La France vient d’être renvoyée, par la Commission européenne, devant la Cour de justice européenne pour des dépassements répétés des normes de qualité de l’air dans un certain nombre de ses agglomérations, et ce après de nombreux avertissements. Il y a urgence à agir face à la pollution de l’air : c’est la santé de toutes et tous qui est en jeu.
Si cela suppose évidemment que l’État engage une politique réellement ambitieuse pour la mobilité durable et que les constructeurs automobiles soient enfin placés devant leurs responsabilités, les grandes villes et agglomérations françaises aussi doivent et peuvent passer à l’action. Elles accusent en effet un retard important sur la place – trop grande – attribuée à la voiture dans les déplacements et l’espace public.
Pour redevenir respirables, elles doivent organiser au plus tôt la mise en place de zones à très faibles émissions (sans véhicules diesel, puis essence) sur leur territoire et accompagner le développement des alternatives à la voiture individuelle, afin que cette transition soit bénéfique pour tous.
Le panorama de la mobilité durable réalisé pour la première fois par Greenpeace en France examine l’action de 12 grandes villes et agglomérations françaises dans ce domaine : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Strasbourg, Toulouse.
Avec l’appui du Réseau Action Climat, nous avons évalué le positionnement de ces villes et agglomérations sur la sortie progressive des véhicules diesel puis essence, qui alimentent les changements climatiques et la pollution de l’air. Nous avons également réuni les points de vue et analyses d’une vingtaine d’associations locales sur l’action et la dynamique impulsées par leurs élus (ville et/ou métropole) en matière de mobilité durable : des associations de promotion ou de défense des usagers des transports en commun (membres de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers de Transports) et des associations de promotion du vélo (pour la plupart membres de la Fédération française des Usagers de la Bicyclette).
Trois enjeux phares, qui sont pour Greenpeace les marqueurs d’une transition équitable et bien engagée vers des alternatives à la voiture individuelle, ont été évalués : renforcement de l’offre de transport en commun, mise en place d’un réseau express vélo, incitations au changement de comportement vers une réduction de l’usage de la voiture individuelle.
Certaines villes/agglomérations – notamment Paris et Grenoble – ont déjà affirmé leurs ambitions en matière de restrictions sur les véhicules polluants et doivent les confirmer tout en poursuivant les efforts en matière de développement des alternatives.
D’autres villes/agglomérations semblent avoir de bonnes cartes en main pour assumer une sortie des véhicules polluants : par exemple à Strasbourg, où la perception de la dynamique à l’œuvre en matière de développement des alternatives à la voiture individuelle apparaît comme positive, ainsi qu’à Nantes.
Nombre d’entre elles, enfin, doivent passer à la vitesse supérieure en matière de restrictions sur les véhicules polluants et de développement des alternatives. C’est le cas de Toulouse, Bordeaux, Lyon, et Lille, qui se sont engagées à mettre en place une zone à circulation restreinte permanente mais qui ne sont pas passées aux actes ; mais aussi de Marseille, Nice, Rennes et Montpellier qui n’en sont même pas au stade de l’engagement.
Notre analyse n’est pas figée et les positionnements ont vocation à évoluer en fonction de l’action engagée à l’échelle des villes et/ou des métropoles. Une mise à jour sera utile à l’approche des prochaines élections municipales en 2020 pour évaluer si les grandes villes et agglomérations françaises ont pris leurs responsabilités et avancé en matière de lutte contre la pollution de l’air liée au trafic routier.
Ce travail se veut complémentaire du travail d’analyse de fond coordonné par le Réseau Action Climat (cf notamment la publication sur Les villes “Respire” de demain et la feuille de route proposée à l’Etat et aux collectivités locales sur les enjeux transports/pollution) et de l’important travail d’enquête réalisé par la FUB en 2017 pour recueillir le ressenti des usagers sur la cyclabilité de leurs villes.
Où en sont nos grandes villes et agglomérations ?
Nous avons souhaité évaluer l’action de nos grandes villes et agglomérations françaises en matière de réduction du trafic routier. Ce travail a été réalisé avec l’appui du Réseau Action Climat (notamment pour l’évaluation des restrictions sur les voitures polluantes) et grâce aux témoignages d’associations locales de défense des usagers des transports en commun (associations membres de la FNAUT – Fédération nationale des associations d’Usagers des Transports) et de promotion du vélo (associations pour la plupart membres de la FUB – Fédération des usagers de la bicyclette). Ce travail se veut complémentaire du travail de décryptage coordonné par le Réseau Action Climat (cf notamment la feuille de route proposée à l’Etat et aux collectivités locales sur les enjeux transports/pollution) et de l’important travail d’enquête réalisé par la FUB en 2017 pour recueillir le ressenti des usagers sur la cyclabilité de leurs villes. Le palmarès global de cette enquête est disponible ici et le dossier de presse ici (nous renvoyons également aux résultats de cette enquête pour chaque ville).
Le tableau présenté ici porte sur les 12 villes et agglomérations suivantes : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Strasbourg, Toulouse. Nous avons croisé la liste des 11 premières villes de France (plus de 200 000 habitants) avec la liste des 11 premières aires urbaines (données Insee). Toutes ces villes sont concernées par un Plan de protection de l’atmosphère (PPA).
