Les inégalités de genre, tout comme le changement climatique, ne sont pas une fatalité : elles sont maintenues par les mauvais choix que de trop nombreux hommes [1] font dans leur vie quotidienne. Les femmes [2] ne sont pas les seules à être affectées et piégées par le problème du patriarcat : les filles et les personnes non binaires, mais aussi de nombreux hommes et garçons, le sont également.
Depuis des millénaires, les inégalités de genre arrangent bien la majorité des hommes. Au niveau mondial, les hommes détiennent par exemple 85 % des postes de direction dans les entreprises, et les 22 hommes les plus fortunés de la planète détiennent plus de richesses que toutes les femmes d’Afrique réunies. Ces inégalités ne sont pas le fruit du hasard, et nombreux sont les hommes réticents à changer un système dont ils tirent profit.
Pendant ce temps, les femmes sont les premières victimes des inégalités de genre et de l’urgence climatique. Mais, à cause de la culture du patriarcat, il n’est pas surprenant qu’elles soient rarement écoutées sur ces sujets qui les affectent pourtant profondément – ce qui en retour a des répercussions sur l’ensemble de la société.
Il convient de souligner que de nombreux hommes admettent la réalité des inégalités de genre. Cependant, il est facile pour les hommes de se contenter d’« admettre » un état de fait et de continuer à en tirer avantage. Aussi est-il crucial de reconnaître l’existence des inégalités de genre, tout comme du changement climatique, mais aussi d’agir concrètement pour construire un monde plus équitable, pacifié et respectueux de l’environnement.
Car en réalité, l’égalité dans tous les domaines et dans tous les pays conduirait à davantage de satisfaction individuelle, améliorerait la sécurité et l’économie et offrirait plus de solutions durables au changement climatique.
C’est pourquoi, en cette Journée internationale des droits des femmes, j’appelle les hommes à ne pas se contenter d’être féministes et de célébrer les femmes.
Pour commencer, nous avons besoin que les hommes dénoncent le patriarcat, la misogynie, et qu’ils militent activement contre le climatoscepticisme, pour le bien de tous et toutes. C’est seulement à cette condition que nous pourrons commencer à nous rapprocher des objectifs d’égalité de cette Journée internationale.
Ce que je vous demande peut vous sembler impossible, mais en apportant de petits changements dans nos comportements individuels, nous pouvons peu à peu transformer radicalement les normes sociales archaïques qui pèsent sur de trop nombreuses personnes au détriment de tous et toutes.
« Nous formons partie d’un tout. Nos actions, nos propos, nos comportements et nos mentalités individuelles peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la société », affirme un collectif participant à cette journée.
Les hommes peuvent de façon proactive promouvoir l’égalité de genre dans les espaces qu’ils dominent, et il existe de nombreuses manières simples de le mettre en pratique : en écoutant les femmes sans leur couper la parole, en les créditant pour leurs idées, en refusant les assemblées uniquement composées d’hommes, en veillant à ce que des femmes soient incluses dans différents groupes ou équipes sportives, en refusant de faire le jeu des stéréotypes, et en reprenant les personnes qui sont contre les femmes, contre la diversité et contre la science.
Depuis ma position privilégiée, en tant que femme blanche occidentale à la tête d’une organisation internationale de défense de l’environnement, je m’efforce dans mon rôle de directrice d’encourager, de protéger et d’inclure toutes les personnes de tous les horizons.
Je suis souvent frappée par le fait qu’il est bien plus facile pour moi d’accéder aux centres de pouvoir que les personnes qui subissent de plein fouet les impacts de la crise climatique, qui font face à des sécheresses, des inondations et des feux dévastateurs en lien avec le changement climatique et qui sont majoritairement des femmes noires, autochtones ou de couleur, vivant dans des pays du Sud.
Ces femmes sont fortes et représentent pour moi une grande source d’inspiration, mais leurs messages sont trop souvent ignorés par les décisionnaires, les responsables politiques, les médias, etc., en raison du système patriarcal. Amplifier la voix de ces femmes et améliorer leur accès aux opportunités et aux tribunes sont des tâches essentielles de ma mission et de celle de Greenpeace.
Car il ne saurait y avoir de “paix verte” sans égalité de genre. Au sein de Greenpeace, nous nous efforçons d’être exemplaires en construisant et en soutenant des équipes qui reflètent de façon plus juste la diversité de la communauté internationale pour laquelle nous œuvrons et les valeurs auxquelles nous aspirons, et nous avons mis en place des mesures contre le harcèlement, les préjugés inconscients et pour promouvoir la parité dans les organes de direction et de gouvernance.
Nous appliquons la tolérance zéro pour le harcèlement sexuel, verbal, moral ou physique, ainsi que pour toutes les discriminations fondées sur le genre, l’origine ou la couleur de peau, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, le handicap, la confession ou n’importe quel trait de nos personnalités.
Nous continuerons d’étudier la façon dont les questions de marginalisation systématique et d’équité recoupent les missions et les valeurs de Greenpeace, car il est évident que le pouvoir citoyen est au cœur de tous les champs d’action de Greenpeace, de l’influence que nous pouvons avoir dans le monde en passant par notre capacité à nous développer dans le cadre d’un mouvement plus large.
Nous devons toujours nous efforcer de nous comporter de manière à prendre en compte, à valoriser et à accepter les êtres humains dans toutes leurs diversités. Faire résonner la voix de celles et ceux que le patriarcat essaie par tous les moyens de réduire au silence contribuera à renforcer l’équité et à mieux faire face au changement climatique.
Des femmes remarquables nous montrent déjà l’exemple, comme Autumn Peltier et Brianna Fruean, matriarches du peuple autochtone canadien Wet’suwet’en en lutte contre le gazoduc Coastal GasLink, ou Vanessa Nakata et Winona LaDuke, pour ne citer qu’elles.
Le patriarcat est le fruit de l’être humain, tout comme le changement climatique. Il est grand temps que les hommes combattent les inégalités de genre et l’urgence climatique aux côtés des femmes, et qu’ils les considèrent pleinement comme leurs égales.
Jennifer Morgan, directrice générale de Greenpeace International
Traduit de l’original (anglais) par Greenpeace France. Tribune initialement publiée sur le site de ipsnews.
[1] Ndt : Par hommes, nous désignons dans ce texte les hommes cis, soit les personnes de sexe masculin se considérant comme tel. Le cisgenre est un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond à son sexe biologique, assigné à sa naissance (terme original en anglais : « cis men »).
[2] Ndt : Par femmes, nous désignons dans ce texte les femmes cis, trans et personnes non binaires (terme original en anglais : “wxmen”).
Greenpeace France vous invite à rejoindre les marches organisées un peu partout en France (informations sur les différents lieux de rassemblement disponibles sur internet) et à soutenir l’appel mondial à la grève des femmes.