Henri Proglio, PDG d'EDF, a déclaré, le 9 novembre 2011, dans un entretien au Parisien-Aujourd'hui en France, que sortir du nucléaire signifierait "mettre un million d'emplois en péril".
Selon l’UNIDEN (Union des industries utilisatrices d'énergie) en 2011 : une sortie du nucléaire entraînerait à court terme la perte de 2 millions d’emplois.
L'étude repose sur un décompte du nombre d'emplois directs dans le secteur, auxquels est ajouté un calcul approximatif du nombre d’emplois indirects et induits. L'étude suggère qu'à terme, l'intégralité des emplois de ces entreprises disparaitrait.
Difficile, en effet, de vérifier l'authenticité de tous ces chiffres qui diffèrent d'une source à l'autre... L’audit des emplois du nucléaire en France n’a pas fait l’objet d’une étude précise ou spécifique.
Pour d’autres observateurs par exemple, le nombre d’emplois dans le nucléaire est nettement inférieur. PWC, Greenpeace et le CNRS-CIRED ont ainsi mené des études qui tendent à relativiser le nombre d’emplois directs dans le nucléaire et la destruction réelle d’emplois à considérer.
Par exemple, les emplois directs du nucléaire représentent entre 55 000 et 120 000 emplois selon les estimations de Greenpeace et de PWC. EDF de son côté communique sur le chiffre de 150 000 emplois directs dans le nucléaire, ce qui représente une hypothèse haute.
Autre élément surprenant : EDF estime que les quelques 250 000 emplois indirects et induits disparaîtraient et que 500 000 emplois des entreprises (grandes consommatrices d’électricité) seraient détruits ou délocalisés (l’UNIDEN, monte ce chiffre à 2 millions d’emplois !). Disons-le, même si cela parait évident : les emplois indirects et induits, pour une grande partie, ne dépendent pas du mode de production. Le boulanger vend du pain aux employés du nucléaire comme à ceux du solaire ; et parmi les 19 métiers de l’industrie éolienne, plus de la moitié sont communs entre l’éolien et le nucléaire (source annuaire du SER).
Enfin, Henri Proglio suggère que 100 000 emplois ne seraient pas créés dans la filière nucléaire dans les prochaines années si la France décidait de fermer des réacteurs. Pourtant, depuis la fin des années 90, les ventes et constructions de réacteurs sont devenues très rares en France et dans le monde. Greenpeace et l’association négaWatt ont évalué en revanche que 100 à 150 000 emplois directs pouvaient être créés (net) d’ici 2020 dans la production d’énergie par le développement des renouvelables, en plus des quelques 100 000 existants.
Petite revue de presse qui fait peur :
Sortie du nucléaire : le patron du CEA évoque un coût astronomique (Le Parisien-Aujourd'hui en France)
Le PDG d'EDF, Henri Proglio, a estimé qu'une sortie du nucléaire en France entraînerait un doublement des prix de l'électricité (20 Minutes)
Ajoutons à ces déclarations choc dans les médias, l'affirmation partagée par tous les promoteurs de l'énergie nucléaire : "Le nucléaire ne coûte pas cher..."
Mais la réalité, c’est que la facture d’électricité des Français va malheureusement encore augmenter, quoi qu’il arrive : que l’on maintienne la part importante du nucléaire en France ou que l’on s’oriente massivement vers la transition énergétique.
Car d’importants investissements vont devoir être effectués et il faudra choisir entre : financer la prolongation de durée de vie des centrales nucléaires vieillissantes, financer les prolongements du chantier de l’EPR, financer la gestion de déchets nucléaires millénaires... ou un investissement massif dans les renouvelables ET les économies d’énergie.
Énergies renouvelables et énergie nucléaire sont en effet incompatibles : elles nécessitent des systèmes électriques différents, une gouvernance différente, un modèle économique différent. Il faut donc choisir : un euro dépensé ne pourra l’être sur les deux options à la fois.
Sauf que, pour une facture d’un même montant, vous pouvez soit continuer à vivre avec le risque d’un accident nucléaire et un volume croissant de déchets radioactifs, soit choisir un futur plus sûr et plus respectueux de l’environnement.
