Pour lutter efficacement contre les changements climatiques, la France doit considérablement réduire sa dépendance au pétrole, au transport routier et à la voiture. Pourtant, le projet de loi d’orientation des mobilités, présenté aujourd’hui par le gouvernement, ne fixe pas de date de fin de vente des véhicules diesel et essence qui soit compatible avec un réchauffement climatique limité à 1,5°C. Pire, il laisse encore une place à de nouvelles infrastructures routières et autoroutières, catastrophiques pour le climat.
Plus de zones à faibles émissions pour lutter contre la pollution de l’air
Le projet de loi d’orientation des mobilités comprend des mesures intéressantes, comme l’obligation de zones à faibles émissions (ZEF) pour les villes les plus polluées. Le principe de ces ZEF ? Libérer nos villes des véhicules les plus polluants pour diminuer le nombre de personnes exposées à la pollution qu’ils génèrent. Il s’agit par exemple d’éviter les dépassements répétés des normes d’émissions de dioxyde d’azote, un gaz très toxique émis majoritairement par les véhicules diesel. Rappelons que ce sont ces dépassements qui ont valu à la France d’être renvoyée devant la Cour de Justice de l’Union européenne.
Ces zones à faibles émissions sont monnaie courante dans de nombreux autres pays européens. Le 8 octobre 2018, quinze collectivités territoriales très touchées par des problèmes de pollution de l’air (comme le Grand Lyon, Aix-Marseille ou encore Strasbourg) se sont engagées à déployer des ZFE d’ici à la fin de l’année 2020.
Des mesures insuffisantes pour juguler les émissions du secteur des transports
Malgré ces mesures intéressantes, ce projet de loi mobilités manque cruellement d’ambition, notamment parce qu’il ne fixe pas clairement de cap de sortie du tout-voiture. Lors des annonces faites par Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique, dans le cadre du Plan Climat, Emmanuel Macron et son gouvernement avaient fixé l’échéance de fin de vente des véhicules diesel et essence à 2040. Aujourd’hui, cet objectif ne figure même pas dans le projet de loi mobilités.
De plus, cette échéance est bien trop tardive au regard de l’urgence climatique. En effet, selon une étude récente réalisée par le Centre aérospatial allemand (DLR) et commandée par Greenpeace, si nous voulons avoir des chances de limiter le réchauffement du climat à 1,5 °C, la vente des véhicules alimentés aux énergies fossiles (diesel, essences et hybrides) en Europe doit atteindre zéro autour de l’année 2028. Il est essentiel de graver la fin du diesel et de l’essence en France dans cette loi pour obliger les constructeurs automobiles à vendre des véhicules plus économes et moins polluants et accélérer la sortie des énergies fossiles et la réduction de la place de la voiture dans notre système de mobilité.
Pourtant, le secteur des transports reste la première source d’émissions de gaz à effet de serre au niveau national. Si la France n’a pas tenu ses objectifs climatiques en 2016, c’est aussi le secteur des transports qui a contribué à la faire déraper. En l’état, le gouvernement ne s’est pas donné les moyens de faire de ce projet de loi un véritable bouclier contre le dérèglement climatique.
Incohérences sur le transport routier
Ce projet de loi sort dans un contexte également marqué par les incohérences du gouvernement sur le transport routier. L’été dernier, l’Etat français avalisait le contournement autouroutier de Strasbourg, dit GCO (Grand Contournement Ouest). Ce projet de construction d’un tronçon routier de 24 kilomètres, supposé désengorger l’autoroute A35, présente de sérieux problèmes environnementaux et ne va pas dans une direction cohérente avec l’urgence climatique. Celles et ceux qui s’y sont opposés ont été fortement réprimés. A Rouen ou Arles, d’autres projets néfastes pour l’environnement entretiennent la dépendance à la voiture individuelle.
Le gouvernement français a également décidé de reporter la vignette poids lourds. Cette initiative aurait pourtant permis de revaloriser des modes de transports moins émetteurs, comme le fret fluvial et ferroviaire, aujourd’hui en déclin.
Il faut plus de moyens pour les alternatives à la voiture
Pour finir, on retiendra l’insuffisance des moyens que ce projet de loi alloue au développement des alternatives à la voiture. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation de la voiture doit être considérablement réduite, tandis que les transports en commun, le vélo et le train doivent être privilégiés.
Si la loi sur les mobilités lance bel et bien le financement de nouveaux projets de transports en commun et de trains rapides autour des grandes agglomérations (de type RER), les montants alloués dans le plan d’investissement demeurent insuffisants au regard des besoins (des montants estimés à environ un milliard d’euros sur le quinquennat par les ONG).
De la même façon, les besoins en termes de développement du vélo et des infrastructures cyclables (estimés à 200 millions d’euros par an pour la part de l’Etat) sont bien supérieurs aux moyens prévus à ce stade (50 millions d’euros en 2019 et 350 millions sur 7 ans). Seule une enveloppe plus importante permettrait de provoquer une hausse significative de l’utilisation du vélo en France, même si d’autres mesures intéressantes, rassemblées dans un “plan vélo”, ont été hier confirmées dans le projet de loi.