Car évidemment, Shell aurait préféré opérer dans l’ombre et ne pas avoir à affronter le rapport de force imposé par Greenpeace dans l’espace public. Preuve que quand la société civile s’en mêle, elle est plus forte que les intérêts privés et lucratifs de quelques-uns qui portent atteinte à l’environnement.
Une mobilisation de longue haleine…
En effet, depuis 2012, nous menons une campagne de tous les instants pour la protection de l’Arctique, notamment contre toute activité d’exploitation pétrolière et de pêche industrielle dans ses eaux, parce que l’Arctique joue un rôle critique dans la régulation du climat et la biodiversité. Cette région du monde est aussi un concentré des conséquences des dérèglements climatiques, les pétroliers profitant des effets du dérèglement et de la fonte des glaces pour aller toujours plus loin et plus profond, ignorant les signaux d’alarme flagrants. Pourtant, la science est claire : pour limiter le réchauffement de la planète en deçà de 2°C, il faudrait laisser 80% des ressources fossiles connues dans le sol.
L’implication de 7 millions de personnes à travers le monde dans la campagne Save The Arctic a donc fragilisé l’action des pétroliers dans cette zone. De même qu’elle a contribué à faire évoluer la position des décideurs politiques – comme Hillary Clinton, par exemple, opposée à tous les forages en Arctique. Si Shell disposait de milliards de dollars (Shell a investi 7 milliards de dollars pour ce projet de forage en Alaska), nous avions des millions de gens. Et ça fait toute la différence. La bataille pour le climat est aussi un combat pour la démocratie.
Un gouffre financier pour Shell
Shell a donc parié gros et perdu beaucoup, tant d’un point de vue financier que d’un point de vue réputationnel. Selon le communiqué de la compagnie, les activités de Shell en Alaska pèsent environ 3 milliards de dollars dans son bilan, auxquels s’ajoutent environ 1,1 milliard de dollars d’engagements contractuels futurs. A perte sèche. Les majors pétrolières pensaient que forer en Arctique, y investir des milliards, pourrait être facilement rentabilisé. Il s’avère que le coût est encore plus élevé que leurs prédictions.
Un jeu qui n’en vaut pas la chandelle
De plus, les réserves de pétrole estimées sous l’Arctique ne correspondent pas à plus de 3 ans de notre consommation actuelle. Investir en Arctique, c’est reculer pour mieux sauter. La décision de Shell, c’est un signe de plus que les investissements dans les fossiles peuvent être très risqués, même à très court terme, et qu’il faut s’engager dans une nouvelle voie.
A ce jour, Shell ne prévoit pas de retourner en Alaska. Certes, la compagnie possède aussi une licence pour explorer au Groenland, mais forer là-bas est encore plus compliqué que dans les eaux de l’Alaska. Autant dire que les projets de forage de Shell sont aujourd’hui gelés.
Prochaine étape : sanctuariser l’Arctique…
Pour autant, notre action ne s’arrête pas là. Nous sortons renforcés de cette bataille. Et nous continuons notre campagne pour interdire les forages pétroliers et la pêche industrielle dans les eaux arctiques, et créer une zone naturelle préservée dans la région inhabitée autour du Pôle Nord.
Ainsi, comme le rappelle Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greenpeace International : « Le président Obama devrait saisir cette occasion pour annuler tout autre projet de forage dans la région et déclarer l’océan Arctique zone interdite pour les compagnies pétrolières. C’est sans doute la meilleure façon de protéger l’Arctique et d’engager la transition énergétique. »
…et engager la transition énergétique
La défaite de Shell nous indique le sens du vent : les projets énergétiques extrêmes n’ont plus leur place dans un monde qui doit faire face à un enjeu historique, à savoir les changements climatiques. En cette année de conférence sur le climat, nous rappelons en l’occurrence qu’il est urgent de sortir des énergies fossiles pour rester sous les 2°C de réchauffement, et éviter les dérèglements les plus catastrophiques. Nous devons changer radicalement notre façon de penser et évoluer rapidement vers les énergies renouvelables. Forer des puits de pétrole dans l’Arctique qui fond à vue d’œil, pour courir après des énergies sales, c’est freiner la transition énergétique dont nous avons besoin.
Car il n’y a qu’un avenir possible : 100 % d’énergies renouvelables. Nous l’avons maintes fois prouvé. Reste à le mettre en œuvre.
Ce n’est qu’une victoire d’étape : le combat continue.