Election
Nous avons analysé les programmes des douze candidat-es à la Présidentielle 2022.
Fabien Roussel
« Écolo-coco »
ou écolo-démago ?
Comme d’autres candidats avant lui, traditionnellement plutôt à droite ou à l’extrême-droite de l’échiquier politique, Fabien Roussel a décidé de caricaturer les enjeux écologiques dans ses prises de position publiques, dénonçant par exemple « la bien-pensance qui voudrait interdire la viande et les voitures ». Pas très malin dans le contexte d’urgence écologique et climatique.
De plus, malgré un discours fort sur les conséquences sociales et environnementales du système économique capitaliste, le candidat Roussel a du mal à sortir de la logique productiviste et ne va pas assez loin pour transformer ce système. Il porte de bonnes propositions sur le secteur agricole, mais il reste trop timide sur les enjeux de transformation d’autres secteurs polluants comme les transports. En matière de transition énergétique, il fait le choix de continuer le fiasco nucléaire.
A noter enfin qu’il est un des candidat·es qui donnent une place à l’enjeu majeur de préservation de la biodiversité dans son programme.
Fabien Roussel déploie beaucoup d’énergie à dénoncer « l’écologie punitive », mais il passe à côté de mesures qui permettraient de mettre à contribution en priorité les ménages les plus fortunés et les grandes entreprises qui polluent le plus, comme l’instauration d’un ISF climatique.
De plus, le candidat défend la construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR, faisant fi des échecs précédents, des incertitudes sur la technologie, des coûts, des risques, des difficultés de gestion des déchets radioactifs et des délais, bien trop longs pour permettre de répondre à l’urgence climatique. A l’inverse, son programme sur les énergies renouvelables est flou et non chiffré et la question de la sobriété énergétique est absente.
Il passe sous silence certains autres enjeux clés : en matière de régulation des industries et entreprises polluantes, il n’a par exemple pas repris nos propositions sur l’interdiction des dividendes climaticides ; rien sur la rehausse de notre ambition climatique ; presque rien en termes de mesures de sobriété pour réduire l’impact climatique des secteurs aérien et automobile ; rien sur les nouveaux OGM.
Il propose notamment de conditionner les aides publiques aux entreprises à des critères sociaux et écologiques et de sécuriser les transitions professionnelles face à l’enjeu de décarbonation de l’économie, et s’engage sur certaines mesures sectorielles importantes, comme la rénovation des logements, la relance du ferroviaire ou le développement des transports collectifs et même, malgré ses discours caricaturaux, le « moins mais mieux de viande » !
Fabien Roussel propose des mesures essentielles pour assurer la transition agroécologique du pays : fonds de 10 milliards d’euros pour développer une alimentation bio et moins carnée en restauration collective, soutien aux modèles les plus durables comme la polyculture élevage ou encore limitation des installations industrielles d’élevage. Il propose aussi des mesures intéressantes pour lutter contre la précarité alimentaire, mais il ne s’est pas saisi de notre proposition d’un modèle de type sécurité sociale de l’alimentation qui remettrait la démocratie au cœur des enjeux alimentaires.
Il a également le mérite de parler de préservation de la biodiversité et de sujets souvent complètement oubliés par bon nombre de candidats, comme la lutte contre la déforestation importée ou comme le moratoire sur l’exploitation et l’exploration minière des fonds marins.
Nous avons voulu regarder comment la « famille » politique du candidat Fabien Roussel s’est comportée à l’Assemblée nationale pendant le dernier quinquennat, sur quelques votes clés sur l’écologie et pour lesquels les scrutins étaient publics. Pourquoi ? Parce que, dans les faits, c’est avec cette famille politique que le candidat devrait composer pour gouverner s’il était élu. De plus, Fabien Roussel était lui-même député pendant ce quinquennat, donc il est intéressant de voir ce qu’il a voté le cas échéant à l’Assemblée nationale sur nos sujets.
Sur les quelques votes que nous avons pu analyser, le bilan est positif. Le groupe parlementaire de la « Gauche démocrate et républicaine – GDR » à l’Assemblée nationale a voté unanimement contre l’adoption du CETA, accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada néfaste pour l’environnement et le climat. Il a voté aussi unanimement contre la ré-autorisation des néonicotinoïdes (les pesticides tueurs d’abeilles). Sur les conditionnalités écologiques aux aides publiques apportées aux grandes entreprises pendant la crise Covid, les député·es GDR présents dans l’hémicycle pour les différents votes afférents se sont systématiquement exprimés pour. Enfin, les député·es GDR présents dans l’hémicycle pour les différents votes afférents ont également systématiquement voté pour l’exclusion de l’huile de palme et de l’huile soja de la liste des « biocarburants » bénéficiant d’avantages fiscaux (les effets dramatiques de ces biocarburants de première génération sur le climat et l’environnement ont été largement démontré).
Pour plus de détails, voir nos données compilées pour les familles politiques des différent·es candidat·es, publiées en accès libre.
Nous recommandons vivement à Fabien Roussel de s’intéresser de plus près au double jeu dangereux de l’industrie nucléaire française avec l’industrie nucléaire russe. Et de (re)lire quelques rapports sur les coûts du nucléaire (comme celui de la Cour des comptes sur la filière EPR ou le nôtre sur les coûts cachés des déchets nucléaires), entre autres.
Cette analyse a été mise à jour le 29/03/2022 en tenant compte d’éléments complémentaires du programme de Fabien Roussel.
Une analyse du programme de Fabien Roussel sur le climat, détaillée secteur par secteur, a également été réalisée par le Réseau Action Climat.
Aperçu de tous les candidats et candidates
Pour en savoir plus sur les critères que nous avons retenus, voir notre méthodologie.
Pour compléter et approfondir les programmes sur l’écologie des candidats et candidates à l’élection présidentielle 2022, voir également les analyses du Réseau Action Climat, dont Greenpeace France est membre, ainsi que la comparaison des propositions des candidat·es réalisée par l’Affaire du Siècle, avec Data For Good et le collectif Eclaircies pour sortir la France de l’illégalité climatique.
Les analyses ci-dessous se concentrent sur les programmes des candidats et candidates et ne traitent donc pas directement des conséquences du conflit en cours en Ukraine. Les enjeux de transition écologique et énergétique et de justice sociale prennent cependant une dimension supplémentaire dans ce contexte. Pour en savoir plus, voir notre article consacré aux questions environnementales liées à la guerre en Ukraine et à leur traitement par les responsables politiques.