L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a publié aujourd’hui son Inventaire national 2012 des matières et déchets radioactifs, dont il existe même une version « interactive »
A la lecture du dossier de presse, et au regard de l’interprétation qu’en ont fait certains médias (voir l’article du Figaro : La sortie du nucléaire coûtera très cher en déchets) il parait absolument essentiel de faire une rapide mise au point, ou en tout cas, d’aider l’Andra dans sa volonté « d’être une source d’informations précises pour le citoyen »
Vous avez dit déchets ?
Dans son dossier de presse, l’Andra propose une série de questions / réponses, qui aborde notamment cette question : « Quel impact l’arrêt du traitement des combustibles usés aurait-il sur les volumes de déchets et sur leur stockage ?« .
L’Andra répond à la question : « En cas d’arrêt du traitement, les combustibles usés seraient eux-mêmes considérés comme des déchets. Cela concerne tous les types de combustibles usés (dont le MOX par exemple) aujourd’hui entreposés dans l’attente d’une valorisation future. Les quantités de combustibles usés qui seraient à prendre en compte représenteraient un volume de colis de stockage de l’ordre de 90 000 m3. »
Oui mais …
Aujourd’hui seuls 4% des combustibles usés sont considérés comme des déchets et sont pris en compte dans l’inventaire de l’Andra. Ainsi, 96% des combustibles usés échappent à la définition de déchet et sont considérés comme des « matières valorisables ». La loi française prévoit en matière nucléaire qu' »un résidu issu d’un process de production pour lequel une utilisation future est envisagée n’est pas un déchet ».
La recherche sur une filière de 4ème génération (Astrid) supposée fonctionner avec du plutonium et de l’uranium appauvri (les 96% restants) dans un futur plus ou moins lointain (à noter que superphénix était déjà supposé fonctionner avec de tels matériaux) fait sortir ces 96% de la qualification de déchets nucléaires et donc de l’inventaire officiel de l’Andra. Oui, vous aurez noté la somme de conditionnel dans cette phrase….
Les 10 000 m3 annoncés par l’Andra sont donc en réalité les déchets vitrifiés (4% des combustibles usagés). Et si on compare ce chiffre au chiffre de déchets vitrifés dans un scénario de sortie du nucléaire il est de 3500 m3 … oui, c’est donc beaucoup moins.
Comment on arrive à 90 000m3 de déchets avec une sortie du nucléaire dans ces conditions, comme le suggère l’Andra dans ses « questions / réponses » ?
Tout simplement parce que l’Andra considère que la sortie du nucléaire serait couplée avec l’arrêt du retraitement qui ferait comme par magie augmenter le volume de déchets.
Remettons les choses dans leur contexte : aujourd’hui, seule une partie du plutonium (qui ne représente qu’1% du volume total des combustibles usagés) est utilisée pour fabriquer du MOX, qui lui, n’est pas recyclable. Le HCTISN a publié un rapport en 2010 qui affirmait que le retraitement ne permettait pas d’économiser de ce fait plus de 12% d’uranium frais. De leur côté les ONG annonce moins de 2,5%…
C’est en réalité l’abandon de la 4ème génération (Astrid, petite fille de Superphénix), ou la démonstration de l’incapacité technique à faire fonctionner un réacteur en surgénération qui amènerait à une nécessaire requalification juridique du déchet nucléaire et donc à une hausse du volume de ces déchets.
Donc ces déchets existent bel et bien aujourd’hui, ils ne sont pas recyclés puisque moins de 1% est utilisé pour faire du MOX et une seule centrale utilise de l’URE (uranium de retraitement appauvri réenrichit en Russie), celle de Cruas-Meysse …
La différence de chiffres de 90 000 m3 à 10 000 m3 réside donc dans le fait que ces déchets qui sont aujourd’hui appelés « matières valorisables » et sont entreposés sur les sites d’Areva (principalement La Hague) en attendant qu’un jour, peut être, ils soient potentiellement utilisés, rentreraient alors dans l’inventaire officiel de l’Andra.
Le risque principal ne réside donc pas dans la sortie du nucléaire !
Mais dans les défaillances techniques de la 4ème génération, qui aboutiront à une requalification de la notion de déchets et qui posera surtout la question des coûts financiers de leur gestion.