Est-ce que l’idée d’être enfermé·e dans une petite boîte de tôle vous séduit, seul·e ou avec quelques personnes ? Moi, non. Et si je vous disais que cela pourrait durer 4 ans ? Encore moins ! Et bien sachez que c’est le temps moyen qu’un·e conducteur·rice passe derrière le volant au cours de sa vie. Ça fait beaucoup.
Les entreprises automobiles et les compagnies aériennes n’ont de cesse de présenter leurs produits comme un vecteur de liberté dans leurs publicités. En réalité, ce sont seulement de grosses boîtes en métal haut de gamme dont l’utilisation nous enlise dans la crise climatique. Le modèle sociétal véhiculé par l’industrie automobile est celui d’une société individualiste, où le statut et la gratification personnelle sont plus importants que ce qui est bon pour toutes et tous.
Plus d’un quart des émissions européennes de gaz à effet de serre sont liées au secteur des transports, et cela n’inclut même pas la production de pétrole et de diesel destinée au marché européen. Pire, les émissions du secteur des transports augmentent, alors que dans un contexte de crise climatique elles devraient décroître : entre 1990 et 2017, les émissions du secteur des transports ont augmenté de 28%.
Conséquemment à la crise économique liée à l’épidémie de coronavirus, les gouvernements européens sont en train de renflouer à coups de milliards d’euros – avec l’argent de nos impôts – des constructeurs automobiles et des compagnies aériennes, sans aucune contrepartie sociale solide ni contrepartie environnementale à la hauteur de l’enjeu climatique. Ces industries sont pourtant très émettrices en carbone et nous ne pouvons accepter que l’argent du contribuable soit utilisé pour financer la crise climatique.
Nous sommes à l’heure des choix. Nous avons aujourd’hui la possibilité de quitter l’autoroute des transports carbonés et de repenser la manière dont nous nous déplaçons.
En demandant à nos responsables politiques de privilégier l’intérêt général plutôt que les intérêts privés et en faisant des choix éclairés pour apprendre à voyager autrement, nous pouvons transformer le secteur des transports.
Une nouvelle étude de Climact et NewClimate Institute montre qu’il est possible de décarboner le secteur des transports au niveau européen, d’ici 2040, ce qui est impératif pour rester en ligne avec les objectifs climat (résumé disponible ici).
Comment décarboner le secteur des transports en Europe d’ici 2040 ?
Voici les principaux leviers de l’étude menée par Climact et NewClimate Institute :
- Au sein des différents plans de relance européens, des investissements massifs doivent être orientés directement vers le train, le vélo et les transports en commun. Le développement des alternatives à la voiture et à l’avion sont nécessaires pour avoir une chance de mettre le secteur des transports sur les rails de l’Accord de Paris, tout en prenant en compte les enjeux sociaux.
- Parallèlement à cela, les responsables politiques doivent également mettre fin à tous les investissements dans les aéroports, extensions d’aéroports et projets routiers, ainsi qu’aux avantages fiscaux qui bénéficient au transport routier et au secteur aérien ou aux aides à l’achat de véhicules diesel/essence ou de SUV. Les plans de sauvetage et plans de relance doivent servir à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, telle que préconisée par la communauté scientifique (c’est notamment le cas du Haut conseil pour le climat, en France).
- Il est indispensable de garantir les revenus et la protection sociale des personnes qui dépendent de ces industries polluantes, notamment dans le secteur des transports, et de leur proposer des formations pour les aider à se reconvertir et à travailler dans des secteurs plus durables. Le redéploiement des travailleurs des secteurs de l’aviation, de l’automobile et du fret routier vers des secteurs plus durables est possible, mais il doit être anticipé : il exige une forte volonté politique, doit être basé sur un dialogue social avec toutes les parties concernées et inclure des négociations collectives avec les travailleurs et leurs syndicats.
- Pour passer d’un système de transports individualiste à un système tourné vers l’intérêt général, nous avons besoin de réduire le trafic aérien, et notamment de bannir les vols courts lorsqu’il existe une alternative ferroviaire. Cela passe par le développement et l’accessibilité des trains de jour et de nuit. Il faut aussi mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficie le secteur aérien, au détriment du secteur ferroviaire.
- Les véhicules essence et diesel sont également de dangereux dinosaures (oui, les véhicules hybrides aussi). Nous demandons la fin de la vente de toutes les véhicules thermiques d’ici 2028 au plus tard, pour qu’ils soient progressivement éliminés des routes européennes d’ici 2040. Dans nos villes, qui souffrent tout particulièrement de la pollution automobile et qui peuvent/doivent jouer un rôle pilote du fait de l’offre d’alternatives, l’élimination complète du diesel et de l’essence doit également avoir lieu bien avant 2040.
Où en est la France ?
De toute évidence, le gouvernement français n’a toujours pas pris la mesure des transformations radicales nécessaires qui doivent s’opérer au sein du secteur des transports pour faire face à la crise climatique. Les derniers projets de loi de finances rectificative et le plan de relance prévoient d’injecter des milliards d’euros dans les secteurs aérien et automobile, sans qu’aucune contrepartie écologique ou sociale solide ne soit demandée aux entreprises aidées.
Pas plus tard que la semaine dernière, alors qu’une réunion de concertation était prévue samedi matin sur les propositions sur l’aérien de la Convention citoyenne pour le climat, des premiers éléments d’une étude d’impact à charge sur ces propositions ont été rendus publics. Au regard du manque d’ambition du gouvernement français sur la question de la réduction du trafic aérien, ce n’est pas très étonnant. Volonté assumée de renouer avec la croissance du trafic aérien, limitation des vols courts uniquement lorsqu’il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30, refus de s’engager sur l’abandon des projets d’extension d’aéroports : ces “mesurettes” sont insuffisantes et c’est très préoccupant.
Appliquer les recommandations évoquées ci-dessus demandera donc un effort collectif. Les autorités locales, nationales et européennes ont encore du pain sur la planche. Pendant ce temps, les lobbyistes du secteur aérien et automobile ne chôment pas et continuent de faire tout ce qu’ils peuvent pour tirer leur épingle du jeu. Voici quelques idées pour vous mobiliser :
- Rejoignez un groupe local Greenpeace, pour agir au niveau de votre ville sur la question des transports.
- Utilisez un calculateur pour réaliser votre bilan carbone, gardez une trace de vos déplacements et soyez conscient·e des émissions dont vous êtes responsable. Voici des idées d’alternatives.
- Signez et partagez la pétition pour dire non à l’extension de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.
- Participez à la mobilisation nationale du 3 octobre “Marchons sur les aéroports”, pour la réduction du trafic aérien et une transition écologique et socialement juste de ce secteur.