Précarité et climat : stop aux logements passoires

Depuis cinq ans, Aline vit à Aubervilliers dans un logement qui est une véritable « passoire thermique » : un appartement très mal isolé et impossible à chauffer, malgré des factures d’énergie mirobolantes. Début février, le thermomètre indiquait 9°C au réveil… pour des factures mensuelles d’électricité dépassant 700 € au cœur de l’hiver ! Face à cette situation aberrante, elle a décidé d’agir avec des voisins et voisines qui vivent dans des conditions similaires et se préoccupent aussi bien de leur quotidien que des enjeux environnementaux. Puisque bailleurs sociaux, collectivités locales et élu·es disent ne pas avoir les moyens d’agir, Aline a décidé d’interpeller directement la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, pour que des mesures très concrètes soient prises. Elle a lancé une pétition sur la plateforme GreenVoice.

Un problème social et écologique

Pour Aline, comme pour 12 millions de personnes qui ont froid chez elles ou dépensent trop d’argent pour se chauffer, l’isolation des logements n’est pas juste une question théorique. C’est une réalité qui a des conséquences directes et quotidiennes sur la vie de famille et la santé. L’impact sanitaire de ces problèmes de chauffage a d’ailleurs été démontré, notamment par une étude du CREAI-ORS Occitanie soutenue par la Fondation Abbé Pierre. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a calculé que les dépenses de réhabilitation thermique de l’habitat contribuent directement à réduire les dépenses de santé : pour 1 euro de travaux, 0,42 euro d’économies en dépenses de santé seraient réalisées…

L’isolation des logements passoires, c’est aussi une question environnementale et climatique, comme le souligne Aline dans sa pétition. En France, logements et bâtiments sont responsables de près de 20% des émissions de gaz à effet de serre, causes directes du dérèglement climatique ! Le secteur dit « résidentiel-tertiaire » (autrement dit les logements et bureaux) est le 2e plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France, juste après les transports et à égalité avec l’agriculture. À eux seuls, les logements représentent près de 11 % des émissions de gaz à effet de serre ! Une grande partie de ces émissions liées aux logements pourrait pourtant être évitée en menant une politique ambitieuse de rénovation de l’habitat. Plutôt que de dépenser des fortunes en fioul, gaz ou électricité sans pour autant améliorer le confort et la santé des plus précaires, les économies d’énergie et la rénovation des logements passoires devraient être une priorité absolue.

Rénovation globale des logements : on attend quoi ?

Pour répondre à l’urgence sociale et climatique, et à des situations dramatiques comme celle d’Aline et ses voisin·es, des solutions concrètes sont déjà sur la table. Les mesures incitatives mises en place depuis des années par différents gouvernements sont insuffisantes, tant en termes du nombre de rénovations par an que de leur qualité (performance énergétique des travaux), et ne parviennent pas à remplir nos objectifs climatiques. Plusieurs organisations, dont Greenpeace, soutiennent activement une proposition qui pourrait changer la donne rapidement et efficacement : « l’obligation de rénovation globale et performante ». Qui dit « obligation » dit « contrainte » ? Oui, mais pas seulement… Concrètement, voilà en quoi ce plan de rénovation consiste :

Des mesures pour le logement et le climat qui font consensus

Compliqués ? Irréalistes ? Trop coûteuses ? Ces demandes émanent aussi bien de la Convention citoyenne pour le climat que du Haut Conseil pour le climat (deux instances mises en place par Emmanuel Macron…) ou encore d’organisations telles que le Cler, la Fondation Abbé Pierre, Alliance citoyenne et des professionnels du secteur. Elles sont loin d’être une lubie. Mieux, elles sont une nécessité.

L’initiative Rénovons a proposé un plan de rénovation détaillé et chiffré, qui coûterait en moyenne 3,2 milliards d’euros par an sur la période 2020-2040. Cela génèrerait surtout des retombées positives considérables :

Climat, précarité et petits pas

Pourtant, comme dans d’autres domaines, le gouvernement joue encore la politique des petits pas et des effets de manche. La ministre du Logement Emmanuelle Wargon a annoncé de nouvelles mesures de lutte contre les passoires énergétiques… extrêmement limitées :

Il est donc plus que temps que le gouvernement, la ministre du Logement Emmanuelle Wargon en tête, et les député·es prennent la mesure du problème et répondent à la demande urgente d’Aline et de millions de citoyennes et citoyens préoccupées par les enjeux sociaux et climatiques.

 

Logements passoires, rénovation globale, DPE… De quoi parle-t-on ?

Logement passoire

Un « logement passoire » ou « passoire thermique » ou « énergétique » est un logement ayant une étiquette de Diagnostic de performance énergétique (DPE – voir définition plus bas) de niveau F ou G (c’est-à-dire les deux catégories de logements les pires en termes de consommation d’énergie). Difficultés à chauffer, humidité, eau chaude insuffisante… Une passoire thermique est un logement à la fois inconfortable, potentiellement dangereux pour la santé et extrêmement énergivore, ce qui conduit à des factures énergétiques exorbitantes.

Diagnostic de performance énergétique

Le « Diagnostic de performance énergétique » (DPE) renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. Il évalue sa consommation d’énergie et son impact en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Chaque logement entre ainsi dans l’une des sept catégories de DPE : du plus économe en énergie et moins émetteur de gaz à effet de serre (étiquette A) au plus consommateur et plus émetteur de gaz à effet de serre (étiquette G). Pour plus de détails, voir la page « Diagnostic de performance énergétique » du ministère de la Transition écologique.

Rénovation performante

La « rénovation performante » est un ensemble de travaux qui doivent permettre aux logements et bâtiments d’atteindre a minima le niveau « BBC rénovation » (voir définition plus bas) ou équivalent, en moyenne nationale et à l’horizon 2050. Plus précisément, un bâtiment rénové « performant » doit bénéficier de travaux sur les postes suivants : isolation des murs, des planchers bas et de la toiture, remplacement des menuiseries extérieures, ventilation et production de chauffage/eau chaude sanitaire, ainsi que les jonctions entre ces éléments et le bon dimensionnement des systèmes.

Rénovation globale

La « rénovation globale » est une rénovation « complète » et « performante » : elle est menée en une seule opération de travaux et réalisée en moins de douze mois.

Bâtiment basse consommation (BBC)

Le label « bâtiment basse consommation » (ou BBC) correspond initialement au label « haute performance énergétique » mis en place en 2007 pour les bâtiments neufs. Les bâtiments neufs BBC doivent respecter un ensemble de points techniques et leur consommation en énergie primaire ne doit pas dépasser 50 kWh par mètre carré et par an (avec des modulations selon les zones climatiques). Ce niveau de consommation équivaut à l’étiquette A du Diagnostic de performance énergétique (DPE). En 2009, un dispositif équivalent a été mis en place pour les bâtiments anciens : le label BBC Rénovation (ou BBC 2009), avec une limite de consommation en énergie primaire fixée à 80 kWh par mètre carré et par an (soit l’étiquette B du DPE actuel).

 

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