Japon, le 11 mars 2011. Trois catastrophes ont eu lieu. Un séisme, un tsunami et un accident nucléaire. Une seule de ces catastrophes aurait pu être évitée…
Un an après, retour à Fukushima.
La contamination empoisonnera Fukushima pour longtemps
L’Institut de Radioprotection et de sûreté Nucléaire français (IRSN) a indiqué dans un de ses derniers rapports que la contamination radioactive autour de la centrale nucléaire de Fukushima Diichi a fortement décrue. Mais l’institut la décrit désormais comme « chronique et pérenne ». Chronique car cette contamination radioactive, si elle ne connaît pas de pic majeur depuis la catastrophe, est désormais inscrite durablement, profondément dans l’environnement de la centrale. Pérenne, car cette radioactivité va durer. Longtemps, et en diminuant très lentement…
Les trois réacteurs accidentés ainsi que les explosions d’hydrogène dans les bâtiments de la centrale dans les jours qui ont suivis le 11 mars 2011, ont ainsi libéré de grandes quantités de césium radioactif. Ce césium a une durée de vie longue. Il est considéré qu’il ne sera « inoffensif » qu’au bout de 300 ans. Il reste aujourd’hui 98% de sa radioactivité initiale dans l’environnement, un taux qui sera encore de 81% en 2020.
Au total, sur environ 24 000 km2 du territoire japonais contaminé par le césium 137, seuls 600 km2 dépasseraient aujourd’hui le seuil des 600 000 becquerels par m2, estime l’IRSN. Il existe toutefois des terres contaminées en « taches de léopard » jusqu’à 250 km de distance de la centrale, avec des « points chauds » extrêmement localisés liés à l’accumulation de dépôts radioactifs par les pluies et le ruissellement.
Les indicateurs ont relevé des niveaux très ou trop élevés de radioactivité dans des municipalités de la zone évacuée autour de la centrale. Des lieux qui resteront pour certains définitivement inhabitables.
La centrale accidentée de Fukushima reste fragile. Si les autorités japonaises ont annoncé que les réacteurs endommagés ont été « stabilisés », la situation reste en fait préoccupante et le restera encore des mois probablement de nombreuses années.
En effet, le corium, magma métallique, qui s’est constitué lors de la fusion du cœur reste instable et une réaction de criticité reste possible.
Si des réactions venaient à se produire, des rejets radioactifs importants ne pourraient alors être exclus. De même, les conditions actuelles des piscines de désactivation et d’entreposage des combustibles irradiés continuent de présenter un très grand danger, tant qu’elles n’auront pas été vidées de leur contenu. L’instabilité physique des installations fragilisées par l’accident pourrait présenter un énorme risque en cas de nouveau tremblement de terre ou de tsunami même de faible amplitude.
carte réalisée par l’université d’Osaka
L’inaction des pouvoirs publics face à la catastrophe
Au rythme des rapports, des fuites de documents, des analyses, la réaction des pouvoirs publics japonais face à la catastrophe ne peut que choquer, ou à minima, laisser songeur... Un document découvert récemment, émanant du ministère Japonais pour l’éducation, la culture, les sciences et les technologies (MEXT), révèle que le ministre de l’époque, Yoshiaki Takaki et d’autres officiels, sont à l’origine de la décision de ne pas diffuser au public l’ampleur des radiations dans les jours qui ont suivis les explosions d’hydrogènes et la réaction en chaîne dans les réacteurs de Fukushima Daiichi. Le mémo en question précise que les données « ne doivent, par aucun moyen, être diffusés au public ».
Pour tirer une leçon de la catastrophe de Fukushima, Greenpeace a commandé un rapport.
Ce rapport, rédigé par trois experts indépendants (un physicien nucléaire, un correspondant pour un magazine sur la santé et un ingénieur nucléaire), explique et démontre comment le Gouvernement, les organes de contrôle et l’industrie nucléaire ont rendu possible la catastrophe de Fukushima Daiichi, puis n’ont pas réussi à protéger la population contre l’impact de la catastrophe.
Ce rapport tire deux conclusions principales :
La catastrophe de Fukushima remet en question la crédibilité de l’industrie nucléaire. L’industrie soutient que le risque d’accident nucléaire se limite à 1 fois pour 1 million (ou moins) d’années d’opération d’un réacteur. L’expérience montre toutefois qu’un accident significatif est à prévoir quelque part dans monde à chaque décennie.
