“Neutralité carbone 2050” : de quoi parle-t-on ?
Ce que l’on appelle “net zéro” ou “neutralité carbone” n’a rien d’un concept vague et abstrait. Au contraire, sa définition est très claire. Elle est fournie par le GIEC, en 2018, lorsque le groupe d’experts du climat établit que pour contenir l’augmentation des températures en dessous de 1,5°C, il faut que nous ayons atteint la neutralité carbone en 2050. Il s’agit de “la situation dans laquelle les émissions anthropiques nettes de CO2 sont compensées à l’échelle de la planète par les éliminations anthropiques de CO2 au cours d’une période donnée.” La neutralité carbone d’ici 2050 est donc l’unique moyen de rester sur la trajectoire d’un réchauffement à 1.5°C.
En mai 2021, la pétro-gazière Total décide d’opérer un revirement stratégique et devient TotalEnergies. Elle mène alors une opération de communication tambour battant auprès de millions de consommateurs et consommatrices français·es et le message est clair : TotalEnergies a vu la lumière et s’engage pour le climat en visant la neutralité carbone en 2050.
Sauf qu’évidemment, c’est faux.
Le procès du “net zéro”
L’entreprise communique des informations fausses sur ses engagements mais aussi sur les vertus environnementales du gaz fossile et de la biomasse. Panneaux d’affichage, presse, site internet, campagne dans les stations essence : Total devenue TotalEnergies dépense sans compter pour nous faire croire que la multinationale atteindra la neutralité carbone en 2050.
Les consommateurs sont aussi induits en erreur en ce qui concerne le gaz fossile : les communications de Total omettent l’impact environnemental du gaz fossile sur l’ensemble de son cycle de vie. Celui-ci peut s’avérer particulièrement élevé notamment à cause d’une pratique climaticide que l’on appelle le torchage. Ce gaz est directement vendu aux 1,9 millions de clients que TotalEnergies fournit, ce qui le place désormais en troisième position derrière Engie et EDF, après avoir également augmenté ses parts de marché de 37% entre 2017 et 2019. Les mensonges de TotalEnergies lui rapportent gros.
Dans ses campagnes de publicité, TotalEnergies met également en avant les agrocarburants qui, d’après la multinationale, permettent une décarbonation de 50% à 90% par rapport aux énergies fossiles. Encore une fois, c’est faux, et TotalEnergies semble avoir oublié qu’en avril 2021 une décision de justice lui a partiellement interdit d’exploiter sa raffinerie de La Mède car elle n’avait pas évalué les impacts climatiques induits par son approvisionnement en huile de palme.
Par ailleurs, TotalEnergies est tout simplement incapable d’expliquer en quoi la stratégie du groupe est alignée avec un objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Non seulement TotalEnergies omet au moins 85% de ses émissions de gaz à effet de serre dans son objectif affiché aux consommateurs, mais ses plans de production entrent en conflit direct avec les exigences minimales requises pour atteindre la neutralité carbone en 2050 : les énergies fossiles représentent toujours 90% de son activité et 80% de ses investissements, et il n’a pas d’objectifs de réduction sérieux de toutes ses émissions d’ici 2030, l’étape transitoire clée pour atteindre la neutralité d’ici 2050.
A travers cette campagne de publicité, TotalEnergies prend un engagement qu’elle sait déjà qu’elle ne pourra pas tenir puisque la réalité des faits, la réalité de ses investissements dans les fossiles, rend impossible l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. En résumé, Total vous ment.
Nous demandons au juge d’ordonner la suppression des publications contenant des pratiques qui auront été jugées trompeuses, et d’imposer à TotalEnergies la transparence sur sa contribution réelle au réchauffement climatique.
Reprenons le pouvoir. Changeons la loi.
En décembre 2021, la Commission européenne a émis des recommandations à l’attention des entreprises qui communiqueraient sur des engagements environnementaux trop vagues ou généraux. Dans la mesure où les engagements environnementaux ont un impact sur le comportement économique des consommateurs, elle les a mis en garde sur la nécessité de pouvoir démontrer concrètement comment elles comptent atteindre leurs objectifs, sous peine de s’inscrire dans des pratiques commerciales trompeuses.
Mais ce dont nous avons urgemment besoin, c’est d’un changement systémique, au moins à l’échelle de l’Europe, pour définitivement mettre un terme aux pratiques de greenwashing des entreprises de biens et services fossiles qui fondent leurs profits sur la destruction de la planète.
Avec 20 organisations de la société civile, nous avons donc lancé une initiative citoyenne européenne pour interdire la publicité et toute forme de communication directe ou indirecte de la part des entreprises de biens et services fossiles. Si nous parvenons à rassembler un million de signatures à travers l’Europe, la Commission européenne devra prendre en compte notre demande. Rejoignez-nous !