : Conformément à la loi de 1976 régissant l’allocation des terres domaniales au Cameroun, toute attribution d’une concession supérieure à 50 hectares doit faire l’objet d’un décret présidentiel. Une partie de la concession octroyée à Herakles se situe sur des terres appartenant à l’État. L’accord (ou « convention d’établissement ») conclu en 2009 avec le gouvernement camerounais n’a pas été signé par le président.
Ce qu’Herakles clame : « Nous avons renoncé au bois au profit du gouvernement camerounais […] Nous ne sommes pas des exploitants forestiers » (Lettre de B. Wroebel, PDG d’Herakles Farms)
La vérité : Aujourd’hui, c’est une toute autre histoire qu’Herakles Farms raconte à ses investisseurs. Dans sa brochure Investment opportunity (opportunité d’investissement) datée de mars 2013, on pouvait lire que « la vente du bois pourrait entraîner une hausse immédiate des bénéfices » pour l’entreprise. Dans un autre document intitulé Value Drivers, Herakles Farms informe ses investisseurs que l’exploitation forestière pourrait rapporter entre 60 et 90 millions de dollars au cours de la phase initiale du projet, en attendant les revenus de la production d’huile de palme qui seront générés lors des phases ultérieures.
Ce qu’Herakles clame : « La corruption ne sera jamais tolérée au sein d’Herakles Farms » (Herakles Farms – Anti Corruption policy)
La vérité : L’Oakland Institute et Greenpeace International ont en leur possession des éléments indiquant que des employés d’Herakles Farms auraient pris part à des activités de corruption, versé des pots-de-vin et fait des promesses d’emploi pour rallier un plus grand soutien en faveur du projet au Cameroun.
Interrogé à ce sujet, un employé d’Herakles Farms a répondu : « Bien entendu, des enveloppes ont été distribuées […] C’est comme ça que vous vous facilitez les choses. » Et d’ajouter que l’ancien directeur des plantations Herakles Farms « distribuait un grand nombre d’enveloppes et des sommes d’argent considérables« .
Ce qu’Herakles clame : Ce projet de plantation de palmiers à huile est une « opportunité d’investissement » (brochure Investment Opportunity)
La vérité : La situation financière d’Herakles Farms semble moins brillante qu’attendue… Les documents révélés par le rapport montrent les inquiétudes au sein de l’entreprise quant à la nécessité de changer de mode de fonctionnement, en particulier concernant les activités de déboisement: « les forestiers ne savent même pas comment s’y prendre pour abattre des arbres sur un site destiné à accueillir la plantation. Ils nous coûtent beaucoup mais avec peu de résultats. »
Ce qu’Herakles clame : « Herakles Farms est expérimentée en matière de développement, de gestion et d’exploitation de projets agricoles en Afrique« . (brochure Investment Opportunity)
La vérité : L’expérience dont Herakles Farms se prévaut dans ce type de projets se limite à un projet pilote au Ghana, une plantation de palmiers à huile de 2 500 hectares exploitée depuis 2008. En réalité, Herakles Farms a démontré à bien des égards son incapacité à mettre en place de façon adéquate et durable un projet de production d’huile de palme : Violation du droit camerounais, mauvaises pratiques sur la mesure des impacts environnementaux, litige juridique avec un sous-traitant …
Ce qu’Herakles clame : « Les investisseurs bénéficient en outre d’une couverture complète des risques politiques fournie par la compagnie Zurich Assurance » (brochure Investment Opportunity)
La vérité : Les assurances contre les risques politiques protègent les investisseurs en cas d’expropriation, de guerre civile, d’annulation de permis ou d’autres événements pouvant nuire à la bonne conduite d’un projet, en fonction des caractéristiques de chaque contrat. D’après un rapport publié par Munden Project sur les risques financiers dans le secteur agricole, ces polices d’assurance « constituent une garantie qui facilite les investissements dans les pays en développement », mais prévient que « la plupart de ces contrats peuvent être invalidés si le client, ou des tiers agissant pour son compte, se livrent à des pratiques coercitives. Cette situation peut notamment se présenter en cas de litiges fonciers. »
Au vu des éléments indiquant qu’Herakles Farms s’est livrée à des actes « d’intimidation et de corruption » et à des violations persistantes de la loi, on peut se demander si ses investisseurs seraient effectivement couverts par l’assurance contre les risques politiques de la compagnie Zurich. (Ministry of Forestry and Wildlife/Programme for Sustainable Management of Natural Resources (PSMNR), Report: Fact finding mission on Herakles Farms (SGSOC) oil palm plantation project, février 2013.)
Ces quelques points ne sont que le début … et il a été difficile d’en faire une sélection, tant les agissements d’Herakles Farms sont tous pire les uns que les autres.
Consultez l’intégralité du rapport Le Double jeu d’Herakles Farms.
Après avoir décimé les forêts tropicales d’Asie du sud-est, les industriels de l’huile de palme se ruent sur l’Afrique.
Le projet Herakles Farms illustre la menace de l’accaparement des terres en Afrique. Un tel projet d’huile de palme, menée en violation du droit national, malgré l’opposition de nombreux résidents locaux, et dans une zone densément boisée, ne devrait pas être autorisé.