6 idées reçues
sur l’avion
Alors que la crise climatique s’aggrave de jour en jour, le trafic aérien mondial continue d’augmenter dangereusement. Malgré son impact désastreux sur l’environnement, l’avion est un mode de transport encore très largement privilégié, notamment car certaines idées reçues lui collent à la peau et lui donnent une image qu’il ne devrait pas avoir.
6 idées reçues sur l’avion
Alors que la crise climatique s’aggrave de jour en jour, le trafic aérien mondial continue d’augmenter dangereusement. Malgré son impact désastreux sur l’environnement, l’avion est un mode de transport encore très largement privilégié, notamment car certaines idées reçues lui collent à la peau et lui donnent une image qu’il ne devrait pas avoir.
Le record du nombre de vols commerciaux en une journée a été battu le 6 juillet 2023. Au total, ce jour-là, 134 386 avions ont été recensés par le site spécialisé Flightradar24. Ironie de la situation ? Cette première semaine de juillet a été également la plus chaude jamais enregistrée par l’Organisation météorologique mondiale.
Bien qu’il soit le mode de transport le plus néfaste pour le climat, l’avion reste aujourd’hui très largement privilégié quand il s’agit de partir en vacances. D’ailleurs, le trafic aérien mondial continue de croître au point de quasiment retrouver sa croissance d’avant COVID-19.
De nombreuses fausses idées sur l’avion continuent d’être véhiculées, notamment par les compagnies aériennes, renforçant l’intérêt des voyageurs et des voyageuses pour ce mode de transport. On fait le point sur six d’entre elles.
« Seul l’avion permet de se dépayser »
Complètement faux. Le voyage lointain est encore aujourd’hui un idéal pour de nombreuses personnes. On peut vite comprendre d’où vient ce rêve quand on voit à quel point il est valorisé dans notre société, à travers les publicités ou sur les réseaux sociaux par exemple.
Entre les photos de paysages paradisiaques prises à l’autre bout du monde ou celles des nuages vus à travers les hublots, cela donne l’impression que prendre l’avion est nécessaire pour « vraiment » voyager, et que le dépaysement est proportionnel au nombre de kilomètres parcourus. Cet imaginaire est une pure construction de notre société.
Il existe de nombreuses destinations en France, en Europe et même au-delà, toutes aussi incroyables, et accessibles sans devoir prendre l’avion. Il est tout à fait possible de se dépayser en prenant le train et en parcourant des centaines, voire des milliers de kilomètres en observant les paysages qui défilent devant nos yeux.
Pour vous donner quelques idées, vous pouvez télécharger gratuitement notre guide de voyage.
« L’avion est toujours plus rapide que le train »
Pas tout à fait. L’avion n’est pas TOUJOURS plus rapide. Un trajet en train d’une destination à une autre va effectivement durer plus longtemps que ce même trajet en avion. Cependant, il est nécessaire de tenir compte du termps réel qu’implique le fait de prendre l’avion, à savoir se rendre à l’aéroport qui est souvent excentré par rapport à la ville, passer les contrôles, puis l’embarquement, et rejoindre enfin notre destination.
On se rend vite compte que le « gain de temps » permis par l’avion, particulièrement pour les vols courts, est négligeable, et ce même quand on se déplace en dehors de la France.
De plus, la crise climatique actuelle nous oblige à faire évoluer nos habitudes de voyage, notamment en repensant le temps que nous accordons au trajet. Pour ce faire, les alternatives à l’avion doivent nécessairement être développées et renforcées, comme les trains de nuit qui permettent de réaliser de plus longues distances tout en dormant, donc sans « perdre » de temps.
« L’avion pollue moins grâce à la compensation carbone des vols »
Alerte greenwashing. Bien (trop) souvent utilisée par les entreprises fossiles, comme les compagnies aériennes, pour verdir leur image et leurs activités, la « compensation » carbone seule n’est pas une solution viable.
Cette stratégie est très problématique puisqu’elle décourage les entreprises polluantes de mettre en place les mesures nécessaires pour réduire leurs émissions, et ainsi lutter réellement contre le dérèglement climatique. Cela induit l’idée que tant que les émissions carbone sont compensées, il est possible et « acceptable » d’avoir des activités climaticides. Cette communication trompeuse décourage également les client·es des compagnies de réduire leur usage de l’avion pour les vacances.
L’urgence climatique est réelle et il n’est plus tenable de continuer à émettre autant de CO₂. Les entreprises polluantes ne doivent pas choisir entre réduire et compenser : elles doivent faire les deux pour répondre aux enjeux climatiques.
De plus, réduire les activités des compagnies aériennes à leurs seules émissions de carbone n’a pas de sens puisqu’elles ont également d’autres impacts sur le climat qui sont néfastes pour l’environnement, la biodiversité et la santé, comme l’augmentation de la concentration d’ozone ou la formation de cirrus (les traînées de condensation) qui retient les rayons du soleil et aggrave l’effet de serre. Pour connaître le vrai impact du transport aérien sur le climat, il faudrait multiplier par trois les seules émissions de CO₂.
