Réchauffement et acidification des eaux, blanchissement massif des coraux, effondrement des populations de poissons, pollution due au pétrole, aux produits chimiques, au plastique et aux déchets d’origine humaine… La plupart des scientifiques s’accordent sur le fait que les océans et la vie qu’ils abritent sont en danger. Mais pas le professeur Hilborn.
Un scientifique à contre-courant
Les investigations de Greenpeace révèlent que ce scientifique américain de renom, qui s’est toujours montré plus optimiste que ses pairs quant à l’état des océans, a reçu plusieurs millions de dollars de financement ainsi que des émoluments pour missions de conseil de la part d’industriels de la pêche. Sans jamais mentionner l’existence de ces ressources.
Ray Hilborn, professeur à l’école des Sciences Marines de l’université de l’Etat de Washington, a fait carrière dans la réfutation des recherches scientifiques mettant en évidence la diminution mondiale des stocks de poissons. Le travail du professeur Hilborn est souvent mis en avant par les acteurs de la pêche industrielle cherchant à défendre leurs pratiques les plus destructrices, comme le chalutage de fond, et à améliroer leur image publique. R. Hilborn est devenu le scientifique de référence des opinions dissidentes concernant les impacts de la pêche.
3,5 millions de dollars pour nier que les océans sont malades
Greenpeace a récemment déposé une demande d’informations publiques par le biais du Freedom of Information Act (Loi américaine pour la liberté d’information) auprès de l’employeur de Hilborn, l’université de Washington. Les informations ainsi obtenues vont sans aucun doute pousser la communauté scientifique à réévaluer le crédit qu’elle accordait au professeur depuis des années.
Ces documents révèlent qu’entre 2003 et 2015, le professeur Hilborn a reçu 3,56 millions de dollars de la part de 69 entreprises et acteurs du secteur de la pêche, dont Trident, la South African Deep Sea Trawling Association (l’Union des chalutiers de fond sud-africains) et l’International Seafood Sustainability Foundation (la Fondation internationale pour la durabilité des produits de la mer), dont nous vous avions déjà parlé ici. Il a également reçu un montant indéterminé en rémunération de sa longue carrière de consultant dans l’industrie de la pêche.
A mesure que l’enquête sur les pratiques du professeur Hilborn progresse, plusieurs questions d’ordre éthique se posent. Le fait qu’il n’ait pas divulgué ses sources de financement représente une violation des normes de publication de nombreuses revues, ces mêmes revues qui, en publiant ses recherches, ont fait sa notoriété.
La dissimulation des financements représente également une violation des normes éthiques de la recherche universitaire : elle laisse croire à la communauté scientifique et au public le bien-fondé des recherches du professeur Hilborn et masque ses intérêts financiers sous-jacents.
La France et l’Europe pas épargnées
Comme on l’apprend dans cet article du Monde publié aujourd’hui et reprenant les informations de Greenpeace, le professeur Hilborn a été invité à Paris début mai pour une conférence à la Maison de la Chimie. « Non, les océans ne sont pas en train de se vider ! Tout le problème vient d’un article publié par un scientifique américain en 2006, estimant que les principaux stocks auraient disparu en 2048. Ces allégations ont fait les gros titres de la presse, mais ne sont que des mythes », a déclaré le professeur, selon Le Monde. La même conférence aurait également été présentée à Bruxelles, devant les parlementaires européens.
Le professeur Hilborn est également farouchement opposé à tout renforcement des réglementations. En se présentant comme un scientifique intègre plutôt qu’un défenseur grassement rémunéré de la pêche industrielle, il fait entrave aux débats devant aboutir à une réforme des réglementations dont les océans ont besoin au plus vite.
Greenpeace s’attend à de nouvelles révélations dans les semaines à venir
En parallèle, nous envoyons des courriers à chacune des revues scientifiques auxquelles nous pouvons prouver que le professeur Hilborn a collaboré sans divulguer les conflits d’intérêts liés à ses travaux. Nous poussons également l’université de Washington à mener sa propre enquête.
Dans la droite lignée des industries nocives (tabac, énergies fossiles, etc.) qui s’achètent des études scientifiques pour blanchir leurs pratiques destructrices, le professeur Hilborn et l’industrie de la pêche propagent le scepticisme depuis trop longtemps. Il est temps de les arrêter, de laisser parler la science et de considérer les océans avec un regard nouveau. Et surtout moins avide.
Greenpeace n’aura de cesse de dénoncer ces méthodes et de jouer son rôle de lanceur d’alerte, comme elle l’a fait avec les universitaires climatosceptiques pendant la COP, ou plus récemment en révélant des documents du TTIP, l’accord de libre-échange transatlantique négocié dans notre dos.
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