La première colonne, complétée avec l’appui du Réseau Action Climat, porte sur l’enjeu de restrictions sur les véhicules polluants : la ville et/ou la métropole se sont-elles engagées pour la mise en place d’une zone à circulation restreinte permanente (et non pas uniquement de manière réactive en cas d’épisodes de pics de pollution) ? Se sont-elles engagées, au-delà, en faveur de la mise en place d’une zone très faibles émissions (sans véhicules diesel et essence) ? Ce type de mesures a déjà porté ses fruits à l’étranger, avec une amélioration de la qualité de l’air dans de nombreux villes au Portugal, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, etc.
Les autres colonnes portent sur la perception par des associations locales de la dynamique et de l’action politique en cours dans ces villes et ces métropoles sur trois enjeux clés : le renforcement de l’offre de transport en commun existante et le portage de nouveau(x) projet(s) structurant(s) (perception des associations locales de défense des usagers des transports en commun) ; la mise en place d’un réseau express vélo (perception des associations locales de promotion du vélo) ; et les mesures incitatives au changement des comportements – vers une réduction de la circulation automobile (perception des associations locales de défense des usagers des transports en commun et des associations locales de promotion du vélo).
Nous souhaitons souligner quelques points qui nous semblent importants pour la compréhension de ce travail :
- le regard des associations locales peut certes porter sur l’action engagée au niveau de la ville centre (et de sa mairie) mais, aussi très souvent, sur l’action engagée à l’échelle de la métropole. En effet, les transports et les déplacements relèvent de la compétence des métropoles ;
- la perception des associations locales n’est pas liée uniquement à l’offre existante (réseau de transports en commun, infrastructures vélo, etc.) mais bien aussi à la dynamique à l’œuvre à l’échelle de la ville et de la métropole (quel est le sens de la courbe ?), et elle renvoie à l’écart qui peut exister (ou pas) entre les attentes relayées par les associations, les ambitions affichées par la ville et/ou la métropole, la réalité de ce que les associations locales observent concrètement sur le terrain et, donc, leurs espoirs et leurs déceptions éventuelle.s ;
- pour chaque ville et pour chaque critère, il est possible d’accéder à une explication du visuel choisi et, le cas échéant, à des témoignages plus qualitatifs des associations locales que nous avons sollicitées. Cela permet de compléter utilement les positionnements “génériques” qui apparaissent dans le tableau.
Quelques conclusions clefs pour Greenpeace :
- On constate que très peu de mairies ou métropoles se sont engagées sur une sortie des véhicules diesel et essence et très peu ont mis en place une zone à circulation restreinte permanente (ou zone à faibles émissions) qui peut constituer une étape dans cette direction. Seules Paris et Grenoble ont avancé sur cet enjeu.
- Dans la majorité des villes/agglomérations, la dynamique à l’œuvre en matière de renforcement de l’offre de transports en commun est perçue par les associations locales sollicitées comme insuffisante ou devant encore être ajustée, avec des exceptions positives à Nantes et Strasbourg.
- Dans la majorité des villes/agglomérations, la dynamique à l’œuvre pour la mise en place d’un réseau express vélo est perçue par les associations locales sollicitées comme inexistante ou insuffisante. La dynamique est perçue plus positivement à Paris, Nantes et Toulouse, et encore davantage à Strasbourg.
- En matière de mesures incitatives au changement de mobilité, le regard des associations locales témoigne encore très souvent de la nécessité de faire davantage, même si, dans un certain nombre de villes/agglomérations, les mesures en place sont jugées plutôt satisfaisantes.
- Au final : certaines villes/agglomérations doivent confirmer leurs ambitions en matière de restrictions sur les véhicules polluants et poursuivre les efforts en matière de développement des alternatives – notamment Paris et Grenoble. D’autres villes/agglomérations semblent avoir de bonnes cartes en main pour assumer une sortie des véhicules polluants : par exemple à Strasbourg, où la perception de la dynamique à l’œuvre en matière de développement des alternatives à la voiture apparaît comme positive, ainsi qu’à Nantes. Nombre d’entre elles, enfin, doivent passer la vitesse supérieure en matière de restrictions sur les véhicules polluants et de développement des alternatives. C’est le cas de Toulouse, Bordeaux, Lyon, et Lille, qui se sont engagées à mettre en place une zone à circulation restreinte permanente mais qui ne sont pas passées aux actes ; mais aussi de Marseille, Nice, Rennes et Montpellier qui n’en sont même pas au stade de l’engagement.
Ce tableau n’est pas figé, et les positionnements ont vocation à évoluer en fonction de l’action engagée à l’échelle des villes et/ou des métropoles. Une mise à jour sera utile à l’approche des prochaines élections municipales de 2020 pour évaluer si nos grandes villes et agglomérations ont pris leurs responsabilités et si des avancées ont eu lieu en matière de lutte contre la pollution de l’air liée au trafic routier.
A TELECHARGER | Panorama Mobilité Durable 2018 - Greenpeace France (juin 2018)