En 2018, nous révélions grâce à une enquête collective que 69% des élèves scolarisés au primaire n’avaient d’autre choix que de manger de la viande tous les jours ou presque dans leur cantine. Nous menions alors campagne pour l’introduction de menus végétariens dans les cantines scolaires. Nous avons été entendus : depuis le 1er novembre 2019, les cantines scolaires doivent proposer chaque semaine au moins un menu végétarien. Pour mesurer les effets de cette loi, nous avons lancé une nouvelle enquête et réuni près de 8000 contributions qui nous permettent de faire un nouvel état des lieux des menus servis dans les cantines scolaires françaises.
Cantines des écoles primaires : il y a du mieux !
Les conclusions de notre enquête sont sans équivoque : il y a du mieux dans les cantines scolaires françaises. 74% des écoliers et des écolières ont en effet l’occasion de manger végétarien chaque semaine. Côté qualité des menus, nous avons analysé la composition des repas végétariens : là où quelques années auparavant une majorité d’omelettes était servie, on observe aujourd’hui une diversification des menus avec plus de la moitié d’entre eux qui sont composés de protéines végétales (dhal lentilles-coco, couscous végétarien…). C’est une excellente nouvelle pour la santé des enfants mais aussi pour leurs papilles !
C’est aussi une bonne nouvelle pour la planète, comme nous l’avons montré dans notre dernier rapport. La végétalisation des menus servis dans les cantines scolaires permet en effet de réduire la consommation d’eau des activités agricoles, leurs émissions de gaz à effet de serre, et la déforestation que ces activités engendrent. Elle génère aussi une réduction des coûts de production des menus et favorise ainsi l’investissement dans des aliments bio et une viande locale et de meilleure qualité.
La végétalisation des menus profite ainsi à la fois à la planète, à l’agriculture locale et à la santé des enfants, pour lesquels la surconsommation de viande pose un grave problème sanitaire.
Mouans-Sartoux, Grenoble, Bègles : trois exemples de transition réussie
Pour compléter notre enquête, nous avons interrogé les personnes en charge des cantines de Mouans-Sartoux, Grenoble et Bègles. Retrouvez nos interviews ci-dessous.
A Mouans Sartoux, de la cuisine saine, simple et goûteuse qui régale les enfants
Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux
Depuis quand proposez-vous des menus végétariens dans vos écoles, et qu’est-ce qu’un menu végétarien de qualité selon vous ?
Chaque semaine, Mouans-sartoux propose un menu à base de protéines végétales depuis janvier 2017. Cette mise en place a été précédée de 2 sessions de formation avec Un plus Bio pour accompagner les équipes. Ces menus à base de protéines végétales sont une association de céréales et légumineuses toujours cuisinées maison comme des lasagnes aux légumes et lentilles corail, galettes maison de céréales légumineuses à la sauce tomate. Un plat de protéines végétales de qualité est cuisiné à partir de produits bruts, bio et locaux et surtout pas à base de produits ultra-transformés par l’industrie alimentaire. De la cuisine saine, simple et goûteuse qui régale les enfants.
Depuis septembre 2019 nous sommes passés à 2 menus sans viande ou poisson par semaine, un à base d’oeuf et un à base de protéines végétales. Là encore nous avons organisé avec Un plus bio une session de formation pour étoffer le répertoire des recettes à base d’oeuf et l’utilisation des oeufs coquille. Maintenant nous cuisinons régulièrement des oeufs bio qui sont produits à moins de 30 km des cuisines. Sur 5 repas, nous servons donc chaque semaine deux fois de la viande, une fois du poisson, une fois des oeufs et une fois des protéines végétales.
Pourquoi est-ce important de diversifier les sources de protéines dans l’assiette des enfants ?
