Ce désastre fait encore beaucoup parler de lui aujourd’hui, tant les conséquences demeurent graves pour la santé des populations, leur sécurité alimentaire et l’environnement. Cette catastrophe est la figure même des dangers de l’énergie atomique, mais aussi de l’irresponsabilité des industriels du nucléaire.
Le casse-tête du démantèlement toujours pas résolu
31 ans après, le risque nucléaire en Ukraine reste toujours « très préoccupant » et c’est Michel Chouha, spécialiste de l’Europe de l’Est à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui le dit. Dans une interview accordée au journal Le Monde, Michel Chouha explique que les « les programmes de démantèlement du vieux sarcophage et de retrait des matières radioactives ne sont pas encore établis ». Le vieux sarcophage, c’est celui qui avait été construit à la va-vite au-dessus du réacteur accidenté. Fin 2016, il a été recouvert d’une gigantesque arche en acier de plus de 25 tonnes et haute de 110 mètres, afin de contenir la radioactivité. Mais il n’existe toujours aucune solution pour démanteler le réacteur sinistré.
Le fiasco du « savoir-faire nucléaire » français à Tchernobyl
À Tchernobyl, il existe aussi trois autres réacteurs, qui eux ont fonctionné jusqu’au début des années 2000.
C’est à peu près à ce moment que le soi-disant « fleuron » de l’industrie française, AREVA, entre en scène. En 1999, la division d’AREVA dédiée aux réacteurs et à l’ingénierie (AREVA NP, alors Framatome) signe un contrat avec l’entreprise d’Etat ukrainienne Energoatom pour construire l’installation « ISF2 » : un centre pour reprendre, conditionner et stocker à sec, pendant au moins 100 ans, les combustibles nucléaires usés des réacteurs n°1, 2 et 3 de Tchernobyl.
AREVA devait ainsi construire une installation de désentreposage et de désactivation du combustible pour ensuite pouvoir les stocker dans des conteneurs pour « stockage en voie sèche ».
Sauf qu’AREVA en a tout simplement été incapable. Au bout de trois ans de chantier, l’Ukraine se voit obligée d’arrêter subitement les travaux menés par AREVA pour cause de « défauts de conception remettant en cause la sûreté en fonctionnement du centre de stockage ».
Exit la mythique excellence nucléaire française, le chantier sera finalement confié au groupe américain Holtec.
Pour en savoir plus sur le fiasco d’AREVA à Tchernobyl : l’enquête du Journal de l’Énergie.
L’industrie nucléaire à bout de souffle
Ce « raté » d’AREVA à Tchernobyl constitue une preuve de plus – s’il en fallait – de l’incapacité de l’industrie nucléaire à relever les défis qu’elle s’impose à elle-même.
Il n’est pas sans rappeler d’autres difficultés rencontrées par l’industriel : en Bourgogne cette fois-ci, avec le scandale des anomalies à l’usine Creusot Forge où AREVA n’a trouvé comme solution pour s’en sortir que de falsifier les documents de sûreté.
Actuellement, 30 réacteurs sont touchés par des anomalies graves dans le circuit primaire (centre névralgique d’un réacteur) sur les 58 que compte le parc français. Et d’autres irrégularités pourraient être découvertes au fur et à mesure que l’Autorité de sûreté nucléaire mène son enquête.
AREVA a donc construit pendant des années des pièces non conformes en toute impunité. Des pièces destinées aux centrales en fonctionnement, mais aussi à l’EPR de Flamanville. Or on sait aujourd’hui que la cuve de l’EPR et son couvercle sont vérolés par des anomalies graves. On sait aussi désormais, grâce aux récentes révélations parues dans la presse, que depuis 2005, EDF et AREVA savaient que l’usine Creusot Forge d’AREVA n’était pas en capacité de produire des pièces conformes aux normes de sûreté et ils l’ont pourtant caché aux Français toutes ces années…
En France, les industriels du nucléaire, EDF et AREVA, se croient intouchables… Faudra-t-il attendre l’accident nucléaire pour qu’elles admettent qu’elles n’ont ni les capacités techniques, ni les capacités financières pour poursuivre leurs projets nucléaires et cessent enfin leurs activités dans ce domaine ?