Un problème social et écologique
Pour 12 millions de personnes qui ont froid chez elles ou dépensent trop d’argent pour se chauffer, l’isolation des logements n’est pas juste une question théorique. C’est une réalité qui a des conséquences directes et quotidiennes sur la vie de famille et la santé. L’impact sanitaire de ces problèmes de chauffage a d’ailleurs été démontré, notamment par une étude du CREAI-ORS Occitanie soutenue par la Fondation Abbé Pierre. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a calculé que les dépenses de réhabilitation thermique de l’habitat contribuent directement à réduire les dépenses de santé : pour 1 euro de travaux, 0,42 euro d’économies en dépenses de santé seraient réalisées…
L’isolation des logements passoires, c’est aussi une question environnementale et climatique, comme le souligne Aline dans sa pétition. En France, logements et bâtiments sont responsables de près de 20% des émissions de gaz à effet de serre, causes directes du dérèglement climatique ! Le secteur dit « résidentiel-tertiaire » (autrement dit les logements et bureaux) est le 2e plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France, juste après les transports et à égalité avec l’agriculture. À eux seuls, les logements représentent près de 11 % des émissions de gaz à effet de serre ! Une grande partie de ces émissions liées aux logements pourrait pourtant être évitée en menant une politique ambitieuse de rénovation de l’habitat. Plutôt que de dépenser des fortunes en fioul, gaz ou électricité sans pour autant améliorer le confort et la santé des plus précaires, les économies d’énergie et la rénovation des logements passoires devraient être une priorité absolue.
Rénovation globale des logements : on attend quoi ?
Pour répondre à l’urgence sociale et climatique, et à des situations dramatiques comme celle d’Aline et ses voisin·es, des solutions concrètes sont déjà sur la table. Les mesures incitatives mises en place depuis des années par différents gouvernements sont insuffisantes, tant en termes du nombre de rénovations par an que de leur qualité (performance énergétique des travaux), et ne parviennent pas à remplir nos objectifs climatiques. Plusieurs organisations, dont Greenpeace, soutiennent activement une proposition qui pourrait changer la donne rapidement et efficacement : « l’obligation de rénovation globale et performante ». Qui dit « obligation » dit « contrainte » ? Oui, mais pas seulement… Concrètement, voilà en quoi ce plan de rénovation consiste :
- Tous les « logements passoires » doivent impérativement être rénovés d’ici au 1er janvier 2028 au plus tard : les propriétaires de passoires thermiques devront réaliser des travaux de rénovation, avec obligation de résultats (pour éviter des rafistolages sans impact réel sur la consommation d’énergie).
- L’ensemble du parc immobilier français devra d’ici à 2050 au plus tard avoir atteint le niveau « bâtiments basse consommation » (BBC, équivalent aux étiquettes de Diagnostic de performance énergétique A ou B). Concrètement, cela signifie que plus de 90 % du parc immobilier français devra bénéficier d’une rénovation d’ici à 2050.
- Des aides beaucoup plus importantes doivent être mises en place afin que chaque propriétaire, en fonction de ses moyens, puisse financer correctement ces travaux. Les propriétaires les plus précaires doivent ainsi pouvoir bénéficier d’aides bien plus conséquentes allant jusqu’au « zéro reste à charge ». Les propriétaires doivent aussi bénéficier d’accompagnement.
- Un programme ambitieux de formation doit être mis en œuvre pour s’assurer de l’efficacité des travaux réalisés par les professionnels du bâtiment.
Des mesures pour le logement et le climat qui font consensus
Compliqués ? Irréalistes ? Trop coûteuses ? Ces demandes émanent aussi bien de la Convention citoyenne pour le climat que du Haut Conseil pour le climat (deux instances mises en place par Emmanuel Macron…) ou encore d’organisations telles que le Cler, la Fondation Abbé Pierre, Alliance citoyenne et des professionnels du secteur. Elles sont loin d’être une lubie. Mieux, elles sont une nécessité.
L’initiative Rénovons a proposé un plan de rénovation détaillé et chiffré, qui coûterait en moyenne 3,2 milliards d’euros par an sur la période 2020-2040. Cela génèrerait surtout des retombées positives considérables :
- Pour chaque euro investi, ce plan assurerait à l’État 1,13 euro de bénéfice net.
- 700 millions d’euros d’économies annuelles pour le système de soins.
- 1 100 euros d’économies en moyenne par ménage et par an.
