En juin 2015, l’Association Nationale Pommes Poires (ANPP) avait mis en demeure Greenpeace suite à la sortie de son rapport « Pommes Empoisonnées – Mettre fin à la contamination des vergers grâce à l’agriculture écologique ». Nous étions sommés de verser 50 000 euros de dommages et intérêts et de modifier le titre de notre rapport sous astreinte de 1000 € par jour de retard – ce à quoi nous avions répondu qu’il en était hors de question, et que cela ne changeait de toute façon rien au fond du problème.
L’ANPP revient à la charge
Par ordonnance en date du 10 novembre 2015, le Juge des Référés avait finalement débouté l’ANPP de l’ensemble de ses demandes. Qu’à cela ne tienne : forte du succès de son procès contre Biocoop, l’association – qui n’est d’autre que le lobby des producteurs de pommes – est revenue à la charge en 2016. La semaine dernière, la cour d’appel de Paris a finalement débouté l’ANPP de toutes ses demandes et l’a condamnée à verser 5 000 € à Greenpeace au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile).
Un procès symbolique pour un enjeu de taille
Pour Greenpeace, l’enjeu de ce procès était extrêmement important : au-delà de la question des dommages et intérêts réclamés, c’est l’intégrité des ONG et leur liberté d’expression qui sont ici mises en cause. Car si un lobby ou une entreprise parvient à faire modifier le titre, voire même une seule ligne d’un rapport publié par une association sous prétexte de « dénigrement », c’est la porte ouverte à toutes les censures et pressions du secteur privé sur la société civile.
Visiblement, ce type d’action destiné à museler les ONG, est parfaitement identifié et semble prendre de l’ampleur.
Dans la revue Dalloz de février 2017, Christophe Jamin, professeur des Universités et directeur de l’École de droit de Sciences Po, explique très bien que: « cette stratégie d’intimidation judiciaire […] trouve son origine aux États-Unis dans les fameux SLAPPs (Strategic Lawsuits Against Public Participation) parfois traduits par « poursuites-bâillons » (l’acronyme renvoie en anglais aux baffes), où elle est désormais fort bien documentée et très critiquée, au point d’avoir donné lieu à diverses mesures « anti-SLAPP » dans de nombreux États ».
En raison de son imprécision et du manque de garde-fous procéduraux, cette stratégie basée sur le fondement jurisprudentiel du dénigrement est une mine d’or à exploiter pour les entreprises et elles ne s’en priveront pas. Nous ne savons pas encore quelle est la volonté de l’ANPP (pourvoi en cassation, saisi d’un juge du fond comme elle l’a fait contre Biocoop, …).
Quoi qu’il en soit, cette victoire, bien qu’elle soit importante, ne constitue qu’une étape. Greenpeace reste déterminée dans sa lutte pour la préservation de l’environnement – tout autant que dans son combat pour la liberté d’expression.