Le 11 mars 2011, le Japon a été frappé par un séisme de magnitude 9 suivi d

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Vivre à Fukushima après la catastrophe nucléaire

Le 11 mars 2011, le Japon a été frappé par un séisme de magnitude 9 suivi d’un tsunami dévastateur, causant la mort et la disparition de plus de 22 000 personnes. Ces catastrophes ont également conduit à l’accident nucléaire majeur de la centrale de Fukushima Daiichi, dont le grave manque d’anticipation et le mauvais dimensionnement du dispositif de sécurité a lui-même causé plusieurs milliers de décès lors de l’évacuation de dizaines de milliers d’habitant·es, et par la suite. Les autorités reconnaissent ces décès comme dus à la dégradation des conditions de vie des personnes évacuées. Les conséquences de la catastrophe continuent d’affecter profondément la vie des “évacué·es”.

 

Une catastrophe toujours en cours

Malgré les discours en faveur de l’énergie nucléaire qui minimisent l’impact de l’accident nucléaire de Fukushima sur la population et l’environnement, les témoignages des victimes révèlent une réalité bien différente. Le site internet « Vivre à Fukushima » présente les récits, recueillis par Greenpeace, de celles et ceux qui ont vécu cette tragédie. Parmi eux, Mizue Kanno, une évacuée de Namie, située à une dizaine de kilomètres de la centrale, qui a dû tout laisser derrière elle. L’endroit où elle habitait a été fortement contaminé. Aujourd’hui encore, il lui est impossible d’y retourner. Mme Kanno souhaite prévenir les populations du monde entier vivant à proximité d’installations nucléaires : “le risque d’un accident est réel. Il est encore temps de faire marche arrière.”

De son côté, Toru Anzai, un habitant d’Iitate, village situé à une cinquantaine de kilomètres de la centrale, a dû abandonner et démolir sa maison familiale dans sa ville, à jamais transformée.

« Tant que nous continuerons à utiliser l’énergie nucléaire, ce qui m’est arrivé peut vous arriver à tout moment. » Misue Kanno. © Shaun Burnie / Greenpeace

Un risque additionnel intolérable

Norio Kimura, originaire d’Okuma une ville située à trois kilomètres de la centrale, explique que l’accident nucléaire a interrompu les recherches pour retrouver sa famille disparue suite au séisme. Des pompiers ont entendu une voix qui aurait pu être celle de sa fille, très proche de l’endroit où ses restes ont été retrouvés cinq ans plus tard. L’évacuation a empêché de sauver des disparu·es suite au séisme : c’est le résultat d’une combinaison de deux catastrophes naturelles (le tremblement de terre et le tsunami), auxquelles s’est ajoutée la catastrophe nucléaire.

Aujourd’hui, ce sont bien les conséquences de l’accident nucléaire qui continuent d’impacter la population, rendant impossible le retour à la normale dans de nombreuses villes et villages.

Une catastrophe écologique

Une catastrophe nucléaire de l’ampleur de celle de Fukushima, c’est aussi des terres et écosystèmes condamnés qu’il faut, au mieux, “nettoyer” en raclant la terre contaminée qu’il faut ensuite enfouir dans un endroit qui servira de stockage. Au pire, pour les zones trop contaminées par la radioactivité et qui n’ont aucune chance de redevenir habitables dans un avenir prévisible, il faut déserter et abandonner tout derrière soi.

Maison contaminée abandonnée dans la préfecture de Fukushima. © Robert Knoth / Greenpeace

Tatsuko Okawara a fait preuve de résilience en reconstruisant son exploitation en agriculture biologique après la catastrophe. Les aliments produits sont systématiquement testés pour la radioactivité afin de s’assurer qu’ils ne présentent pas de danger pour la santé et restaurer la confiance de sa clientèle.

 

Depuis, TEPCO, la société gestionnaire de la centrale et de son démantèlement toujours en cours, débordée par l’accumulation des eaux contaminées radioactives sur le site, a décidé de les rejeter dans la mer. Si l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA) a estimé que la dangerosité des rejets était inférieure aux seuils fixés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), des spécialistes, les populations locales, les habitant·es des îles du Pacifique et des pêcheurs s’indignent contre cette pollution. Au total, c’est l’équivalent d’1,25 million de tonnes d’eau contaminée qui pourraient progressivement être déversées dans l’océan sur toute la durée du démantèlement de la centrale.

