Il reste un an à la France pour transposer la directive sur la protection des lanceurs d’alerte et renforcer sa législation, aujourd’hui encore lacunaire. La Maison des lanceurs d’alerte, dont Greenpeace France est l’un des membres fondateurs, a publié cette tribune sur le site du journal <a href=Libération pour interpeller le gouvernement français." class="openspace_image openspace_image_medium" />

Une loi pour mieux défendre les lanceurs d’alerte

Il reste un an à la France pour transposer la directive sur la protection des lanceurs d’alerte et renforcer sa législation, aujourd’hui encore lacunaire. La Maison des lanceurs d’alerte, dont Greenpeace France est l’un des membres fondateurs, a publié cette tribune sur le site du journal Libération pour interpeller le gouvernement français.

Tribune. Gestion de la crise sanitaire, fraude fiscale, pollutions, surveillance des citoyens, conflits d’intérêts, fuites de données personnelles, violences policières : qu’ils soient fonctionnaires, aides-soignants, banquiers, médecins, chauffeurs ou encore policiers, nombre d’inconnus ont pris des risques pour défendre l’intérêt général. Mais ces David qui s’attaquent aux Goliath sont trop souvent exposés au risque de représailles. La démocratie doit les protéger sans trembler, sans quoi ils disparaîtront et, avec eux, leurs combats d’intérêt général.

Si la France a été pionnière en la matière en adoptant la loi Sapin 2, la protection prévue par ce texte reste à ce jour lacunaire. Le système actuel impose en effet aux lanceurs d’alerte de signaler en premier lieu à leur employeur les dysfonctionnements dont ils sont les témoins, ce qui revient trop souvent à les jeter dans la gueule du loup. La culture de l’alerte est insuffisante pour faire face aux entreprises récalcitrantes voire délinquantes : il n’est pas rare qu’un salarié soit licencié pour avoir alerté. Si, aux yeux de la loi, un tel licenciement est discriminatoire et peut être annulé, cette situation n’en reste pas moins terriblement anxiogène, destructrice et décourageante.

La directive européenne sur la protection des personnes qui signalent des atteintes aux droits de l’Union, adoptée le 23 octobre 2019, a pris la mesure de cette problématique démocratique en supprimant ce premier palier et en étendant la protection des lanceurs d’alerte.

Or, il reste un an à la France, comme aux autres pays de l’UE, pour transposer cette directive. De nombreux acteurs de premier plan ont souligné l’importance d’une transposition ambitieuse : le Défenseur des droits, le Conseil de l’Europe, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et le Comité économique, social et environnemental (Cese). Dans une lettre ouverte publiée le 7 novembre 2019, la Maison des lanceurs d’alerte avait, aux côtés de 61 organisations, alerté le président de la République et les présidents des assemblées sur la nécessité d’améliorer rapidement la protection des personnes qui signalent des menaces graves pour l’intérêt général. Nous n’avons à ce jour eu connaissance d’aucune initiative gouvernementale en ce sens. Déjà mobilisés en amont de la loi Sapin 2, nous souhaitons aujourd’hui, du fait de l’expertise de nos structures, être pleinement associés à la rédaction du texte de transposition.

Le champ de protection doit être élargi

En premier lieu, le champ de protection doit être élargi pour que toute personne contribuant à divulguer des atteintes à l’intérêt général soit protégée. Nous proposons en ce sens que le statut de lanceur d’alerte puisse être attribué aux personnes morales, qui jouent souvent le rôle de porte-voix de lanceurs d’alerte qui, seuls, restent vulnérables. Le rôle de facilitateur et la protection qui leur est due doivent aussi être étendus aux syndicats et ONG dont la mission est l’alerte éthique. Nos organisations, et notamment la Maison des lanceurs d’alerte, pourront ainsi conseiller les facilitateurs et les accompagner sans exposer les individus à des poursuites abusives.

Il est souhaitable que la future loi inclue un dispositif spécifique relatif aux questions de sécurité nationale et de secret-défense, en accord avec les exigences de la CEDH. Si le secret de la défense nationale est nécessaire pour faire face aux menaces, ce dernier ne doit pas servir à masquer des violations de l’intérêt public telles que celles révélées par Edward Snowden.

En second lieu, les mesures de protection doivent être renforcées pour que les lanceurs d’alerte puissent faire face à l’ensemble des menaces pesant sur eux. L’accès des lanceurs d’alerte étrangers au statut de réfugié doit être facilité. La criminalisation des actes permettant d’obtenir des informations doit se limiter aux effractions à des fins d’avantages personnels sans lien avec un signalement d’intérêt public. L’expérience d’Antoine Deltour, lanceur d’alerte des Luxleaks, montre en effet que les lanceurs d’alerte peuvent faire l’objet de poursuites abusives pour avoir collecté en interne des documents pourtant indispensables à la manifestation de la vérité.

Troisièmement, la future législation doit être claire, transparente et accessible. Nous préconisons donc que la transposition soit l’occasion de désigner, par domaine, les autorités externes compétentes pour traiter les signalements et informer le lanceur d’alerte.