- Une réduction progressive des émissions de gaz à effets de serre dès les premiers travaux, puis à terme d’au moins 14 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an à partir de 2040 !
Climat, précarité et petits pas
Pourtant, comme dans d’autres domaines, le gouvernement joue encore la politique des petits pas et des effets de manche. La ministre du Logement Emmanuelle Wargon a annoncé de nouvelles mesures de lutte contre les passoires énergétiques… extrêmement limitées :
- Le nouveau système d’aide à la rénovation MaPrimeRénov’ écarte les ménages les plus précaires, qui ne pourront pas bénéficier du « zéro reste à charge » et ne pourront donc pas réaliser les travaux nécessaires.
- Toujours aucune obligation de performance pour tout acte de rénovation : des travaux inefficaces peuvent donner lieu à des aides, sans résultat ni pour le climat ni pour le confort et la santé des occupants.
- Le volume global des aides est très insuffisant pour avoir un réel impact.
- L’interdiction de louer certains logements « passoires » annoncée par le gouvernement ne concernera que 2% des logements passoires en 2023… Pour les autres, il faudra attendre jusqu’à 2028… Et ces logements seront simplement retirés du marché locatif légal, ce qui ne signifie pas qu’ils seront rénovés ou inoccupés…
- Les propriétaires occupants ne sont pas concernés par ces mesures, soit 58 % des personnes vivant dans des passoires thermiques en 2018 selon le Haut Conseil pour le climat.
Il est donc plus que temps que le gouvernement, la ministre du Logement Emmanuelle Wargon en tête, et les député·es prennent la mesure du problème et répondent à la demande urgente d’Aline et de millions de citoyennes et citoyens préoccupées par les enjeux sociaux et climatiques.
Logements passoires, rénovation globale, DPE… De quoi parle-t-on ?
Logement passoire
Un « logement passoire » ou « passoire thermique » ou « énergétique » est un logement ayant une étiquette de Diagnostic de performance énergétique (DPE – voir définition plus bas) de niveau F ou G (c’est-à-dire les deux catégories de logements les pires en termes de consommation d’énergie). Difficultés à chauffer, humidité, eau chaude insuffisante… Une passoire thermique est un logement à la fois inconfortable, potentiellement dangereux pour la santé et extrêmement énergivore, ce qui conduit à des factures énergétiques exorbitantes.
Diagnostic de performance énergétique
Le « Diagnostic de performance énergétique » (DPE) renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. Il évalue sa consommation d’énergie et son impact en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Chaque logement entre ainsi dans l’une des sept catégories de DPE : du plus économe en énergie et moins émetteur de gaz à effet de serre (étiquette A) au plus consommateur et plus émetteur de gaz à effet de serre (étiquette G). Pour plus de détails, voir la page « Diagnostic de performance énergétique » du ministère de la Transition écologique.
Rénovation performante
La « rénovation performante » est un ensemble de travaux qui doivent permettre aux logements et bâtiments d’atteindre a minima le niveau « BBC rénovation » (voir définition plus bas) ou équivalent, en moyenne nationale et à l’horizon 2050. Plus précisément, un bâtiment rénové « performant » doit bénéficier de travaux sur les postes suivants : isolation des murs, des planchers bas et de la toiture, remplacement des menuiseries extérieures, ventilation et production de chauffage/eau chaude sanitaire, ainsi que les jonctions entre ces éléments et le bon dimensionnement des systèmes.
Rénovation globale
La « rénovation globale » est une rénovation « complète » et « performante » : elle est menée en une seule opération de travaux et réalisée en moins de douze mois.
Bâtiment basse consommation (BBC)
Le label « bâtiment basse consommation » (ou BBC) correspond initialement au label « haute performance énergétique » mis en place en 2007 pour les bâtiments neufs. Les bâtiments neufs BBC doivent respecter un ensemble de points techniques et leur consommation en énergie primaire ne doit pas dépasser 50 kWh par mètre carré et par an (avec des modulations selon les zones climatiques). Ce niveau de consommation équivaut à l’étiquette A du Diagnostic de performance énergétique (DPE). En 2009, un dispositif équivalent a été mis en place pour les bâtiments anciens : le label BBC Rénovation (ou BBC 2009), avec une limite de consommation en énergie primaire fixée à 80 kWh par mètre carré et par an (soit l’étiquette B du DPE actuel).
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