Soja et déforestation : alimentation humaine ou animale, quelle est la cause ?
En Amérique du Sud, la production de soja déforeste et ravage des écosystèmes précieux. Or, l’Europe importe chaque année plusieurs millions de tonnes de soja sud-américain, susceptible de contribuer à la déforestation. Ainsi, en 2020, 70% du soja importé en Europe provenait du Brésil et d’Argentine. Parallèlement, on constate un intérêt grandissant pour la nourriture végétarienne dont le soja est une composante importante.
Le raccourci est alors facile : ce serait l’appétit des végétariens et végétariennes qui doperait les importations européennes de soja et pousserait le Brésil et l’Argentine à en produire toujours plus ! Cette théorie ne tient en réalité pas : c’est au contraire pour nourrir les animaux d’élevage, et pas les être humains, que les agriculteurs sud-américains produisent le soja que l’Europe importe. On vous explique.
Le soja est une plante commercialisée essentiellement sous trois formes distinctes répondant chacune à diverses utilités :
- Les tourteaux de soja, exclusivement pour nourrir les animaux d’élevage.
- L’huile de soja, qui sert principalement à l’alimentation humaine (à hauteur de 56% en Europe en 2017), aux agrocarburants et à l’alimentation animale.
- Les graines de soja, qui sont transformées ou non pour principalement alimenter les animaux et les êtres humains (à hauteur de 25% en Europe en 2017).
Forme de soja | Tourteaux | Graines | Huile |
Volumes des importations européennes en millions de tonnes en 2020 | 16,3 | 14,9 | 3,8 |
Valeur des importations européennes en millions de dollars en 2020 | 6156 | 5799 | 300 |
Les données de ce tableau, qui proviennent des Nations-Unies (Comtrade, données vérifiées en février 2022), le montrent : que ce soit en termes de volumes ou de valeur économique, c’est bien l’alimentation animale qui constitue le premier débouché du soja importé et utilisé en Europe. Le secteur agricole abonde d’ailleurs directement en ce sens : le syndicat Copa Cogeca, qui représente les agriculteurs au niveau européen et dont la FNSEA est membre, explique ici que “le secteur de l’alimentation animale représente le débouché premier de la production de matières premières riches végétales en protéines (oléagineux, protéagineux plus particulièrement)”, dont le soja fait partie. Selon l’interprofession française des huiles et protéines végétales Terres Univia, dans la filière bio française, “l’activité des triturateurs de soja est tirée par la valorisation du tourteau et non de l’huile”.
En somme, il est erroné de soutenir que le soja serait principalement cultivé en Amérique du Sud et ailleurs pour nourrir directement les êtres humains : l’alimentation humaine ne représente qu’un débouché très secondaire pour ce secteur. Si une forte pression est exercée sur certains écosystèmes sud-américains par la production de soja, c’est avant tout pour nourrir les animaux d’élevage du monde entier.
Pour cette raison et tant d’autres, il est urgent de réduire la production de viande à l’échelle mondiale, de la désindustrialiser et de l’orienter vers des pratiques vertueuses tant d’un point de vue environnemental que sanitaire et social, tout en relocalisant notre production agricole.