Sur www.mafacturedufutur.com, vous pouvez comparer et choisir entre deux factures annuelles moyennes estimées en 2017 : celle du maintien du nucléaire ou celle du scénario de transition énergétique de Greenpeace.
Les arguments présentés ici par l'industrie sont de deux ordres : l'un pour justifier le tout nucléaire, garant de la fameuse "indépendance énergétique du pays". Le second est le risque de "blackout" si l'on passe aux énergies renouvelables...
Reprenons, dans l'ordre. L'indépendance énergétique de la France est devenue, depuis les années 70 un Graal politique et économique. Mais les chiffres sont loin, très loin de cette idée d'une énergie 100% made in France. Aujourd’hui, la France importe 98% de son pétrole, principalement pour les transports. Le nucléaire est le résultat de l’importation de 100% d’uranium, combustible de base des centrales, depuis des pays comme le Niger ou le Kazakhstan.
En février 2012, la France, pourtant au tout nucléaire, a frôlé le blackout. La consommation d'électricité a franchi un nouveau pic historique avec 102 100 mégawatts (MW) constatés par la filiale d'EDF chargée du transport d'électricité, RTE. Des performances qui augmentent d'année en année : depuis février 2005, pas moins de dix records ont été battus. La France est devenue le pays le plus thermosensible d'Europe. Et de loin. Chaque fois que la température baisse d'un degré Celsius, la consommation électrique hexagonale augmente de 2 300 MW.
Dans un véritable plan de transition énergétique, les projections sont très différentes : la transition énergétique c’est, à terme, 96% de l’électricité consommée qui est produite en France, sans importation de ressources primaires (uranium, gaz, pétrole, charbon).
La transition énergétique, c’est la baisse du pic de consommation, par l’isolation thermique des logements et le retrait des "grille-pains", ces chauffages électriques inefficaces qui viennent plomber la facture des consommateurs et le réseau électrique. C’est donc moins de besoins d’importer l’hiver, un réseau en France plus simple à gérer et moins coûteux (cf. UFC que choisir)
Et la "variabilité" de la disponibilité des renouvelables direz-vous ? Celle-ci n'est pas une fatalité. Une des forces des scénarios de transition comme ceux de négaWatt ou Greenpeace par exemple, est d’avoir répondu à cette problématique en remettant au goût du jour des technologies industrielles comme l’électrolyse ou la méthanation. (voir l'article détaillé sur le site Enerzine).
On aurait pu s’attendre à ce que tous les acteurs du secteur de l’énergie - renouvelables, efficacité des bâtiments, nucléaire, pétrole... - soient équitablement représentés dans le débat sur l’énergie. Une condition indispensable pour ne pas biaiser ces discussions avant même qu’elles aient commencées.
Mais cette approche est inacceptable pour les industriels du nucléaire qui n’ont aucun intérêt ni volonté à ce que les choses changent en France. Résultat : ils squattent massivement les instances du débat où ils sont surreprésentés.
Sur les 229 représentants des entreprises, 66 sont envoyés par la seule firme Areva, et 68 par EDF et ses filiales. Autrement dit, la représentation du patronat est trustée à près de 60% par des firmes activement engagées dans la promotion de l’énergie nucléaire. Les PME, les énergies nouvelles et le secteur de plus en plus important des économies d’énergie sont quasiment oubliés.
Sur les 5 membres du comité de pilotage du débat, 2 représentants de l’industrie nucléaire devaient initialement figurer. A côté d’Anne Lauvergeon, ancienne PdG d’Areva, Pascal Colombani, ex-CEA et ex-Areva, a finalement refusé de siéger. Ce comité a, plus tard, été élargi à 6 membres.
Plus d’un tiers des experts composant le groupe sont issus d’entreprises du nucléaire ou ouvertement pro-nucléaires (EDF, CEA, Suez, UFE...).
La moitié des 30 membres du noyau dur du groupe de contact sont des entreprises du nucléaire ou défendant ouvertement le choix du nucléaire. Seulement 3 sont des acteurs des renouvelables.
