L’Europe est-elle un carcan ou un espoir pour l’environnement ?
De nombreux enjeux environnementaux se jouent à l’échelle du continent européen, que ce soit sur le climat, la pollution de l’air, la protection de l’eau, les transports, les océans, l’alimentation, l’énergie, la préservation de la biodiversité… Sur toutes ces questions et bien d’autres, une action ambitieuse et coordonnée au niveau de l’Europe est tout simplement vitale : les cours d’eau, les mers, l’air ne s’arrêtent pas aux frontières de chaque Etat.
Ces dernières années, de grandes avancées sur l’environnement ont enfin pu être obtenues à l’échelle de l’Europe. Notre continent a joué un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique au niveau mondial. Les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre ont été revus à la hausse. Des produits importés issus de la déforestation, tels que l’huile de palme, le soja ou la viande de bœuf provenant de zones déforestées, ont été enfin interdits. Des territoires encore fortement dépendants du charbon ont bénéficié de soutiens et d’investissements pour mettre en place une transition vers les énergies renouvelables et accompagner les travailleurs de ces secteurs…
L’Europe peut donc bel et bien être porteuse d’espoir pour l’environnement. Son rôle est même crucial : 80% des décisions concernant l’environnement sont prises au niveau de l’Union européenne. Et elles ont un impact concret pour mieux protéger notre environnement, notre santé et améliorer notre quotidien.
Les progrès notables enregistrés ces dernières années sont-ils suffisants ? Hélas non… Si certaines interdictions et contraintes sont indispensables, elles doivent aussi impérativement s’accompagner de mesures sociales, par exemple pour aider les agriculteurs à se tourner vers l’agroécologie, pour permettre à des millions de famille de vivre dans des logements mieux isolés, pour encourager financièrement les citoyens et citoyennes à utiliser des transports plus écologiques, etc. Faute de quoi, certaines décisions européennes peuvent être perçues comme des carcans, voire des injustices, alors que des ultra-riches continuent de voler en jets privés et que des multinationales du pétrole et du gaz font des profits records.
Espoir ou carcan, l’Europe ? Tout dépendra de la composition du Parlement européen qui sera élu le 9 juin. Lors du précédent mandat, les partis d’extrême droite notamment, RN en tête, ont voté systématiquement contre toutes les mesures climatiques et environnementales, mais aussi celles destinées à soutenir financièrement les ménages dans la transition écologique, tel que le Fonds social pour le climat ou le salaire minimum européen. C’est cette politique anti-écologique et anti-sociale voulue par les partis d’extrême droite qui serait en réalité un véritable carcan pour les cinq années à venir.
Qu’est-ce que le Pacte Vert et pourquoi est-il remis en cause ?
Le « Pacte Vert » (ou Green Deal) est un vaste ensemble de mesures destinées à lutter contre le changement climatique, dans de multiples secteurs et à l’échelle de toute l’Union européenne. Son but : faire en sorte que l’Europe atteigne la neutralité carbone en 2050 et respecte enfin l’Accord de Paris signé par ses 27 membres.
L’ambition de ce « Pacte vert » était de mettre en place des politiques structurantes, ambitieuses, transversales et sociales, grâce à des investissements conséquents, dans des domaines tels que l’énergie, les transports, l’agriculture, la préservation de la nature, les bâtiments… Une première à l’échelle d’un continent et un vrai espoir.
Plusieurs lois significatives ont été adoptées dans ce cadre, que ce soit pour rehausser les objectifs de baisse des émissions de CO2, aider les ménages à isoler leurs logements ou à s’équiper en véhicule électrique, lutter contre le « dumping écologique » grâce à un mécanisme « d’ajustement carbone aux frontières », réduire la consommation d’énergie et sortir de notre dépendance au charbon, au gaz et au pétrole…
Mais malgré ces avancées importantes, ce « Pacte vert » s’est avéré plus limité qu’annoncé. Certaines mesures sont clairement insuffisantes, notamment sur la rénovation des bâtiments (seuls 16% des bâtiments non résidentiels les moins performants devront être rénovés d’ici 2030…), et d’autres ont tout simplement été enterrées, telles que la baisse de 50% de l’utilisation des pesticides (remise en cause notamment par les députés du Rassemblement national et leurs alliés d’extrême droite).
