Qu’est-ce que la troisième révolution agricole ?
La troisième révolution agricole, slogan gouvernemental
Lors de son quinquennat, Emmanuel Macron et les ministres de l’Agriculture des gouvernements successifs n’ont cessé de promouvoir une “troisième révolution agricole” avec l’appui du syndicat agricole majoritaire, la FNSEA. Le plan “France 2030” prévoit ainsi un investissement massif dans la recherche et le développement de nouvelles technologies que le gouvernement veut mettre au service d’une agriculture dite de précision. C’est cette agriculture qui répondrait selon lui au “double défi de la nutrition et du carbone” et permettrait à la France de reconstruire sa souveraineté alimentaire.
La troisième révolution agricole n’en est pas une
La troisième révolution agricole se fonde sur le triptyque “numérique, robotique, génétique”. Elle s’appuie sur le développement et l’usage de l’intelligence artificielle, sur la production et l’analyse de données numériques à petite et grande échelles (pour “maîtriser” l’épandage de pesticides par exemple), sur l’investissement dans du machinisme agricole à la pointe de la technologie et sur la production de semences et d’aliments génétiquement modifiés (OGM). Ce triptyque repose ainsi sur la consommation de ressources naturelles du monde entier et réduit toujours plus l’autonomie des producteurs et des productrices qui investissent dans ces différentes technologies. De plus, le recours à des nouvelles technologies est susceptible de faire courir de nouveaux risques sanitaires ou environnementaux mal évalués à jour, comme c’est le cas des nouvelles techniques visant à créer des aliments génétiquement modifiés.
Sans ambiguïté, le triptyque au cœur de la troisième révolution agricole perpétue la logique productiviste du modèle agricole dominant, qui soutient l’industrialisation délétère de notre agriculture. Il n’a rien de révolutionnaire, puisqu’il s’inscrit pleinement dans la continuité du développement du modèle agricole industriel. C’est ce modèle qui pousse les exploitations à croître en taille mais à diminuer en nombre, à faire primer la recherche de rendement sur la préservation du vivant, et qui a provoqué la diminution drastique du nombre d’agriculteurs et d’agricultrices en activité et la hausse de leur endettement tout en permettant à quelques agro-industriels de prospérer. Croire encore et toujours que le progrès technique résoudra les maux de notre agriculture sans avoir besoin d’en transformer en profondeur le modèle est une hérésie.
La révolution agricole sera sociale et écologique ou ne sera pas
Il ne s’agit pas de rejeter telle ou telle innovation technologique, mais de rompre avec le modèle délétère soutenu par cette “révolution”. Car c’est cette foi aveugle dans le progrès technique et l’intensification à tout va qui entrave la vraie révolution dont notre agriculture, les agriculteurs et les agricultrices ont besoin. Cette révolution doit être écologique et sociale et doit avant tout consister à renverser le paradigme productiviste qui enferme l’agriculture française dans la recherche de la compétitivité à tout prix.
Pour que cette vraie révolution advienne, le nombre d’agriculteurs et d’agricultrices doit être augmenté, leur rémunération fixée justement et les pratiques agroécologiques doivent devenir la norme et être davantage valorisées. À cette fin, les subventions publiques doivent être dirigées vers les agricultrices et les agriculteurs adoptant des pratiques pourvoyeuses en emplois et respectueuses de l’environnement. Les marges des intermédiaires doivent être réduites, et les prix de vente doivent être justes et permettre aux producteurs et aux productrices de vivre dignement de leur métier. Le commerce international doit être redéfini pour protéger l’agriculture locale et l’environnement. Le droit à une alimentation saine doit être garanti pour toutes et tous, grâce à des politiques publiques comme la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation.
La révolution agricole doit en outre reposer sur une utilisation plus judicieuse des ressources et la diminution de la production alimentaire non durable. Cela passe nécessairement par la relocalisation des productions agricoles ainsi que la réduction du gaspillage alimentaire, de la production de viande et de l’utilisation des terres dédiées aux agrocarburants.
Seules ces évolutions profondes, politiques et humaines, permettront le développement d’un nouveau système agricole et alimentaire, à la fois juste, social, démocratique et écologique.