Le Réseau action climat, Greenpeace France et l’Unicef France publient aujourd’hui leur classement des 12 plus grandes agglomérations françaises par rapport à leurs efforts pour lutter contre la pollution de l’air liée au trafic routier. Vous vous en doutez, la route est encore longue…
Les enjeux liés à la question de la pollution de l’air sont vastes, mais le transport routier reste la principale source de pollution de l’air en ville. Par ailleurs, les transports sont le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (31%). Les transports routiers sont responsables de 94% des émissions de ce secteur, et les véhicules particuliers représentent 52% de ces émissions.
Les villes et les métropoles ont la possibilité et la responsabilité d’agir pour protéger la santé de leurs habitant·es et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre liées au trafic routier. En amont des élections municipales qui doivent avoir lieu en mars 2020, nous souhaitons remettre un coup de projecteur sur ce qu’il reste à faire en matière de lutte contre la pollution de l’air et de développement des alternatives à la voiture.
La marge de progression est immense.
Aucune des grandes villes françaises n’est au point pour combattre la pollution de l’air
Les 12 agglomérations françaises présentes dans ce classement sont pour la plupart concernées par un recours juridique devant la Cour de justice européenne pour le non-respect des normes de qualité de l’air. Seules Nantes, Rennes, Lilles et Bordeaux ne sont pas concernées. En revanche, toutes connaissent des dépassements des seuils réglementaires ou recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Ainsi, même Paris, qui se place en tête de notre classement, doit redoubler d’efforts pour améliorer la situation.
La situation ville par ville
Le classement se base sur six critères clé : mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) et sortie des véhicules diesel et essence, politique pour réduire la place de la voiture, aides financières pour se déplacer autrement, développement du vélo et des transports en commun, mesures spécifiques pour un public plus vulnérable : les enfants.
Paris - 1ère
La capitale se distingue des autres villes car elle est particulièrement en avance sur la mise en place d’une zone à faibles émissions (ZFE), qui devrait la conduire à sortir de ses rues les véhicules diesel (d’ici 2024) et essence (d’ici 2030). Ceci étant, il lui reste encore beaucoup à faire pour renforcer la dynamique vélo, par exemple en améliorant l’offre de stationnement vélo, et peu d’actions spécifiques n’ont été mises en place pour préserver les écoles de la pollution de l’air.
Grenoble - 2ème
Sur la deuxième marche du podium, nous trouvons Grenoble, en pointe sur le développement de l’alternative vélo et la réduction de la place de la voiture en ville, avec la quasi-généralisation du 30km/h sur tout le territoire métropolitain et la création d’une zone à trafic limité dans la ville-centre. Mais la fréquentation des transports en commun reste inférieure à celle d’autres agglomérations comme Strasboug. La métropole grenobloise doit encore confirmer la mise en place d’une zone à faibles émissions pour les voitures et fixer une date de sortie des véhicules diesel.
Strasbourg - 3ème
Strasbourg a récemment acté la mise en place d’une ZFE pour tous les véhicules à l’échelle métropolitaine, avec un objectif de sortie du diesel en 2030 (dès 2025 pour la ville-centre). Elle reste bien positionnée sur le vélo et les transports en commun. En revanche, le bilan strasbourgeois est terni par l’entêtement sur le projet autoroutier de Grand Contournement Ouest et par un manque d’aides financières pour accompagner particuliers et professionnels dans leurs changements de mode de transport ou de véhicule.
Lyon - 4ème
Lyon témoigne d’une dynamique encourageante en matière de transports en commun et de vélo. Mais le classement de Lyon souffre du manque de clarté des élus sur leurs intentions pour la (ZFE), au-delà des interdictions planifiées pour les véhicules utilitaires et poids lourds les plus anciens. Le projet d’autoroute urbaine (« Anneau des Sciences ») vient plomber des efforts encore timides pour réduire la place accordée à la voiture. On note peu d’actions spécifiques pour la santé
des enfants.
Nantes - 5ème
Nantes est bien positionnée sur la thématique des transports en commun, grâce surtout à l’existence d’une tarification solidaire pour toute la population. La ville se démarque aussi par des actions spécifiques à destination des enfants, comme les rues scolaires. Mais le classement de Nantes est plombé par l’absence de réflexion sur la mise en place d’une zone à très faibles émissions. Pourtant, même si la pollution de l’air y est moins critique que dans d’autres villes françaises, l’agglomération nantaise n’est pas épargnée.