Sur les 7 représentants du MEDEF, 4 sont issus d’industries du nucléaire ou notoirement pro-nucléaire : Solvay, membre de l’UNIDEN ; Michel Guilbaud (Corps des mines, DGEC, Cattenom), Robert Durdilly (UFE, EDF) et Jean Louis SCHILANSKY, (Exxon). Aucune industrie renouvelable n'est représentée.
EDF est l’un des champions du nucléaire français. Dirigée par le très influent Henri Proglio, l’entreprise ne se soucie pas de développer les énergies renouvelables. Sur le premier trimestre 2013, la filière renouvelable, EDF-EN, ne représente que 1% du chiffre d’affaire du groupe EDF et croît au même rythme que le reste du groupe.
En 2009, EDF a dépensé 10 millions d’euros pour mener une vaste campagne de publicité visant à convaincre ses clients de son engagement à changer l’énergie notamment par le développement de l’éolien, de l’hydraulique, et les économies d’énergie. La même année, le groupe utilisait 2,1% de son budget Recherche & Développement dans les énergies renouvelables, soit 8,9 millions d’euros. Les renouvelables sont pour EDF un objet de communication, pas de commerce (source : question de Jean Desessard au Sénat en 2009).
EDF et ces autres très grandes entreprises n’ont aucun intérêt à voir les énergies renouvelables se développer en France ou la consommation d’électricité baisser. Pourquoi ? Parce que moins de nucléaire en France au profit des renouvelables les obligerait à changer radicalement de modèle industriel et à quitter une situation de confort très avantageuse pour eux. Ces entreprises se sont emparées d'un magot qu’elles souhaitent conserver. Au détriment de l’intérêt général des Français.
Pour parvenir à leurs fins, ces entreprises ne lésinent pas sur les moyens. Elles distillent petits et gros mensonges afin d’effrayer les Français jusque dans le débat officiel sur l’énergie où elles ont une place de choix afin de ne surtout pas changer grand-chose au modèle énergétique français. Leur réseau d’influence est gigantesque.
Henri Proglio est un homme puissant. Un "empereur des réseaux" comme on l'apprend dans l'ouvrage de Pascale Tournier et Thierry Gadault "Henri Proglio, une réussite bien française. Enquête sur le président d'EDF et ses réseaux, les plus puissants de la République". La force d'Henri Proglio, c'est son carnet d'adresses, un réseau d'industriels, de politiques, tissé au fil des années.
Des réseaux qui servent. Le patron d'EDF est réputé pour son "entregent" : ainsi, P. Tournier et Th. Gadault détaillent comment Henri Proglio remplit autant son carnet de commandes qu’il parfait sa connaissance du monde du pouvoir. Quand il ne partage pas ses déjeuners ou dîners avec des élus autour de bonnes tables, il arpente sans relâche les antichambres des mairies, des conseils généraux, les couloirs de l’Assemblée nationale ou des ministères.
Et il sait multiplier les attentions. Ainsi, comme on le lisait dans une enquête publiée par Marianne en mars 2013, Henri Proglio multiplie les coups de pouce et les embauches de "relations" : Antoine Cahuzac, frère de Jérôme, débauché en janvier 2012 du directoire de HSBC pour se voir confier la direction générale d’EDF-EN. Julien Bartolone, en poste à Véolia Australie. Veolia dont Henri Proglio était PdG et membre du C.A. jusqu’en 2012. Mais aussi Jean-Louis Borloo, pressenti en 2012 pour diriger Veolia, et Pauline Borloo, fille de Jean Louis, embauchée en 2006 par Veolia Water Asie Pacifique. Marianne, dans son enquête, cite bien d'autres noms...
Des réseaux qui le servent. Au début du quinquennat de François Hollande, alors qu’Henri Proglio était sur la sellette, quelques entretiens avec André Martinez, ex-HEC comme Proglio et conseiller spécial de Pierre Moscovici actuel ministre de l'Économie et des Finances, ont semble-t-il suffi pour le rétablir.