Ce choix mis en place avant la loi Egalim a été fait fait pour répondre au double objectif de notre cantine 100% bio : servir une alimentation respectueuse de la santé et de l’environnement. La diversification des protéines, sur la base du modèle du régime méditerranéen est donc une réponse à un meilleur équilibre nutritionnel pour la santé selon en plus les nouvelles recommandations du Programme National Nutrition Santé. Par ailleurs sur l’enjeu climatique, on connait l’impact de l’élevage sur le climat et notamment l’élevage intensif élevé aux tourteaux de soja. Il s’agit donc de manger moins de viande pour manger mieux de viande c’est-à-dire bio, locale provenant de petits producteurs respectant l’animal. J’ajouterai qu’un très bon menu à base de protéines végétales revient moitié moins cher et permet donc, associé à la diminution importante du gaspillage alimentaire, de dégager le financement du bio et de la viande de qualité.
Avez-vous rencontré des difficultés à mettre en place les menus végétariens et si oui, comment les avez-vous résolus ? Comment les enfants et les parents perçoivent-ils aujourd’hui les menus végétariens servis dans vos écoles ?
Pour accompagner les équipes de cuisine nous avons organisé des formations pour connaître les recettes mais aussi pour comprendre l’enjeu de la diversification des protéines. Nous avons aussi organisé une conférence pour l’ensemble du personnel de cuisine, d’animation, administratif et parents d’élèves élus, pour construire une compréhension commune de l’enjeu et pouvoir accompagner les enfants et les familles dans ce nouveau projet. Ainsi nous avons désamorcé les freins avant qu’ils ne se présentent. Peu à peu ces menus alternatifs ont été intégrés avant d’être systématiques en janvier. Cette découverte progressive a rassuré les équipes et a permis aux enfants de découvrir en douceur ces nouvelles recettes. Donc sans fanfare ni trompette nous avons diversifié les protéines et c’est très bien accepté.
A Grenoble, une transition facilitée par la formation
Salima Djidel, conseillère municipale déléguée à la restauration à Grenoble
Depuis quand proposez-vous des menus végétariens dans vos écoles et qu’est-ce qu’un menu végétarien de qualité selon vous ?
L’introduction de repas végétarien était pour nous un incontournable qui allait de pair avec nos engagements sur le refondation de nos politiques publiques sur l’alimentation.
En 2016, nous avons formé nos agents à la cuisine alternative. Cette formation nous a semblé nécessaire pour amener avec nous nos agents, et répondre aux exigences de ce qu’est un repas végétarien équilibré. Pour un certain nombre un repas végétarien résulte du fait qu’il ne contient pas de viande. Pour autant il faut qu’il soit équilibré. Par ailleurs on est aussi venu transformer leur métier. Un an de formation plus tard, les agents ont sorti leur premier repas végétarien en octobre 2017. Je m’en souviens encore, c’était un gratin de courge (des serres municipales) à la béchamel de lentilles (du Triéves). Nous avons insisté sur la notion de repas végétarien équilibré car avec le fait maison pour nous ce sont des gages de qualité.
Pourquoi est-ce important de diversifier les sources de protéines dans l’assiette des enfants ?
A Grenoble, la diversification des protéines était important pour tout un tas de raisons, d’abord en termes de santé publique, nous connaissons les effets de trop de protéines animales sur notre santé mais aussi sur la santé de notre planète. Ensuite pour des raisons pédagogiques, les enfants sont les prescripteurs de demain. Finalement, l’introduction de protéines végétales est un sacré levier pour l’introduction de davantage de denrées AB, et aujourd’hui, à quelques choses près (Rôtis en Label Rouge), l’ensemble de nos viandes sont locales et bio.
Avez-vous rencontré des difficultés à mettre en place les menus végétariens et si oui, comment les avez-vous résolus ? Comment les enfants et les parents perçoivent-ils aujourd’hui les menus végétariens servis dans vos écoles ?
Nous n’avons pas rencontré de problème majeur à la mise en place de ces nouveaux menus, car nous avons bien travaillé en amont avec les agents et avec un accompagnement de qualité de l’Adabio. Les retours sont plutôt positifs et de la part des enfants et des parents. Enfin ce type de menu vient aussi faire tomber les barrières des menus « sans viande » au sens communautaire du terme.
A Bègles, l’impossible retour en arrière
Nicolas Madet, directeur de la cuisine centrale de Bègles
Depuis quand proposez-vous des menus végétariens dans vos écoles et qu’est-ce qu’un menu végétarien de qualité selon vous ?
