Parmi eux, se trouvent notamment Meeschaert, Crédit Mutuel, Banque Postale… Jamais des actionnaires d’une entreprise française n’avaient soumis au Conseil d’administration une résolution environnementale, dont voici le texte :
« Le rapport de gestion contiendra, outre les informations sur la situation de la Société et son activité pendant l’exercice écoulé et les autres éléments requis par les dispositions des lois et règlements en vigueur, la stratégie de la Société telle que définie par le Conseil d’Administration pour aligner ses activités avec les objectifs de l’Accord de Paris, et notamment ses articles 2.1(a) et 4.1, en précisant un plan d’action avec des étapes intermédiaires pour (i) fixer des objectifs de réduction en valeur absolue des émissions, directes ou indirectes, de gaz à effet de serre (GES) des activités de la Société liées à la production, la transformation et l’achat de produits énergétiques (Scope 1 et 2) et à l’utilisation par les clients des produits vendus pour usage final (Scope 3) à moyen et long terme et (ii) les moyens mis en œuvre par la Société pour atteindre ces objectifs. »
Pour être suivie d’effets, cette résolution doit d’abord être votée lors de la prochaine Assemblée générale de l’entreprise. Mais qu’est-ce que cela impliquerait ?
1. Un revirement stratégique complet de la part de Total
Cette résolution concerne les “scopes 1, 2 et 3”. Dans le jargon, cela signifie que toutes les activités de Total, de l’exploration à la pompe à essence, seront concernées par des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
D’après le GIEC, il est nécessaire d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour contenir la hausse des températures sous la barre des 1,5°C. Si cette résolution est votée lors de l’Assemblée générale de l’entreprise le 29 mai prochain, cela signifie que Total devra revoir complètement sa stratégie et ne plus se contenter de demi mesures pour diversifier son activité. L’entreprise devra initier une réelle transition énergétique en mettant les énergies renouvelables au coeur de sa stratégie. D’après le think tank Carbon tracker, Total devrait réduire ses émissions de 40% au minimum et réduire sa production de 35% d’ici 2040 pour aligner sa politique sur un scénario compatible avec l’Accord de Paris.
2. Un abandon définitif du pétrole et du gaz
Les entreprises pétrolières et gazières ont une responsabilité historique dans le dérèglement climatique. D’après l’ONG Climate Accountability Institute, 20 d’entre elles (dont Total) auraient contribué à hauteur de 35% aux émissions de gaz à effet de serre dans le monde, depuis 1965.
A terme, l’adoption de cette résolution impliquerait pour Total d’initier, dès 2020, un désinvestissement massif de projets d’exploration en hydrocarbures avec une feuille de route précise pour atteindre la neutralité carbone en 2050, notamment en renonçant à l’ouverture de nouveaux gisements comme celui de Mozambique LNG, une véritable bombe climatique.
3. Pas de fausse solution !
Ces dernières années, Total sentant le vent tourner, n’a eu de cesse de promouvoir la compensation et la capture et le stockage de carbone. Si cette résolution est adoptée, Total devra arrêter de construire sa stratégie sur ces fausses solutions. A l’heure actuelle, cette technologie n’existe pas. La recherche en est toujours à un stade embryonnaire, très loin de toute réalité industrielle et très loin de pouvoir répondre aux enjeux de l’urgence climatique.
Il en va de même pour les agrocarburants à base d’huile de palme : cela n’a rien d’une alternative acceptable. Les agrocarburants impliquent de dévaster des forêts entières, notamment en Indonésie, libérant ainsi tout le carbone qu’elles séquestrent. Mécaniquement, l’effet de serre se durcit et les dérèglements climatiques s’aggravent.
A présent, la résolution est entre les mains du Conseil d’administration de l’entreprise, qui doit décider dans les 5 prochains jours si elle sera soumise au vote lors de l’Assemblée générale de Total qui devrait se tenir le 29 mai. Au regard de la responsabilité de Total et des grandes entreprises pétrolières et gazières dans la crise climatique, il est impératif que cette résolution soit adoptée.
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Le rapport « Total, la stratégie du chaos » – Notre affaire à tous, 350.org et les Amis de la terre.