« L’avion vert est la solution pour continuer de voler sans polluer »
F.A.U.X. Comme pour la compensation carbone, l’avion « vert » est une diversion pour éviter le vrai sujet et la seule solution à la hauteur des enjeux climatiques actuels, à savoir la réduction du trafic aérien.
L’avion à hydrogène, les voyages neutres en carbone ou encore l’amélioration des performances énergétiques de l’avion ne sont pas des solutions « miracles » face à la crise climatique. Pourtant, le gouvernement mise tout sur ces solutions technologiques qui n’en sont qu’à leurs prémices.
Ces perspectives restent trop hypothétiques et insuffisantes pour permettre au transport aérien de rester sur une trajectoire compatible avec les objectifs de l’accord de Paris. Les avions dits « verts » arriveront bien trop tard et ne pourront pas absorber le volume et la croissance du trafic aérien actuel.
« Grâce au low-cost, tout le monde a les moyens de prendre l’avion »
Pas du tout. En plus d’accentuer la crise climatique, l’avion renforce les inégalités sociales. C’est un mode de transport réservé à une minorité de personnes dans le monde. On estime que près d’un tiers de la population française ne prend jamais l’avion. Au niveau mondial, c’est entre 80 et 95% de la population qui n’est jamais montée dans un avion.
Si l’essor des compagnies low cost et de leurs offres à très bas prix laisse souvent penser que plus de personnes peuvent aujourd’hui voyager en avion, la réalité est toute autre. L’avion s’est en fait bien moins démocratisé que ce qu’on imagine.
Cela a surtout permis aux personnes qui prenaient déjà l’avion de voyager d’autant plus. Les sociologues Yoann Demoli et Jeanne Subtil montrent qu’on assiste à une « multiplication des voyages plutôt qu’une multiplication des voyageurs ».
« L’avion est toujours moins cher »
Malheureusement pas entièrement faux. Le prix de l’avion peut paraître souvent bien plus avantageux que celui des alternatives plus écologiques comme le train. C’est en réalité très dépendant de notre destination.
Si on reste en France métropolitaine, le train peut être une solution moins onéreuse que l’avion. En revanche, la situation est différente pour les liaisons européennes où l’avion est souvent plus abordable que le train. Mauvaise élève en la matière, la France propose des billets de train en moyenne 2,6 fois plus chers que l’avion pour les liaisons européennes. Cette injustice est permise et entretenue par le gouvernement : le secteur aérien reçoit de nombreux « cadeaux fiscaux » comme l’absence de taxe sur le kérosène ou la TVA réduite.
Pour que la situation change, le gouvernement doit mettre fin à son soutien au secteur aérien, ce qui lui permettra de dégager des ressources importantes. Grâce à cela, il pourra investir dans le ferroviaire, en entretenant le réseau ferré, en développant les trains de nuit et en rendant les tarifs plus accessibles pour toutes et tous.
Comment lutter contre ces idées reçues et agir pour le climat ?
De plus en plus d’acteurs du voyage bas-carbone tentent de redéfinir la vision du voyage idéal et de mettre en avant les alternatives. De nombreuses initiatives voient le jour pour permettre de faciliter l’accès à ce tourisme plus responsable comme Mollow, Hourrail, Voyager en train, Greengo ou encore Mad Jacques.
En juin 2023, le collectif Itinéraire Bis a été lancé par plusieurs acteurs du voyage bas-carbone (journalistes, créateurs et créatrices de contenus, expert·es…) pour changer les représentations médiatiques du voyage et déconstruire les idées reçues qui persistent.
À l’échelle individuelle, éviter au maximum de prendre l’avion est l’une des actions les plus efficaces pour limiter son impact sur le climat. Pour donner un ordre d’idée, éviter un aller-retour à Bali est aussi impactant pour le climat que de devenir végétarien·ne pendant 5 ans.
Cette mobilisation citoyenne doit nécessairement s’accompagner d’une action politique forte pour réduire drastiquement le trafic aérien et démocratiser les alternatives plus écologiques comme le train. Vous voulez agir pour faire pression sur le gouvernement et le pousser à prendre les bonnes décisions pour nos transports ? Vous pouvez signer les deux pétitions suivantes :
- Pour que l’État taxe le kérosène et mette fin aux privilèges qu’il accorde au secteur aérien. Cela permettrait de débloquer un budget qui pourrait être investi dans le secteur ferroviaire, et ainsi permettre au plus grand nombre de prendre le train.
- Pour davantage de trains de nuit. Cela permettrait d’avoir un réseau de trains de nuit très développé en France et en Europe, tout en voyageant dans des conditions plus confortables.
Crédit photo : © Steve Morgan / Greenpeace