L’influence politique exercée par l’industrie nucléaire sur les autorités japonaises de réglementation de la sûreté nucléaire est l’une des causes principales de l’accident à Fukushima.
Au lieu de reconnaître ces risques nucléaires, de nombreux politiques et autorités ont demandé à restaurer la confiance de l’opinion publique en l’énergie nucléaire. Un an après la catastrophe nucléaire, les autorités protègent à nouveau l’industrie nucléaire au lieu de protéger leurs citoyens.
Les stress tests que subissent les réacteurs du monde entier constituent également la preuve que nous n’avons rien appris de nos erreurs. Les réacteurs existants ont automatiquement bien réussi ces tests, justifiant ainsi la poursuite de leur activité. Seule l’Allemagne a décidé de fermer 8 de ses 17 réacteurs pour des raisons de sécurité. Après la catastrophe de Fukushima, aucun autre réacteur ne fut déclaré dangereux ni fermé dans le monde. Mais avec les critères retenus, parions que même Fukushima Daiichi aurait réussi le test !
Silence et contamination … la vie à Fukushima
Un an après avoir été forcés d’abandonner leur domicile à cause de la catastrophe nucléaire de Fukushima, des dizaines de milliers de réfugiés vivent toujours dans l’incertitude du lendemain, sans savoir quand –ou si– ils pourront rentrer chez eux.
Seuls les habitants de la zone des 20 km autour de la centrale ont été évacués. Mais la « zone à risque » elle, est bien plus étendue. La contamination, on l’a vue est pérenne, chronique, et beaucoup plus étendue ! Le quotidien de ces milliers de personnes se résume aujourd’hui à des questions, des incertitudes. Dans de nombreuses écoles, les enfants ne sont pas autorisés à rester plus d’une heure dans les cours de récréation et du césium a été également découvert dans de nombreux aliments.
Beaucoup n’ont pas les moyens de partir et n’ont d’autre choix que de continuer à vivre avec cette contamination invisible.
Des enfants sont toujours contaminés à 220 km de la centrale de Fukushima,montrent les résultats publiés par l’ACRO, l’Association pour le contrôle de la radioactivité de l’Ouest. Sur les 22 enfants japonais dont l’Acro a analysé les urines, 14 sont encore contaminés au césium 134 et césium 137. Cette persistance montre que la contamination des enfants vient de l’alimentation et non du panache.
Ne restent à Fukushima que le silence et la contamination.
C’est ce qu’a capturé la pellicule de Robert Knoth, photographe, dans l’exposition Shadowland (le pays des ombres). Robert Knoth a hanté, avec son appareil, ce pays des ombres: villages désertés, cours de récréation vides, fermes abandonnées … Ces clichés sont un rappel, impérieux, des dommages irréversibles de l’insécurité nucléaire.
Nous sommes tous dans une zone à risque …
Après la publication par Greenpeace France de la carte des zones à risques nucléaires pour l’hexagone, c’est au monde entier que la démarche a été étendue.
Plus de 400 réacteurs sont en activité dans le monde aujourd’hui. Vous, votre famille, vos amis, habitent probablement à proximité de l’un d’eux. Que ferions-nous face à un accident nucléaire comme Fukushima? Qui appellerions nous ? À qui écririons nous ? Qu’emmènerions nous? Voilà des questions auxquelles nous ne voudrions jamais devoir répondre… Mais que les habitants de la région de Fukushima ont dû se poser.
N’oublions pas Fukushima : rendez-vous le 11 mars
Il est temps. Il est temps de nous tourner vers des systèmes d’énergie modernes, basés sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, grâce auxquels nous pourrons nous affranchir de ces réacteurs et profiter des avantages supplémentaires d’une meilleure sécurité énergétique, de prix énergétiques stables et de millions d’emplois de qualité.
Parce que nous devons dire non à l’éventualité d’un autre Fukushima, nous nous rassemblerons, avec le Réseau Sortir du Nucléaire et d’autres associations, dimanche 11 mars, pour constituer une chaîne humaine contre le nucléaire. Cet évènement aura lieu en France, mais aussi au Japon, et partout dans le monde.
Rejoignez nous, nous avons besoin de vous !
À voir, sur le site web d’Arte, la série « récits de Fukushima », réalisée par Alain de Halleux.