Un grand concours de lancer d’avions verts était organisé en face de l’hôtel de Région, afin de rappeler que les hypothétiques innovations technologiques (avion électrique, à hydrogène, à huile de cuisson de frite ou à poudre de perlimpimpin) ne rendent pas l’avion moins consommateur d’énergie, restent de toute façon marginales, et ne changent rien au fait que si le secteur aérien veut trouver une place raisonnable dans notre société, il faut très rapidement réduire le nombre de vols.
Explications sur le contexte de la journée :
« Une fois décarboné, le transport aérien constituera un mode peu impactant pour l’environnement » affirme le Conseil régional d’Occitanie à propos de son projet de Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Des solutions technologiques hypothétiques et discutables, voilà les réponses du Conseil régional aux objections portées par le commissaire enquêteur et plus d’un tiers des contributeurs à l’enquête publique sur ce SRADDET. La nécessaire prise en compte de la réduction des émissions de gaz à effet de serre réclamée par ces contributeurs, semble inaudible pour la Région quand il s’agit de transport aérien. Peu importe donc si un vol Montpellier-Paris émet l’équivalent 100 fois plus de gaz à effet de serre que le même trajet en train. Rien n’y fait, malgré l’extrême urgence climatique, désenclavement et développement économique et touristique continuent de justifier le soutien de la Région à l’accroissement du trafic aérien et à la dizaine d’aéroports régionaux. Nous appelons nos élus qui seront bientôt invités à voter ce Schéma régional, à refuser une telle stratégie et à en proposer d’autres plus compatibles avec nos engagements et les alertes répétées du GIEC. Plus aucun projet d’extension d’aéroport ni d’accroissement du trafic aérien de la région, un véritable système multimodal de transport autour du train pour les habitants et les touristes, une reconversion concertée des salariés les plus impactés par la nécessaire réduction de l’activité aéroportuaire, une évolution des activités touristiques vers moins de dépendance à l’avion. Voilà ce qui ferait de la Région un exemple d’innovations et de cohérence pour l’avenir de tous.
En Occitanie, l’enquête publique sur le SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter face au dérèglement climatique s’est terminée en février 2022. La commission d’enquête vient de rendre ses conclusions : https://www.laregion.fr/Enquete-Publique-sur-le-projet-de-SRADDET-Occitanie-2040 . On y découvre que le commissaire enquêteur et plus d’un tiers des contributeurs individuels questionnent le soutien affirmé de la Région au secteur aérien. En contradiction avec les objectifs du SRADDET mais au nom du désenclavement et du développement économique et touristique, la Région Occitanie se refuse à suivre la recommandation de l’Autorité environnementale, à savoir « de revoir la stratégie aéroportuaire en prenant davantage en compte la question centrale de la nécessaire réduction des émissions de GES, et de concentrer l’action publique sur les modes les moins émetteurs». Bien au contraire, avec le SRADDET, la Région confirme son soutien à l’accroissement du nombre de passagers et de destinations, notamment à Montpellier, ainsi qu’au maintien des 10 aéroports régionaux.
Quand le GIEC, à travers son dernier rapport, nous rappelle que nous avons peu de temps pour prendre des mesures radicales et rapides, y compris en matière de transport aérien, afin de limiter la température en-deçà de 1,5°C, la Région continue de miser sur une hypothétique décarbonation du secteur aérien. Pour elle, l’avion vert ou « l’avion du futur » fonctionnant à l’hydrogène devrait permettre de ne rien changer à la dynamique de croissance du secteur. Pourtant, même si les prévisions optimistes des constructeurs quant au lancement d’un avion à hydrogène s’avéraient justes, seuls certains vols seraient concernés et cet avion vert arriverait bien trop tard pour répondre à l’urgence du défi climatique. De plus, quelle place pour ces « avions verts » amenés à se multiplier dans l’inévitable concurrence en matière d’énergie, avec des secteurs plus essentiels à tous. Pour rappel, l’avion est le mode de transport le plus inégalitaire – 1% de la population mondiale génère 50% des émissions du secteur, tandis que plus de 80% de la population mondiale n’est jamais monté dans un avion.
La Région met aussi en avant la démarche de décarbonation du secteur à travers différents programmes dont l’ambition reste pourtant très modeste. C’est ainsi que la certification des aéroports (Airport Carbon Accréditation : ACA) vise uniquement à améliorer le bilan carbone des infrastructures aéroportuaires, pas celui des avions. Un vol Paris-Montpellier emettra donc toujours autant de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit de l’ordre de 100 fois plus que le même trajet en train. La Région cite également le programme CORSIA ( https://eco-act.com/fr/corsia/le-programme-corsia) au sujet duquel le dernier rapport du GIEC constate bon nombre de problèmes. Le programme veut compenser le CO2 émis par les vols internationaux, mais seulement celles qui dépasseraient le niveau record de 2019. Et là encore, la Région choisit le seul volet « Compenser » de la séquence complète, « Eviter, Réduire, Compenser », qui devrait s’appliquer à tout projet impactant l’environnement. Elle n’envisage en effet nullement d’éviter ou de réduire les vols sur son territoire mais seulement de les « compenser ».
Enfin comme le souligne le GIEC, investir de l’argent, notamment public, dans le secteur aérien est devenu un non-sens économique autant que climatique. Les secteurs gourmands en carburants fossiles comme l’aviation sont des investissements à risques financiers importants, du fait de leur incompatibilité avec une économie bas carbone.
Au nom de l’intérêt général, plutôt que de soutenir aveuglement le secteur aérien, la Région doit prendre de réelles mesures pour diminuer l’impact de celui-ci. En commençant par s’opposer à toute extension d’aéroport ou d’accroissement du trafic, elle doit ensuite rediriger les subventions directes et indirectes allouées à ce secteur vers des alternatives de mobilité plus compatibles avec les enjeux climatiques. Il faut repenser le maillage aéroportuaire et l’articulation avion-train-bus dans l’objectif de diminuer le trafic aérien. En parallèle, les salariés les plus impactés par la réduction de l’activité aéroportuaire auront besoin d’un fort appui à leur reconversion, de même que le secteur touristique qui doit évoluer vers moins de dépendance à l’avion.
Nous refusons la politique de l’autruche ou le déni de réalités et nous continuerons à demander à la Région et à nos élus locaux de prendre en compte l’urgence climatique. Nous resterons extrêmement vigilants à ce qu’ils s’engagent à limiter l’impact du trafic aérien pour l’avenir de nos territoires, de ses habitants et de sa biodiversité.