L’énergie est au cœur du débat de l’élection présidentielle de 2022 avec en toile de fond une divergence forte entre les candidat·es sur un choix crucial : la relance du parc nucléaire français ou la transition vers une électricité 100% renouvelable. Si la question se pose, c’est parce que la France est aujourd’hui à un tournant de son avenir énergétique.
Electricité : la France à l’heure du choix
Pour lutter contre le changement climatique, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est-à-dire à sortir des énergies fossiles (gaz fossile, fioul et charbon) fortement émettrices de gaz à effet de serre. L’atteinte de ces objectifs climatiques français ne pourra se faire sans une électrification importante de certains usages liés au transport ou au chauffage qui dépendent aujourd’hui encore trop des énergies fossiles.
En 2021, en France, la production d’électricité était couverte à 69 % par l’énergie nucléaire, à 24 % par les renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, thermique renouvelable) et à 7 % par les énergies fossiles (fioul, charbon et gaz fossile). La production d’électricité française est donc faiblement émettrice de gaz à effet de serre (en comparaison de celles de ses voisins européens) grâce à des moyens de production majoritairement bas carbone et à un recours plutôt modéré aux énergies fossiles. Cependant, les 56 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le pays en 2022 vont être amenés à fermer progressivement, à plus ou moins courte échéance. Mis en service entre 1979 et 2000, les plus récents auront dépassé les 50 années de fonctionnement en 2050 (s’ils sont prolongés jusque-là).
La France se trouve face à un choix crucial pour son avenir : voulons-nous construire de nouveaux réacteurs nucléaires et avoir un mix électrique nucléaire et renouvelables ou voulons-nous aller vers un mix électrique 100 % issu d’énergies renouvelables ?
Pour mieux vous éclairer, nous allons ici nous intéresser aux scénarios 100 % renouvelable et répondre à plusieurs questions souvent posées : sont-ils réalistes ? Dans quels délais ?
Que disent les expertes à propos d’un mix électrique 100 % renouvelable en 2050 ?
Il existe aujourd’hui des centaines de de publications scientifiques dans le monde qui montrent qu’il est possible de produire une électricité issue à 100% des énergies renouvelables à horizon 2050. En France, un certain nombre d’études ont été faites notamment par le Réseau de transport de l’électricité (RTE), par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui est une agence de l’Etat, ou par l’association négaWatt. Toutes ces études françaises montrent, elles aussi, que des scénarios 100 % renouvelable sont possibles d’ici 2050 ou 2060 sur notre territoire.
Les scénarios RTE
A la demande du gouvernement, l’opérateur public français Réseau de transport d’électricité (RTE) a engagé en 2019 une étude visant à élaborer des scénarios qui permettent de sortir des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon) et d’atteindre la neutralité carbone pour le secteur électrique à l’horizon 2050.
Après plus de deux années de travail, RTE a officialisé ses résultats en octobre 2021 dans son rapport “Futurs énergétiques 2050”.
Ce rapport aboutit aux mêmes conclusions que des précédents rapports de spécialistes (comme celui de l’Ademe en 2015 ou négaWatt 2017) : un mix électrique 100 % renouvelable est possible. Dans son analyse, RTE présente même plusieurs scénarios qui vont en ce sens. Sur les six scénarios présentés, la moitié sont 100 % renouvelables pour 2050 ou 2060, c’est-à-dire sans fossile et sans construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France.
Pour réussir cette transition, les trois scénarios de RTE prévoient une sortie progressive du nucléaire existant au fur et à mesure que les centrales nucléaires actuelles atteignent leur durée maximale de vie. Le 1er scénario (appelé M0) vise un mix 100 % renouvelable en 2050 et les deux autres (M1 et M23) en 2060. Dans ces scénarios, des investissements massifs dans les énergies renouvelables et dans les économies d’énergie doivent être faits, en réorientant par exemple les investissements colossaux actuellement prévus dans les nouveaux réacteurs nucléaires vers les renouvelables et les moyens de stockage de l’électricité.
Les scénarios de l’Ademe et de négaWatt
Contrairement à l’étude de RTE qui se concentre uniquement sur l’électricité, les scénarios de l’Ademe et de négaWatt s’intéressent à la question de l’énergie dans son ensemble, incluant à la fois l’électricité, les transports, l’industrie, le chauffage, etc.
- Les scénarios de l’Ademe
En décembre 2021, l’Ademe a publié une analyse “Transition(s) énergétique 2050” incluant quatre scénarios possibles pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Ils sont présentés sous un format innovant qui raconte quatre “récits” de la société française en 2050. Comme celle de RTE, l’analyse dresse un constat sans appel : les énergies renouvelables seront le pilier essentiel de la transition énergétique. Ainsi, pour l’Ademe, le mix électrique français en 2050 devra être composé à minima de 72 % de renouvelables, et jusqu’à 97 % dans certains scénarios.
Tout comme les trois scénarios 100 % renouvelable de RTE cités ci-dessus, le scénario n°1 de l’Ademe intitulé “Génération frugale » présente un mix électrique composé à 100 % d’énergies renouvelables à horizon 2050. Il prévoit la fermeture progressive du parc nucléaire historique actuel d’ici à 2050, et l’interruption immédiate de construction de nouvelles centrales nucléaires.
Le scénario n°3 “Technologies vertes” suggère quant à lui deux options afin de limiter la pression sur les sols et paysages. L’une d’entre elles est le développement massif de l’éolien en mer (notamment flottant) avec un mix électrique 100 % renouvelable à terme.
- Le scénario de l’association négaWatt
Le scénario de transition énergétique négaWatt 2022 a été publié par l’association fin octobre 2021. Cette feuille de route s’articule autour de trois valeurs essentielles qui seraient les piliers de la transition écologique pour 2050 : sobriété, efficacité et énergies renouvelables.
Ainsi, le scénario négaWatt 2022 prévoit une sortie du nucléaire en 2045 et un développement massif des renouvelables, notamment de l’éolien (terrestre et en mer) et du solaire. Le volet sobriété est important et envisage une forte diminution de la production de matériaux comme le ciment ou le plastique en limitant la construction de nouveaux bâtiments avec un mot d’ordre : la rénovation. L’association bouleverse aussi nos modes de déplacement grâce au développement massif du transport ferroviaire et le fait de privilégier la marche ou le vélo quand c’est possible. Pour négaWatt, cette transition globale sans fossile et sans nucléaire pourrait permettre la création de nombreux emplois : 250 000 dans le secteur du bâtiment et près de 90 000 dans le secteur des énergies renouvelables dès 2030. Enfin, les bénéfices sur la santé seraient non négligeables avec une amélioration de la qualité de l’air et une forte diminution de la précarité énergétique grâce à la rénovation performante des passoires thermiques.
Toutes ces études d’expert·es montrent qu’il sera indispensable de développer massivement des énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et sortir des fossiles. Ces analyses scientifiques démontrent aussi que, n’en déplaise à certains responsables politiques, il est parfaitement possible de produire une électricité issue à 100 % des renouvelables et de sortir des énergies fossiles et du nucléaire à horizon 2050.
Pour en savoir plus, consultez notre page “Quels enjeux à relever pour une électricité 100% renouvelable en 2050 ?” ainsi que la vidéo de Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique, qui répond à vos questions sur le nucléaire et les renouvelables.
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Crédits photo : © Jeronimo Acero / Greenpeace