Dans un nouveau rapport, nous révélons les liens qu’entretiennent des multinationales européennes et américaines avec des entreprises d’exploitation forestière qui développent leurs activités dans l’une des plus vastes forêts primaires de la région d’Arkhangelsk, au nord-ouest de la Russie.
Auchan, Nestlé, Pepsi ou McDonald’s : quand la destruction des forêts approvisionne les grandes multinationales
Depuis 2000, la forêt de Dvinsky a perdu 300 000 hectares de forêts intactes – une surface plus grande que celle du Luxembourg. Les arbres de cette forêt terminent en papier toilette ou en emballages qui sont vendus dans les supermarchés du monde entier.
Les trois quarts de la forêt de Dvinsky sont aujourd’hui occupés par les concessions de trois grandes sociétés : Pomor Timber, Arkhangelsk Pulp and Paper Mill et Titan (qui sont partenaires) et Region-Les LLC sont les principales entreprises impliquées dans la récolte et le commerce du bois issu de cette forêt. Des exploitants qui se prévalent parfois d’une gestion “durable” de la forêt alors qu’ils contribuent activement à sa destruction.
Parmi les entreprises citées dans ce rapport pour leurs liens avec la forêt de Dvinsky, on retrouve le géant suédois du papier Arctic Paper, bien connu du monde de l’édition, le finlandais Stora Enso, qui possède notamment une filiale française, l’irlandais Smurfit Kappa pour le secteur des emballages ou encore le suédois SCA pour les produits d’hygiène. En France, Greenpeace a déjà interpellé des entreprises du secteur du bois d’aménagement et de construction telles que Protac Ouest ou le Groupe ISB.
Mais d’autres grands groupes, comme Nestlé, PepsiCo, McDonald’s ou encore Auchan, impliqué à travers sa filiale ukrainienne, ont un rôle important à jouer dans la protection de la forêt de Dvinsky.
Greenpeace demande en effet à ces sociétés d’exiger de leurs fournisseurs une traçabilité complète des matières premières utilisées dans leurs produits, ainsi qu’une cartographie précise des concessions détenues par les opérateurs forestiers auprès desquels elles s’approvisionnent, directement ou indirectement. Elle doivent également veiller à ce que les droits des peuples autochtones qui vivent dans cette région soient respectés. Le cas échéant, Greenpeace demande à ces entreprises de changer de fournisseurs, afin de ne plus participer, de près ou de loin, à la destruction des paysages forestiers intacts de la forêts Dvinsky.
Les forêts du Grand Nord sous-protégées
Les paysages de forêt boréale qui entourent la région subarctique, également connue sous le nom de forêts du Grand Nord, représentent environ un tiers de la surface forestière qui persiste sur la planète. Pourtant, seulement 2,8 % des forêts du Grand Nord sont officiellement protégées, contre 27 % des forêts tropicales et 11 % des forêts tempérées.
En 2011, les autorités régionales avaient prévu de créer la réserve de la forêt de Dvinsky. Cette zone protégée devait couvrir près des deux tiers de l’un des plus grands paysages forestiers intacts qui persistent en Russie, s’étendant sur 835 000 hectares et abritant des habitats essentiels à plusieurs espèces menacées.
Malheureusement, les négociations politiques autour de la création de cette zone protégée sont entravées par les sociétés d’exploitation forestières qui possèdent des concessions à l’intérieur des limites envisagées. En décembre 2016, Titan et APPM ont publié une déclaration publique commune en faveur de la réserve, en précisant toutefois que les frontières proposées devaient être renégociées. La société Pomor Timber est quant à elle fermement opposée à la création de la réserve.
Pour autant, ce sont aux autorités politiques de prendre leurs responsabilités, notamment au gouverneur de la région d’Arkhangelsk, à qui revient la décision finale. L’année 2017 a été déclarée année des aires protégées en Russie. Si le gouvernement russe veut vraiment mettre en place de nouvelles aires protégées cette année, il devrait sans plus attendre passer des paroles aux actes et protéger intégralement cette forêt.
Une urgence écologique
Entre 2000 et 2013, le taux de perte des paysages forestiers intacts des forêts du Grand Nord s’élevait à environ 2,5 millions d’hectares par an. Plus de la moitié de cette destruction a lieu en Russie.
L’exploitation forestière de la forêt primaire se poursuit alors que la Russie s’est engagée à prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs d’Aichi pour la biodiversité, notamment l’objectif n°5 selon lequel « d’ici à 2020, le rythme d’appauvrissement de tous les habitats naturels, y compris les forêts, est réduit de moitié au moins et si possible ramené à près de zéro, et la dégradation et la fragmentation des habitats sont sensiblement réduites. »
La protection des paysages forestiers intacts est un enjeu crucial car ils soutiennent l’ensemble de l’écosystème local (y compris les grands prédateurs), stockent de grandes quantités de carbone et résistent mieux que les autres forêts aux changements climatiques.