Mais mauvaise nouvelle : derrière de nobles discours, la principale décision de la semaine est l’autorisation données aux thoniers industriels de déployer jusqu’à 550 dispositifs de concentration de poissons (DCP) pour capturer les thons tropicaux.
Comme nous l’avions déjà souligné dans un précédent billet, cette limite est inacceptable et ne repose en aucun cas sur des avis scientifiques. Il serait d’ailleurs plus juste de parler d’une porte ouverte à l’augmentation du nombre de DCP utilisés dans l’océan Indien, plutôt que d’une soit disant « limitation ».
Décision sur mesure pour l’industrie de pêche espagnole
Cette proposition a été présentée par l’Union européenne, mais personne n’est dupe sur les véritables donneurs d’ordre : l’industrie de pêche espagnole.
Pourquoi 550 DCP ? Tout simplement car c’est le seuil correspondant aux intérêts de l’industrie espagnole, c’est-à-dire les armateurs qui possèdent les plus gros navires pouvant atteindre plus de 110 m et qui utilisent le plus grand nombres de DCP…
En fixant la barre à 550 DCP déployés par navires, les thoniers espagnols n’auront rien à changer dans leurs pratiques, c’est la politique du fait accompli où ceux qui ont les pires pratiques fixent les règles du jeu. Les armateurs qui aujourd’hui pêchent avec moins de DCP, qu’ils soient français ou asiatiques, pourront eux augmenter de manière significative le recours à cette technique destructrice.
Les thoniers français en contradiction avec leurs intérêts
Le plus étrange, c’est le soutien des industriels français du thon et de l’administration française. Ce palier des 550 DCP est en totale contradiction avec la limitation volontaire à 200 DCP par thonier senneur que se fixent actuellement les armateurs français.
En acceptant cette nouvelle « limitation », ils ne font que se tirer une balle dans le pied car la décision prise à Busan va rendre de plus en plus difficile la capture de thons sur bancs libres (sans DCP) une pratique de pêche beaucoup plus durable. Or les thoniers français pêchent aussi sur bancs libres…
En d’autres mots, les thoniers français ont bataillé aux côtés des Espagnols pour défendre le modèle de pêche le plus intensif, le plus destructeur et qui est une menace pour leurs propres pratiques, donc pour l’avenir de la pêcherie.
Les DCP, enfin un enjeu de la pêche au thon
Il est impossible de connaitre le nombre exact de DCP qui dérivent aujourd’hui au gré des courants dans le sud-ouest de l’océan Indien. Certain scientifiques ont récemment parlé de plus de 10 000 DCP présents dans cette région, mais à Busan, un membre de la délégation française a évoqué la possibilité de plus de 25 000 DCP déployés par l’industrie (!)
Seule certitude, depuis plus d’une décennie, leur prolifération est continue et la capacité de pêche est en augmentation constante. En résumé, la situation est hors contrôle et il est urgent de défendre l’intérêt général et non uniquement la rentabilité de quelques armateurs industriels.
Un des seuls points positifs de cette conférence est que pour la première fois, les DCP ont été le sujet central des discussions et des négociations. Même si le lobbying de l’industrie a gagné pour le moment, les DCP ont été l’objet de fortes tensions et débats, de nombreux états membres étant très réservés sur la position défendue par l’Union européenne.
Dernier recours : les consommateurs !
Ces débats sont le signe que les choses changent et qu’une prise de conscience commence à émerger. C’est aussi la conséquence du travail mené auprès des acteurs du marché, des marques de thon en boite comme de la grande distribution.
Cela nous conforte dans l’idée que c’est l’engagement que prendront les vendeurs et les acteurs du marché à ne commercialiser que du thon durable, donc capturé sans DCP, qui fera évoluer les pratiques et cela ne pourra se faire que grâce à la pression des consommateurs.
La réponse à cette décision scandaleuse de permettre 550 DCP par navire doit venir de tous ceux qui ont conscience de l’impasse dans laquelle se dirige l’industrie et de l’urgence d’agir.
Plus du thon pêché sur banc libre sera présent dans les étalages des supermarchés, plus les pratique sur l’eau évolueront dans le bon sens, vers une pêche plus durable, mais aussi plus équitable.