Océans

Auchan et le thon rouge : une première qui fait des vagues…

Le groupe Auchan a annoncé fin décembre qu’il ne distribuait plus de thon rouge de Méditerranée et d’Atlantique Est « en raison des menaces qui pèsent sur ce stock. Certains ont fait la fine bouche, d’autres ont applaudi : c’est le sort réservé à ce type de décision prise par un acteur majeur de la grande distribution. Toujours est-il que les clients d’Auchan ont dans leur grande majorité bien accueilli la décision, ce qui confirme que le public perçoit bien la dimension de la « question thon rouge ».

Il est évident que le retrait d’Auchan ne va pas sauver le stock ; en 2007 ses achats ont porté sur environ 200 tonnes (contre plus de 500 trois ans auparavant). Toutefois, le caractère « radical » de ce choix mérite d’être salué si on le compare à l’attitude frileuse, pour ne pas dire plus, de la plupart des autres acteurs de la filière qui se réfugient derrière le respect de la réglementation générale (pas de thons de moins de 30 kg). L’un d’eux va même jusqu’à y intégrer les dérogations de provenance, ce qui lui permet de continuer à proposer à l’étal, et le plus légalement du monde, des thons rouges de 8 kg.

L’intérêt de l’annonce d’Auchan est ailleurs : elle pourrait entraîner dans son sillage les autres acteurs majeurs de la grande distribution… 70% des produits de la mer sont achetés en hyper et supermarchés. Cela constitue un « front » de visibilité important pour ceux qui ont réellement en main les destinées du thon rouge : les décideurs politiques.

Face à l’impuissance de l’ICCAT, la commission de gestion des thonidés de l’atlantique nord, qui ne parviendra sans doute jamais à s’imposer comme une vraie instance de régulation capable de prendre des mesures drastiques (périodes de fermeture, tonnages, tailles limites et réduction de capacité), les pays pêcheurs et l’Union Européenne continuent aveuglement à soutenir les pêcheurs dans une voie qui mène à l’impasse, c’est à dire à l’effondrement du stock à brève échéance.

C’est donc maintenant aux gouvernements de prendre leurs responsabilités. Ils sont d’abord légalement responsables de l’état des écosystèmes marins et de leurs flottilles. Ensuite, l’Espagne, la France et l’Italie, en tant que bénéficiaires de la moitié des quotas doivent entreprendre un travail de reformatage de leur capacité de pêche en prenant pour base la capacité biologique du stock et non les impératifs des logiques financières qui prévalent actuellement.

En 2005, l’ICCAT a su imposer à Taiwan, dont les palangriers écumaient les stocks de thon rouge et d’espadon en Atlantique, une baisse de 10 000 tonnes de son quota. Le gouvernement taiwanais a su opérer une coupe claire dans sa flottille en passant 160 de ses bateaux en sortie de flotte, ce qui lui a coûté plus de 150 millions d’Euros.
On ne voit pas au nom de quelle « tradition séculaire » ou de quelle spécificité les gouvernements de ces trois grands pays ne seraient pas en mesure de faire ce que Taiwan a fait il y a deux ans.