Le transport aérien est responsable d’environ 5% du réchauffement climatique (Source : Rapport du RAC), et sa croissance semble incontrôlable (le nombre de passagers double en moyenne tous les 15 ans et a dépassé la barre des 4 milliards annuel en 2017). Il est réservé à une minorité de la population : la majorité des français n’a pas pris l’avion dans l’année, et plus de 90% de la population mondiale n’est jamais monté dans un avion (Source : Enquête DGAC) Le développement des compagnies low-cost n’a pas modifié cette tendance, dans l’ensemble elles n’ont pas permis de démocratiser l’usage de l’avion, mais de permettre aux mêmes usagers de le prendre plus souvent (Source : Article France Info).
Avec d’autres associations, nous luttons contre l’expansion fulgurante de ce mode de transport élitiste, incompatible avec les objectifs du GIEC pour contenir les effets du réchauffement climatique. Mais comme nous allons le voir, tout le monde ne va pas dans ce sens, et d’autres intérêts sont défendus à Montpellier …
Marche sur l’aéroport de Montpellier, le 3 Octobre
Lors du dernier conseil de la métropole de Montpellier, le 12 Octobre, l’affaire n°26 présentée à l’ordre du jour peut paraître anodine : « Promotion touristique de la destination Languedoc-Camargue – Approbation – Autorisation de signature ». En regardant la description de plus près, on s’aperçoit que la « Commission tourisme Aéroport » est à l’origine de cette proposition. Ce groupe de travail a été créé « sous l’impulsion de l’aéroport Montpellier Méditerranée afin de favoriser le développement de la plate-forme aéroportuaire ».
Comme c’est toujours plus pratique d’être financé par de l’argent public, la commission sera organisée par le Comité Régional de Tourisme Occitanie (CRTO), qui mettra une salariée à disposition, et une subvention de 400000€, dont 150000€ accordés par Montpellier Méditerranée Métropole.
Affaire n°26 proposée au Conseil de la Métropole
Si ça vous semble trop gros pour être vrai, sachez que ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. Les représentants de l’aérien ont des relations privilégiées avec les acteurs politiques et les institutions publiques. Nous noterons par exemple que M. Brehmer (président de l’aéroport) a rencontré M. Delafosse rapidement après son élection à la mairie, ou que les directeurs marketing des aéroports de Toulouse et Montpellier siègent à la Commission Régionale de l’Innovation Touristique (Source : Comité Régional de Tourisme). Leur but est d’obtenir un soutien à leur activité, en faisant miroiter des retombées financières sur le territoire.
Ce travail de lobbying débouche sur des aides publiques indispensables au fonctionnement du secteur aérien. Il s’agit parfois de subventions directes, comme dans le cas de l’affaire n°26, mais la majorité des aides se retrouvent sous la forme de réduction ou d’exonération de charges, permettant aux compagnies aériennes et aux aéroports de fonctionner avec des dépenses largement inférieures à leur coût réel, la différence étant compensée par le contribuable. L’absence de taxation sur le kérosène, la réduction des taxes foncières sur les aéroports, les exonérations de charge accordées à des compagnies low-cost sont autant de manque à gagner pour les caisses de l’état. Le coût de ces aides pour l’Etat est estimé à plus de 500 millions d’euros par an (Source : Etude FNAUT).
L’autre problème qui se pose est la légalité de ces aides. Par principe, les aides publiques aux entreprises sont interdites afin d’éviter de fausser la concurrence. Des dérogations existent pour le secteur aérien, mais elles doivent respecter certaines limites et conditions définies par l’Union Européenne. La région Languedoc-Roussillon s’est malheureusement illustrée plusieurs fois ces dernières années, dans des affaires mettant en jeu plusieurs millions d’euros d’argent public :
- En 2014, la compagnie RyanAir est condamnée à rembourser 6,4M€ d’aides publiques perçues par l’intermédiaire de l’aéroport de Nîmes (Source : Midi Libre).
- En 2019, RyanAir est à nouveau condamnée à rembourser 8,5M€ d’aides d’état illégalement perçues via « l’Association de Promotion des Flux Touristiques et Economiques », financée par des fonds publics, dans le cadre d’un contrat visant à promouvoir l’aéroport de Montpellier (Source : Commission Européenne).
- En Mars 2020, la Commission Européenne a ouvert une enquête approfondie sur des accords entre RyanAir (pour changer) et l’aéroport de Béziers, portant sur l’attribution d’aides d’Etat illégales perçues depuis 2007 (Source : France 3 Occitanie).
Au-delà de l’aspect financier, c’est le soutien aveugle de nos élus locaux à un secteur très polluant qui nous inquiète. Malgré la crise sanitaire qui a marqué une rupture dans le développement de l’aérien, la remise en cause de son développement, incompatible avec l’urgence climatique et sociale (rappelons que Air France a annoncé la suppression de 7500 postes, 3 mois après avoir reçu 7 milliards d’euros d’aides de l’Etat), ne semble pas à l’ordre du jour. Les discussions concernant l’affaire 26 ont été très rapides. Nous saluons l’intervention de M. Raynaud, qui a rappelé avec justesse les objectifs de l’Accord de Paris, qui devraient guider chacune de nos décisions. Mme. Touzard rappelle que l’aérien doit faire l’objet d’un débat complet, dont nous espérons le début rapidement. M. Delafosse conclue tristement la discussion en expliquant que les enjeux économiques sont trop importants, et que la métropole doit être aux côtés de l’aéroport. Il dit espérer des ruptures technologiques pour décarboner le secteur aérien, oubliant que les avions électriques ou à hydrogène, dont l’impact est loin d’être nul, sont au stade de la recherche, et que c’est aujourd’hui que nous avons besoin de combattre le dérèglement climatique, pas dans 20 ans. Au final, seuls 10 conseillers sur 92 voteront contre cette affaire n°26, marquant une nouvelle victoire pour le lobby aérien à Montpellier (Vidéo du conseil du 12 Octobre).
Nous continuerons à militer contre le projet de développement de l’aéroport de Montpellier, qui souhaite passer sa capacité d’accueil de 2 millions de voyageurs annuels à 3 millions d’ici 5 ans, et à informer les citoyens sur ces méthodes de lobbying rendues volontairement opaques. Nous souhaitons développer le débat sur l’aérien, en ne se limitant pas à un calcul financier, mais en réfléchissant à nos besoins en mobilités, à nos modes de vie et nos habitudes, pour évoluer vers une société durable et permettant à chacun de s’épanouir.
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