Le traité international sur l’interdiction des armes nucléaires entre en vigueur aujourd’hui. Comment s’est déroulé le processus ?
Depuis 1945 des ONG luttent contre les armes nucléaires. En 2010, la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, avec des États, va promouvoir « l’approche humanitaire ». Cette voie d’action trouve sa source au sein même de la VIII conférence d’Examen du Traité de non-prolifération. Un vaste processus (groupes de travail, résolutions, conférences intergouvernementales sur l’impact humanitaire des armes nucléaires…) à l’ONU débute alors pour obtenir la négociation d’un instrument juridiquement contraignant d’interdiction des armes nucléaires conduisant à leur élimination totale. Le 7 juillet 2017, une écrasante majorité d’États (122) adopte le TIAN. Le 24 octobre 2020, le seuil nécessaire des 50 ratifications est atteint, assurant (« 90 jours après », article 15) son entrée en vigueur. Aujourd’hui 22 janvier 2021, les armes nucléaires sont donc illégales ! Il faut relever que la dynamique d’adhésion est restée forte malgré la pandémie, puisque pas moins de 23 États ont ratifié et signé en 2020. Enfin, en termes d’agenda, la première assemblée des États parties se tiendra au cours des 12 prochains mois, probablement en Autriche.
Que signifie l’entrée en vigueur du traité, qu’est-ce qui va changer ou non d’un point de vue légal et moral ?
Les armes nucléaires ont toujours été immorales. Mais désormais, elles seront classées comme illégales, au même titre que les armes chimiques et biologiques. Cette évolution est majeure car elle va permettre un changement des consciences sur le statut « positif » de ces armes. Le TIAN n’est pas symbolique, mais bien contraignant au vu des nombreuses interdictions (production, possession, usage, transfert, menace d’emploi…) mises en place.
Quelles sont les implications pour les pays nucléarisés, comme la France ?
Son impact va se faire ressentir à plusieurs niveaux : les diplomaties vont devoir se justifier sur leur opposition à une norme juridique. Ils leur seront ainsi plus difficiles de se déclarer comme des États « responsables ». Pour la France, il est attendu une pression politique à travers plus de débats parlementaires. Enfin, ce traité aura aussi un impact sur les acteurs financiers (fonds de pension et banques) puisque le financement des systèmes d’armes nucléaires est interdit. Ces institutions, à travers leur investissement, tiennent en effet un rôle majeur face au danger d’un Armageddon nucléaire. Ces acteurs (BNP, Société générale…) vont donc devoir choisir d’adhérer ou de refuser à cette nouvelle norme, avec le risque en cas de refus de ternir leur image et de mécontenter leurs clientèles. Des organismes financiers d’États ne soutenant pas le TIAN ont déjà fait le choix de désinvestir (en Allemagne, au Japon, au Pays-Bas, en Suède par exemple) ; preuve de l’impact du TIAN !
Quelles sont les priorités de l’ICAN maintenant que le traité est entré en vigueur ?
La poursuite de l’universalisation du TIAN est une priorité. 2021 devrait ainsi voir l’arrivée de nombreux États, renforçant son poids juridique. Le suivi de la mise en œuvre sera aussi d’une grande importance, car il permettra de montrer son effectivité. Enfin, l’évolution de plus en plus positive des Européens pour le TIAN, à l’image des Finlandais (84 %) ou des Belges (77 %) grâce aux actions en cours des différentes organisations membres de la Campagne, peut laisser espérer des attitudes plus positives de certaines capitales, voire de belles surprises…
Pour aller plus loin :
- La campagne Paix et désarmement de Greenpeace
- 5 raisons d’interdire les armes nucléaires
- Arme nucléaire : des dépenses colossales et pas de transparence
- Le site d’ICAN- France