Lille - 6ème ex-aequo
L’agglomération lilloise a avancé sur la généralisation du 30 km/h et l’adoption d’un nouveau plan de circulation au niveau de la ville-centre. Elle engage la mise en place d’une zone à faibles émissions métropolitaine, mais sans avoir fixé d’objectif de sortie du diesel et de l’essence. En revanche, Lille n’est pas en avance sur le vélo : son budget vélo/habitant est relativement faible, le projet de réseau express vélo reste à concrétiser, et l’offre de stationnements vélo est limitée par rapport à la plupart des autres agglomérations.
Bordeaux - 6ème ex-aequo
La métropole bordelaise bénéficie de quelques bons points sur la thématique vélo, avec par exemple un budget vélo/habitant/an élevé et une importante offre de stationnements, par rapport à la plupart des autres agglomérations. Elle doit en revanche avancer sur la mise en place d’un réseau express vélo. Un gros point noir à Bordeaux : l’absence de décision des élus sur la mise en place d’une zone à très faibles émissions, malgré les études qui ont montré son intérêt pour protéger la
population de la pollution de l’air.
Rennes - 8ème
Rennes se distingue par l’absence de nouvelle infrastructure routière et par des mesures positives comme la généralisation du 30 km/h ou le récent aménagement d’un réseau express vélo métropolitain (encore à ses débuts). En revanche, Rennes souffre du retard pris sur la mise en place d’une zone à très faibles émissions pour restreindre la circulation des véhicules polluants et sur la mise en place d’aides financières pour accompagner les particuliers et les professionnels vers une mobilité plus écologique.
Toulouse - 9ème
Bon point vélo pour Toulouse qui dispose d’un budget vélo/habitant/ an en augmentation, mais le positionnement reste moyen sur les autres indicateurs vélo, comme l’offre de stationnements et le développement du réseau cyclable métropolitain. Si Toulouse avance sur une zone à faibles émissions intégrant les voitures, les scénarios à l’étude se limitent à des restrictions pour les véhicules les plus anciens et n’incluent pas d’objectif de sortie progressive du diesel et de l’essence. Et Toulouse ne se distingue pas positivement sur la place de la voiture en ville.
Montpellier - 10ème
Montpellier avance sur la mise en place d’une zone à faibles émissions, qui pourrait à terme concerner tous les types de véhicules, et la possibilité d’une sortie complète du diesel et/ou de l’essence semble être prise en compte. Mais Montpellier a pris du retard sur la réduction de la place de la voiture (aucune évolution notable vers le 30 km/h), sur le vélo (budget vélo/habitant/an en progrès mais encore faible), ou bien encore sur la mise en place d’aides financières pour changer de mode de transport ou de véhicule.
Nice - 11ème
Un bon point pour Nice : la mise en place d’aides à l’achat d’un vélo ou d’un véhicule électrique pour les particuliers. De plus, le nouveau tramway devrait augmenter la fréquentation moyenne des transports en commun. Mais Nice reste faible sur un certain nombre d’enjeux clés, notamment en comparaison d’autres grandes agglomérations : un projet de zones à faibles émissions encore flou, des initiatives encore timides pour réduire l’emprise de l’automobile dans l’espace urbain, le budget vélo/habitant/an très bas, etc.
Marseille - 12ème
Marseille est en dernière position. Si des efforts ont été réalisés pour la piétonisation, la création de nouvelles pistes cyclables et l’extension du réseau de transports en commun, Marseille n’a pas comblé son retard vers l’abandon du tout-voiture. À noter que la métropole marseillaise travaille actuellement sur un projet de ZFE pour limiter la circulation des véhicules polluants, et les scénarios qui détermineront en partie l’ambition du dispositif sont en cours de définition… À suivre !
A l’approche des prochaines élections municipales, il est donc crucial que les candidat·es se saisissent à bras le corps de cette question en prenant des engagements pour préserver la santé des habitant·es et le climat.
Pour aller plus loin :
Lire l’intégralité du rapport sur le classement des villes, décembre 2019.