Quel avenir pour l’exploitation minière des fonds marins ?

Du 10 au 28 juillet, l’Autorité internationale des fonds marins, censée réguler les activités des entreprises de l’industrie minière mais aussi de garantir la protection des grands fonds, a organisé ses discussions annuelles en deux temps, à Kingston, en Jamaïque. En premier lieu se sont tenues les réunions de son Conseil, composé de 36 de ses membres, puis l’Assemblée, impliquant 167 États.

Nous étions sur place, avec d’autres ONG, pour porter les voix des 320 000 personnes qui, en France, ont signé notre pétition pour protéger les espèces et les écosystèmes sous-marins. Nous nous tenions aux côtés des représentant·es de populations autochtones du Pacifique particulièrement exposées aux risques que représente cette industrie.

Nous avions déjà remporté une première victoire lorsque la France s’est officiellement prononcée, l’an dernier, pour l’interdiction de toute exploitation minière en eaux profondes. Et l’adoption par l’ONU du traité sur la haute mer en mars dernier, rendant possible la protection d’au moins 30 % des océans d’ici à 2030, représente une chance incroyable de protéger également les grands fonds sous-marins.

Mais si un nombre de plus en plus important de pays au sein des 36 membres du Conseil affichait également son opposition à cette industrie ravageuse, rien n’était acté lors de l’ouverture des discussions, le 10 juillet.

Des négociations sous haute pression

La veille de l’ouverture des échanges, à cause d’une faille dans les procédures de l’AIFM créant un vide juridique, les entreprises minières pouvaient d’ores et déjà demander une licence d’exploitation des grands fonds, alors même que les négociations pour encadrer ces activités n’avaient toujours pas abouties

Cette brèche révélait au grand jour les contradictions de l’AIFM qui entretient des liens étroits avec les entreprises de l’industrie qu’elle est censée réguler.

Face à l’ampleur de la menace, un nombre croissant de pays, d’organisations de la société civile et de scientifiques se sont mobilisés pour demander un moratoire sur l’exploitation minière, qui permettrait de supprimer le vide juridique actuel qui ouvre la porte à des demandes de permis en l’absence de code minier.

Malgré notre détermination sans faille, le 22 juillet, le Conseil de l’AIFM a conclu un accord laissant la porte ouverte à l’exploitation minière en eaux profondes en l’absence de toute réglementation, malgré une opposition croissante à cette activité, et alors que des restrictions ont été imposées aux journalistes et aux militant·es. L’accès des médias à par exemple été restreint à seulement une semaine sur les trois semaines que durait l’ensemble des négociations. Les manifestations pacifiques ont également été limitées, même si cela ne nous a pas empêchés de faire vivre nos arguments en dehors des salles de réunions.

Face à la pression des pays pro-exploitation, les États comme le Chili, le Costa Rica, la France, Palau et le Vanuatu n’ont pas baissé les bras, en proposant d’inscrire à l’ordre du jour des réunions de l’Assemblée, un débat sur l’idée d’un moratoire contre l’exploitation minière en eaux profondes. L’objectif ? Empêcher de donner le feu vert à l’industrie minière, en donnant la priorité à la science et à la protection de la haute mer.

Côté français, le Secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, s’est d’ailleurs rendu sur place et a réaffirmé l’opposition de la France à autoriser le démarrage de cette nouvelle industrie extractive.
À l’issue de cette Assemblée, les industries minières sont finalement reparties les mains à moitié vides : même si elles n’ont pas obtenu le feu vert immédiat tant convoité pour commencer à labourer le fond des océans, la porte reste ouverte à des demandes pour explorer les fonds marins, à la recherche de minerais. 

Pour autant, ce mois de juillet nous a montré que la pression internationale opposée à l’exploitation minière des eaux profondes se renforce jour après jour.

Quels sont les résultats concrets de ces trois semaines de négociations ?

Conjuguée au travail de plaidoyer assuré par les expert·es du sujet et les populations directement concernées par les dangers de cette industrie, la pression citoyenne a porté ses fruits.

L’image de secteur d’avenir que veulent lui donner ses promoteurs s’éloigne ainsi de plus en plus. Pour autant, le combat est loin d’être gagné.

Quels sont les dangers qui persistent ?

Alors que l’AIFM a déjà ouvert 1,5 million de km² à l’exploration et que The Metals Company a déjà commencé des travaux exploratoires, à titre de test, ces trois semaines de négociations ont été l’occasion de rappeler tous les dangers que représente cette sinistre industrie.

Dans la zone Pacifique, l’océan nous est précieux. Il influence nos vies et notre identité en tant que peuple. Le spectre de l’exploitation minière en eaux profondes soulève de nombreuses inquiétudes qui nous rappellent l’héritage tragique légué par d’autres industries extractives coloniales et de l’époque barbare des essais nucléaires. Nous appelons les dirigeants mondiaux à mieux gérer nos océans en se joignant à l’appel en faveur d’un moratoire.
Joey Tau, responsable de campagne au sein du Pacific Network on Globalisation (PANG), basé à Suva, dans les îles Fidji

Portrait de Joey Tau

Et la liste des inquiétudes est longue … Alors que 5000 nouvelles espèces ont été recensées en juin dernier dans une zone convoitée pour l’exploitation minière, nous avions aussi dénoncé en janvier dernier le relargage de sédiments en surface, après avoir filmé des fuites s’échappant du bateau de The Metals Company.

Si l’autorisation d’exploitation était finalement accordée, les machines que vous avez pu voir dans cette vidéo, pesant davantage qu’une baleine bleue, pourraient fonctionner 24 heures sur 24, produisant des sons à des profondeurs variables susceptibles de se superposer aux fréquences que les cétacés utilisent pour communiquer, et les mettant en grand danger.

Bien conscient que les risques à faire peser sur l’environnement et la biodiversité sont évidents, le Secrétariat du Conseil de l’AIFM, soupçonné d’être plus qu’influencé par l’industrie minière, fait tout pour essayer d’empêcher les citoyen·nes d’accéder aux informations, pourtant cruciales, sur l’avenir des océans. L’accès aux négociations du Conseil de l’AIFM a été dramatiquement restreint, que ce soit pour permettre aux journalistes de faire leur travail, ou bien aux militant·es d’exercer leur droit de manifestation. 

Les intérêts en jeu sont effectivement énormes pour des entreprises comme The Metals Company qui, via Nauru, État qui la soutient, a confirmé fin juin son intention de soumettre un plan de travail à l’AIFM dès septembre ou octobre 2024.

Quelle est la suite pour la protection des fonds marins ?

L’urgence est plus que jamais présente pour les États de trancher sur la question. C’est maintenant que la bataille diplomatique et le travail de conviction commencent vraiment, sans attendre la prochaine réunion de l’AIFM dans un an. 

Aidez-nous à faire grandir l’opposition à cette industrie destructrice en signant notre pétition.