Le « Pacte Vert » a aussi été très critiqué pour son volet agricole, notamment la stratégie baptisée « De la ferme à la table » (aussi appelée « de la ferme à la fourchette »). Celle-ci visait à la fois à réduire les émissions carbone liée à la production agricole et à permettre aux Européens et Européennes d’avoir accès à une alimentation « saine et abordable ». Très critiquée… et pourtant quasiment pas appliquée, la plupart des mesures qu’elle prévoyait ayant été édulcorées voire tout bonnement recalées.
En réalité, c’est moins le « Green Deal » qui est responsable de la crise agricole, que des années de Politique Agricole Commune, dont les centaines de milliards d’euros servent encore essentiellement à promouvoir un modèle d’agriculture néfaste aussi bien pour les agriculteurs que pour l’environnement. La PAC, c’est tout simplement le premier poste de dépense du budget de l’Union européenne (dont la France est le premier bénéficiaire !) et le « Pacte Vert » n’y aura rien changé : elle reste très favorable à l’agro-industrie, sans virage en faveur de l’agro-écologie.
Alors que Jordan Bardella continue de présenter le « Pacte Vert » comme « une des grandes menaces qui pèsent sur la France », c’est en réalité le manque d’ambition, des financements trop faibles et des multiples renoncements qui constituent une réelle menace pour les Français et les Françaises, ainsi que pour tout le continent européen.
Peut-on espérer un nouveau Pacte Vert et des mesures environnementales claires, simples et efficaces ?
Une politique environnementale ambitieuse, transversale et sociale serait absolument nécessaire à l’échelle de l’Europe. Les premières avancées mises en œuvre ces dernières années, malgré la pression des lobbies industriels et de l’extrême droite, montrent que cela serait possible. Mais ce formidable potentiel risque d’être réduit à néant avec la constitution de groupes parlementaires climato-sceptiques et anti-écologistes importants au Parlement européen.
Lors du précédent mandat du Parlement européen, les élu·es du Rassemblement national et de Reconquête ont montré leur vrai visage. Tout en se défendant d’être climato-sceptique ou en se targuant de défendre une « écologie positive » ou « à la française », face à une prétendue « écologie punitive », ils et elles ont systématiquement voté contre toutes les mesures climatiques, y compris quand il s’agissait d’aider les ménages en situation de précarité, et se sont très clairement alignés sur les intérêts des multinationales de l’agro-industrie et des énergies fossiles.
Les rares avancées environnementales obtenues doivent être renforcées. Or, elles sont aujourd’hui menacées par l’extrême droite, mais aussi par des candidats des Républicains et par la majorité présidentielle qui détricotent depuis plusieurs semaines les mesures environnementales.
Il y a pourtant beaucoup à faire. Et l’Europe en aurait les moyens, si ses dirigeant·es et ses futur·es élu·es en ont la volonté et le courage.
L’argent de la Politique agricole commune, par exemple, pourrait être consacré à la promotion d’une agriculture plus écologique, au développement de filières destinées prioritairement à l’alimentation humaine et au soutien des agriculteurs agricultrices pour qu’ils et elles puissent vivre dignement de leur travail et aient les moyens de mettre en oeuvre la transition vers l’agroécologie.
L’Europe pourrait également contribuer massivement au développement de filières d’énergies renouvelables, génératrices d’emplois locaux, pour réduire notre dépendance vis-à-vis de la Russie, des Etats-Unis et de la Chine. Elle pourrait accélérer le déploiement de panneaux solaires, issus de filières européennes, pour faire baisser les factures d’énergie des ménages.
L’Europe pourrait aussi protéger davantage les ménages aux moyens modestes, en leur permettant de rénover leur logement, de bénéficier de transports publics ou de s’équiper en véhicules moins polluants et adaptés à leurs besoins. Elle pourrait contribuer à faire baisser le prix du train (via des taux de TVA plus faibles par exemple) et a contrario taxer davantage les billets d’avion. Elle pourrait mieux accompagner les travailleurs et travailleuses des secteurs en reconversion.
L’Europe pourrait proposer de taxer les plus riches sur la base de leurs placements dans des entreprises polluantes pour financer la transition écologique. Elle pourrait mettre en place une taxe sur les profits des entreprises du charbon, du gaz et du pétrole pour financer les dommages dûs aux événements climatiques extrêmes. Elle pourrait rediriger les flux financiers qui vont aujourd’hui aux industries fossiles vers la transition écologique. Elle pourrait interdire aux banques de financer des bombes climatiques…
Les leviers d’action sont multiples ! Mais c’est bien la volonté politique qui fait aujourd’hui défaut, face à des discours de haine, de peur et de repli.
Le 9 juin, c’est bien tout cela qui se jouera lors de ces élections européennes, au-delà des discours démagogiques.