Les repas végétariens, que nous appelons les repas alternatifs, sont apparus en septembre 2014. Il s’agissait de proposer tous les jours à chaque enfant préalablement inscrit le choix de consommer de la viande ou non. Rapidement, un plat végétarien a été proposé à l’ensemble des convives une fois par semaine. Aujourd’hui, lorsque nous servons de la viande, c’est environ 20% de nos convives qui font le choix de consommer notre plat alternatif.
Un menu végétarien de qualité est d’abord constitué de plats faits maison où les couleurs et les odeurs invitent les enfants à découvrir de nouvelles saveurs et textures. Évidemment, les ingrédients doivent être qualitatifs et idéalement bio.
Pourquoi est-ce important de diversifier les sources de protéines dans l’assiette des enfants ?
Notre culture alimentaire est centrée autour de la viande depuis plus de 50 ans, il s’agit d’abord de diversifier son alimentation avant de raisonner strictement sur le plan nutritionnel, pour des raisons écologiques, éthiques (bien-être animal) et de santé publique.
Avez-vous rencontré des difficultés à mettre en place les menus végétariens et si oui, comment les avez-vous résolus ? Comment les enfants et les parents perçoivent-ils aujourd’hui les menus végétariens servis dans vos écoles ?
Aucun frein n’a été constaté ni de la part des usagers ni de la part des agents. Néanmoins il est primordial de former les Agents en charge du Service en même temps que les Cuisiniers qui découvrent pour la plupart des techniques et des plats qui ne leur ont pas été enseignés durant leur apprentissage. Les échanges de bonnes pratiques, l’inspiration d’une cuisine ouverte sur le monde et la persévérance lorsque les recettes ne sont pas à la hauteur des attentes sont les clés de la réussite. Au démarrage, il faut se placer à la hauteur de l’enfant et chercher la simplicité dans les recettes proposées. Il faut jouer l’honnêteté avec le convive car il ne s’agit pas de faire croire que l’on sert une « fausse » viande.
A Bègles, les repas alternatifs sont devenus une norme dans nos propositions de menus. Il est désormais impossible de revenir en arrière.
Tout n’est pas vert
Dans le primaire, les progrès sont réels mais environ un quart des municipalités ne proposent toujours pas de menus végétariens sur une base hebdomadaire et ne respectent donc pas la loi. Vous pouvez vous mobiliser dans votre commune pour faire changer les choses en consultant nos résultats ici. Dans les collèges et les lycées, les résultats sont plus préoccupants : 41% des collèges et 48% des lycées que nous avons analysés (493 lycées et 415 collèges au total) n’ont pas mis en place l’expérimentation. Les menus proposés y sont moins diversifiés et la part du bio y est moins importante : seul un menu végétarien sur dix en contient contre un sur quatre dans le primaire.
Près d’un an après l’entrée en vigueur de l’expérimentation de menus végétariens, il n’est pas tolérable que certaines collectivités ne la mettent toujours pas en œuvre. Il est particulièrement scandaleux que certains conseils départementaux s’opposent ouvertement à la loi et que l’Etat laisse faire.
Agissez avec nous :
- Vérifiez si votre municipalité applique la loi. Si elle ne le fait pas, vous pourrez vous mobiliser sur notre site internet.
- Vous êtes lycéen ou lycéenne et souhaitez vous mobiliser au sein de votre établissement scolaire ? On vous explique comment faire juste ici.
- Si vous êtes au collège, vous pouvez lancer votre propre pétition juste là.
Alors que 24% des gaz à effet de serre émis par la France sont dus à la production de notre alimentation et en premier lieu à l’élevage, il est crucial de diminuer notre consommation globale de viande. Cette diminution doit se faire au détriment de celle produite industriellement et en faveur d’une viande locale produite de façon écologique. Avec 12 millions d’élèves concernés et plus d’un milliard de repas servis chaque année de la maternelle au lycée, les cantines constituent un lieu crucial pour entamer ce changement de comportement essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique.
L’introduction d’un menu végétarien hebdomadaire est un premier bon pas : il s’agit désormais de s’assurer de la bonne application de la loi et de l’élargir à davantage de menus végétariens, de la pérenniser et de l’étendre à l’ensemble de la restauration collective.