Le 17 décembre 2020, le Conseil d’Etat a rejeté le recours en annulation de

Agriculture

Suppression des enquêtes publiques : la démocratie menacée

Le 17 décembre 2020, le Conseil d’Etat a rejeté le recours en annulation de Greenpeace France contre le décret pris en application de la loi dite « Essoc », déposé le 25 juillet 2019. Ce texte permet à titre expérimental de supprimer les enquêtes publiques avec la présence de commissaires enquêteurs sur certains projets industriels dans les régions Hauts-de-France et Bretagne. Ces enquêtes de terrain visent à recueillir l’avis de la population quand un projet ayant des impacts conséquents sur l’environnement et le voisinage est envisagé.

Le principe de la participation du public attaqué

Cette décision de rejet scelle une réglementation qui porte atteinte à la participation effective du public aux décisions environnementales, tendance confirmée par la récente loi d’accélération et de simplification de l’action publique dite « Asap », fortement décriée. La Présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE), en charge de mener les enquêtes publiques que le gouvernement tente petit à petit de supprimer, indiquait ainsi: « C’est bafouer le principe même de la participation du public, élément incontournable de l’élaboration de la décision publique ».

L’environnement en Bretagne est déjà fortement pollué par les activités d’élevage intensif. Dans ce recours de 2019, l’association Greenpeace France dénonçait une simplification administrative à outrance au bénéfice de ces projets industriels.

Plus précisément, l’association invoquait des atteintes au principe d’égalité devant la loi, au droit à un recours effectif (garantis respectivement par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789) et au droit de participation du public (article 7 de la Charte de l’environnement).

Concrètement, l’association reprochait le remplacement de l’enquête publique et des commissaires enquêteurs par une simple consultation électronique du public. Or, seul le rôle des commissaires enquêteurs permet une réelle participation du public grâce à des échanges et réunions avec le public, une synthèse annuelle des observations du public et la formulation d’un avis favorable ou défavorable au projet qui peut ensuite être pris en compte par le juge administratif dans le cadre d’un éventuel recours.

Un raisonnement juridique déconnecté des réalités

Le sens de la décision du Conseil d’Etat était malheureusement prévisible compte tenu de la jurisprudence sur ces questions, le Conseil constitutionnel ayant notamment déjà validé le principe de la participation du public par la voie électronique. Cependant, ce qui était particulièrement choquant dans ce décret était la disproportion manifeste de l’atteinte à un droit constitutionnel – celui de la participation du public – par un texte réglementaire.

Aussi, difficile de rester de marbre face à cette amorce du démantèlement environnemental opéré par la loi « Essoc » et poursuivi avec la loi «Asap ». On espérait de la haute juridiction administrative un peu d’audace dans une décision qui aurait pu prendre en compte la réalité de la pratique de participation du public face aux projets industriels néfastes pour l’environnement et cesser de s’enfermer dans un raisonnement juridique artificiel déconnecté des réalités de terrain.

La participation effective du public et donc la protection efficace de l’environnement sont aujourd’hui plus que jamais affaiblies en France où le gouvernement tente vainement d’opérer une stratégie d’affichage de mesures dénuées d’impact à court terme pour l’environnement au regard de l’urgence climatique. Face à ces atteintes à notre démocratie, la justice devrait jouer un rôle prépondérant en rappelant à l’ordre l’exécutif.

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