Mardi 16 février, à 8h30 du matin, trois activistes de Greenpeace se sont enchaînés au portail de l’usine Areva située à Tricastin, dans la Drôme. À quelques mètres de là, quatre autres militants se sont fixés à un cône en béton lui-même accroché à la voie ferrée. Leur objectif : empêcher le départ d’un train chargé de déchets nucléaires français, bloqué à quelques mètres de là, de l’autre coté de la grille.
© Pierre Gleizes
Les activistes sont restés en place plus de neuf heures pour empêcher le convoi de sortir du complexe nucléaire, contraignant Areva à changer ses plans. Initialement prévu à Cherbourg le 17 février au matin, le transfert des conteneurs de déchets nucléaires sur le Kapitan Kuroptev, navire chargé d’acheminer la cargaison à Saint-Pétersbourg, devrait finalement être réalisé au port du Havre, le 17 février au soir.
Greenpeace est intervenu sur ce deuxième transport de déchets nucléaires prévus par Areva en direction de la Russie, après s’être déjà interposée pour dénoncer le premier convoi, à Cherbourg, le 25 janvier.
« Nous voulons obtenir un moratoire immédiat sur ces exportations de déchets en Russie, déclare Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire de Greenpeace présent au Havre. Nous ne laisserons pas passer un seul convoi sans entrave. La Russie n’est pas une poubelle ! Si les pouvoirs publics laissent Areva et EDF poursuivre leur trafic opaque en toute impunité, nous sommes contraints d’agir. »
Des mensonges, rien que des mensonges !
En Russie, Areva et EDF prétendent que ces déchets sont revalorisés, afin d’être ensuite rapatriés en France puis réintroduits dans les centrales. En réalité, il n’en est rien. Selon le rapport reprenant les chiffres avancés par les industriels eux-mêmes et publié par Greenpeace en décembre dernier, 33 000 tonnes d’uranium ont été exportées vers la Russie depuis 2006, alors que seules 3 090 tonnes d’uranium ont fait le chemin inverse…
La grande arnaque du recyclage
Areva martèle que les déchets nucléaires sont recyclables à 96 %. Une fois coupé et dissout, le combustible irradié se divise en trois catégories : environ 95 % d’uranium, 1 % de plutonium et 4 % de déchets ultimes. Aujourd’hui seule une partie du plutonium est effectivement réutilisée pour produire un nouveau combustible, baptisé le Mox. Les 4 % de déchets ultimes sont vitrifiés et stockés. Restent donc la majeure partie : l’uranium de retraitement, qui représente 95 % du résultat du retraitement. C’est cette matière qu’Areva et EDF expédient en Russie.
« Les industriels affirment que les déchets envoyés en Russie sont enrichis pour faire un nouveau combustible. C’est comme si on envoyait aux Russes des oranges déjà pressées pour faire du jus, explique Yannick Rousselet. C’est techniquement faisable, mais si compliqué, si cher, si peu rentable qu’ils ne le font pas. »
Même les autorités françaises n’ont plus confiance !
Depuis la diffusion en octobre 2009, sur Arte, du documentaire de Laure Noualhat et Eric Guéret « Déchets, le cauchemar du nucléaire », le scandale des exportations de déchets nucléaires français en Russie, combattu par Greenpeace depuis longtemps, a été remis sur le devant de la scène. Ainsi, le Haut comité sur la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a été officiellement saisi par le ministre de l’Écologie et de l’Énergie Jean-Louis Borloo et l’Office parlementaire des choix technologiques, afin de tenter de faire la lumière sur le trafic d’Areva et EDF. Résultats attendus sous peu…
En attendant, Greenpeace mobilise l’ensemble des citoyens pour qu’au nom du principe de précaution Jean-Louis Borloo décrète un moratoire sur ces expéditions de déchets nucléaires en Russie. Plus de 5 600 citoyens ont déjà envoyé un message au ministre de l’Écologie et de l’Énergie.