De l’assistance juridique aux aides psychologiques et financières

Nous appelons, de surcroît, au renforcement des missions et des moyens du Défenseur des droits, qui doit être en capacité d’accorder une assistance juridique aux lanceurs d’alerte, mais doit aussi leur faciliter l’accès à une aide psychologique et financière. A cet égard, et parce que les lanceurs d’alerte sont souvent dans des situations de détresse et de précarité, nous appelons à la création d’un fonds de soutien (abondé par les amendes) chargé d’apporter une aide matérielle à ces personnes.

Enfin, la transposition offre l’opportunité de nous doter d’une politique publique cohérente en matière de traitement des alertes et de soutien à leurs lanceurs. La loi doit favoriser la coordination des autorités chargées de traiter les alertes pour créer un écosystème administratif permettant qu’elles ne soient pas lancées en vain. Les personnes chargées de les recevoir au sein des organisations concernées doivent voir leur indépendance garantie : elles ne doivent rendre compte directement qu’au sommet de la hiérarchie.

Avec cette directive, nous avons la possibilité de montrer une Europe qui protège les droits fondamentaux, garantit les libertés et encourage l’exercice démocratique de ses citoyens, syndicats et ONG. Il y a là une opportunité de construire un Etat exemplaire qui lutte activement contre les atteintes à l’intérêt général en garantissant aux citoyens les droits et les moyens de s’informer et d’agir. Nous veillerons à ce que cette transposition soit à la hauteur de ces enjeux.

Signataires : Estellia Araez, Syndicat des avocats de france (SAF) Pierrick Aillard, Secrétaire général de l’URI CFDT Auvergne-Rhône-Alpes Nayla Ajaltouni, Coordinatrice du Collectif Éthique sur l’étiquette Anticor Arnaud Apoteker, Délégué général de Justice Pesticides Marc Arazi, Co-fondateur et président d’Alerte Phonegate Sébastien Arsac, Co-fondateur de l’association L214 Sophie Binet, UGICT-CGT Lise Blanchet, Vice présidente de la Scam, présidente de la commission des journalistes Scam Félix Briaud, Informer n’est pas un délit Sylvie Bukhari-de Pontual, Présidente du CCFD – Terre Solidaire Catherine Caille, Retraitée Michel Crépin, Secrétaire général de la CFDT Hauts-de-France Antoine Deltour, Lanceur d’alerte des Luxleaks Michel Diard, Journaliste honoraire, ex-secrétaire général du SNJ-CGT Mathilde Dupré, Codirectrice de l’Institut Veblen Dominique Fabre, Secrétaire générale de la CFDT Retraités Brigitte Gothière, Cofondatrice de l’association L214 Philippe Guillaume, Journaliste, scénariste, membre des Economistes atterrés Olivier Guivarch, Fédération des Services CFDT Delphine Halgand, Directrice du Signals Network Kevin Jean, Sciences Citoyennes Jean-Francois Julliard, Directeur général de Greenpeace France Ingrid Kragl, Directrice de l’information de Foodwatch Nicolas Laarman, Délégué général de POLLINIS Bruno Lamour, Secrétaire général de la Fep-CFDT Claire Le Calonnec, Secrétaire générale de la fédération Interco CFDT Patrick Lefas, Président de Transparency International France Francine Lepany, Présidente de Sherpa John Paul Lepers, Directeur de la rédaction LaTéléLibre Diego Melchior, Secrétaire général de la CFDT Ile-de-France Isabelle Mercier, CFDT Pays de la Loire Nicole Marie Meyer, Lanceuse d’alerte Mathieu Molard, Rédacteur en chef de StreetPress.com Patrick Monfort, DR CNRS, Secrétaire général du SNCS-FSU Laëtitia Moreau, Présidente de la Scam, société civile des auteurs multimédia Jérôme Morin, Secrétaire général F3C CFDT Edouard Perrin, Journaliste Olivier Petitjean, Coordinateur de l’Observatoire des multinationales Grégoire Pouget, Président co-fondateur de Nothing2Hide Réseau Sortir du Nucléaire Gilles Reynaud, Président de l’association Ma Zone Contrôlée Sabine Rosset, Directrice de Bloom Malik Salemkour, Président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) Société des personnels de l’Humanité SDR de l’hebdomadaire La Vie Henri Sterdyniak, Co-animateur des Economistes Atterrés Jacques Testart, Directeur honoraire de recherches à l’Inserm Benoît Teste, Secrétaire général de la FSU Jean-Marc Thepaut, Secrétaire général de la CFDT du Morbihan Henri Thulliez, Directeur de PPLAAF (Plateforme des lanceurs d’Alerte en Afrique) Aurélie Trouvé, Porte parole d’Attac France Union syndicale Solidaires Marie Youakim, Ritimo, Laurent Mahieu, Secrétaire général de la CFDT-Cadres, Dominique Pradalié, Secrétaire générale du SNJ (Syndicat National des Journalistes).

La Maison des lanceurs d’alerte est une association destinée à améliorer la protection des lanceurs d’alerte en France. Créée à l’initiative de 17 syndicats et associations, dont Greenpeace France, elle accompagne les lanceurs d’alerte au quotidien et mobilise les décideurs et l’opinion publique pour faire évoluer la législation en leur faveur. Depuis 2018, elle a accompagné plus de 200 lanceurs d’alerte.

Si vous avez des informations, vous pouvez nous contacter à l’adresse  investigation@greenpeace.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter sur le site Greenleaks.