 

Un traumatisme pour les victimes

Plusieurs témoignages évoquent les nombreuses difficultés rencontrées par les populations locales : le traumatisme de l’évacuation, le deuil de la vie avant la catastrophe, le défi de reconstruire sa vie ailleurs, les familles éclatées, les difficultés financières, la tension avec les populations des villes d’accueil, la peur de contracter une maladie liée à l’exposition aux radiations. Au sein de ces communautés meurtries, des projets voient le jour pour contribuer à améliorer le quotidien et donner de l’espoir. Mari Suzuki a fondé une troupe de théâtre à Fukushima pour aider la population à faire face à ce qu’elle vit. Akiko Morimatsu, habitante de la ville de Koriyama, a travaillé et lutté pour la reconnaissance et la défense des droits humains des personnes évacuées. Ruiko Muto, militante anti-nucléaire de longue date, a intenté une action civile contre TEPCO, propriétaire de Fukushima Daiichi. Kenta Sato, jeune membre actif au sein de sa communauté, a été élu au conseil municipal d’Iitate pour revitaliser ce village fortement contaminé et diriger sa reconstruction.

« Si l’on considère le niveau de radiation qui subsiste, il est clair qu’il faudra des décennies avant que les gens n’envisagent sérieusement de s’installer dans le village pour y vivre ». Kenta Sato. © Daniel Müller / Greenpeace

L’irresponsabilité des pouvoirs publics et la résilience des populations

Devant l’opacité des autorités face à la réalité des contaminations (de nombreux ordres d’évacuation sont arrivés tardivement, exposant des populations aux premières vagues de radiation), des initiatives citoyennes ont vu le jour pour informer la population des risques et des niveaux de radiation. Kaori Suzuki et plusieurs mères de Fukushima ont fondé un laboratoire de détection de contamination radioactive dans le but de tester les aliments donnés aux enfants, particulièrement vulnérables aux radiations. Minoru Ikeda a travaillé comme ouvrier en décontamination radioactive pour aider la région et ses habitant·es. Il a été choqué par les faibles normes de sécurité pour les équipes de travail. Mai Suzuki, spécialiste en radioprotection, enregistre des données sur la contamination nucléaire à Fukushima depuis la catastrophe. Ces témoignages illustrent les souffrances et les défis auxquels les habitant⸱es de Fukushima sont confrontés depuis plus d’une décennie. Ils mettent en lumière les conséquences humaines et environnementales durables de l’accident nucléaire, souvent ignorées ou sous-estimées dans les discours en faveur de l’énergie nucléaire.

« Le gouvernement prétend qu’un peu de décontamination peut résoudre le problème, mais grâce à notre travail de mesure, nous pouvons prouver que le problème n’a pas du tout disparu. » Mai Suzuki. © Shaun Burnie / Greenpeace

Ces témoignages illustrent les souffrances et les défis auxquels les habitant⸱es de Fukushima sont confrontés depuis plus d’une décennie. Ils mettent en lumière les conséquences humaines et environnementales durables de l’accident nucléaire, souvent ignorées ou sous-estimées dans les discours en faveur de l’énergie nucléaire.

« Il y a toujours une énorme main-d’œuvre basée à Fukushima Daiichi et sur les autres sites de décontamination qui continue de souffrir de mauvaises conditions de travail dans un environnement dangereux ». Minoru Ikeda

Quelles leçons devons-nous tirer de Fukushima ?

En France, les lobbies du nucléaire se frottent les mains, galvanisés par la relance du nucléaire annoncée par le président Emmanuel Macron.

Pourtant, la réalité de la filière nucléaire française n’est pas réjouissante, EDF est dans une situation financière critique, l’EPR de Flamanville a été un fiasco industriel et financier et l’entreprise peine à rassurer sur la garantie de sûreté de ces installations dans le contexte de l’aggravation du dérèglement climatique.

Contrairement à ce que prônent ces discours, le nucléaire aujourd’hui en France n’est pas une fatalité. D’autres voies sont possibles. Nous avons l’occasion de choisir, et il est encore temps de suivre les conseils des victimes de la catastrophe de Fukushima. Pour assurer notre avenir énergétique, nous devons réduire nos consommations d’énergie (et de ressources naturelles pour préserver la biodiversité) via des politiques ambitieuses de sobriété (choisies et non subies), prioriser la rénovation énergétique des bâtiments et développer les énergies renouvelables. Ces scénarios ont été jugés comme faisables et réalistes par différents organismes (GIEC, Réseau Transport Électricité (RTE), NégaWatt).

Greenpeace continue de soutenir les communautés touchées par cette catastrophe, en documentant les impacts, en alertant l’opinion publique et en aidant à renforcer la résilience des populations face aux risques nucléaires. Il est essentiel de reconnaître la gravité de tels événements et de tirer les leçons nécessaires pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent. Sortir de l’énergie nucléaire relève de l’intérêt général.

 

© Christian Åslund / Greenpeace