Pour cette quatrième édition, nous sommes allé-e-s sur le terrain, à la rencontre des fournisseurs de la grande distribution, afin de mieux comprendre comment les différentes enseignes mettent concrètement en oeuvre leurs engagements et si elles répondent à leurs besoins.
Nous avons pu constater que la multiplication des exigences des distributeurs n’enclenche pas toujours la transition agricole dans une direction commune mais complique également le travail des agriculteurs-rices en générant des impasses techniques. C’est pourquoi il est nécessaire que les enseignes travaillent de concert et harmonisent leurs engagements autour d’un cahier des charges commun : la certification Haute valeur environnementale (HVE) du ministère de l’Agriculture, dont le cahier des charges exige une réduction drastique des intrants de synthèse.
Aucune enseigne ne soutient ses fournisseurs dans la revalorisation des prix
Cette année, deux pelotons se distinguent. Le peloton avant s’engage à contribuer à l’amélioration des pratiques agricoles de leurs fournisseurs, tandis que le peloton arrière se cantonne à l’élimination des résidus de pesticides sur les fruits et légumes récoltés. Sauf que cette dernière approche ne garantit en aucun cas que l’usage des pesticides dans les champs a réellement diminué.
Les fournisseurs de la grande distribution affirment que l’ensemble des enseignes sont loin de les soutenir pour les efforts engagés dans la suppression des pesticides (y compris les enseignes communiquant dans ce sens) : alors que les changements de pratiques agricoles provoquent des risques économiques, aucune enseigne ne propose systématiquement à ses fournisseurs des contrats sécurisants, bien que cela soit une obligation légale. Les agriculteurs-rices ne bénéficient d’ailleurs ni d’un véritable prix d’achat revalorisé à la hauteur de leurs efforts, ni d’options de négociation et de souplesses en cas de perte de volumes. Les risques de la transition agricole ne doivent pas être exclusivement pris en charge par les paysans-nes !
Le “zéro résidu” n’est pas une pratique environnementale vertueuse
Les enseignes se situant en queue de peloton, Auchan et Casino, se sont fixées pour objectif d’atteindre zéro résidu de pesticides dans leurs fruits et légumes. Sauf que “Zéro résidu de pesticides” ne signifie pas que l’usage des pesticides de synthèse a réellement diminué pendant la production, donc cette démarche ne présente pas d’intérêt environnementalement parlant. Par ailleurs, les agriculteur-rices et leurs familles sont les premières victimes des pesticides.
Etat des lieux par enseigne
Carrefour
Carrefour est toujours bien positionnée en première place. Grâce à ses producteurs-rices, elle continue ses efforts pour supprimer les pesticides chimiques d’environ 75% sur plusieurs de ses filières de marque “Filière Qualité Carrefour”. Depuis l’année dernière où elle développait des expérimentations sur ses filières « pommes » et « pommes de terre », l’enseigne a supprimé les pesticides de synthèse dès la levée pour les pommes de terre, dès la floraison pour les oranges et dès la plantation pour le melon. L’enseigne continue donc d’augmenter ses productions déjà concernées par cette démarche : fraise, tomate, kiwi, brocoli et chou-fleur surgelés, blé dur. En plus de cela, elle développe des expérimentations sur d’autres filières : asperges, champignons et agrumes. L’enseigne doit néanmoins faire preuve de plus de transparence sur les substances actives qu’elle continue d’utiliser et renforcer le soutien apporté à ses fournisseurs dans la prise de risques économiques.
Monoprix
Quand à Monoprix, elle se maintient aux côtés de Carrefour grâce à sa marque « Monoprix Tous Cultiv’ Acteurs ». En fixant des objectifs de long terme à ses fournisseurs et en adoptant la liste noire « BEE FRIENDLY » de pesticides interdits à l’usage, l’enseigne se distingue surtout par sa grande transparence sur l’identité de ses fournisseurs et sur son cahier des charges. Par rapport à l’année dernière, l’enseigne a également augmenté le nombre de producteurs-rices engagé-e-s dans la démarche. Mais comme toutes les autres enseignes, dommage qu’elle ne revalorise pas davantage les efforts agronomiques réalisés par ses fournisseurs, d’autant plus qu’elle affirme publiquement signer des contrats de trois ans avec ses fournisseurs et que cela ne se retrouve pas toujours sur le terrain.
Système U
L’enseigne U se maintient à la même place : l’enseigne continue de travailler à l’élimination des pesticides de synthèse sur ses fruits et légumes (frais, surgelés et transformés). Cette année, elle a réalisé un travail important dans l’identification et la caractérisation des molécules les plus dangereuses pour la santé humaine et l’environnement. Elle a ainsi considérablement augmenté sa liste noire de substances actives interdites à l’usage. Néanmoins, l’application de cette liste chez ses fournisseurs n’est pas encore totalement systématique. Greenpeace attend donc de voir sa pleine mise en oeuvre et la manière dont Système U améliore concrètement les pratiques agricoles de ses producteurs-rices. Car en parallèle, l’enseigne affiche également un objectif de suppression des résidus de pesticides sur les fruits et légumes. Or, cette approche n’est pas une garantie d’une réelle baisse de l’usage des pesticides dans les champs et les vergers.
Intermarché
Un bond vient d’être effectué : cette année, Intermarché s’est engagé à atteindre un objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides et de suppression des substances actives les plus dangereuses d’ici 2025. Pour ce faire, Intermarché vise à amener les fruits et légumes frais de sa marque de distributeur (MDD), “Mon Marché Plaisir”, dans des démarches transparentes et responsables dont la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) et l’Agriculture Biologique (AB). L’enseigne a également commencé à définir les étapes de ce plan d’action en concertation avec certains de ses fournisseurs pour plusieurs filières. Nous attendons maintenant des précisions sur les volumes destinés à être réellement engagés en HVE et en AB, et de voir la mise en oeuvre concrète de ce plan d’action par ses producteurs-rices.
E.Leclerc
E. Leclerc se retrouve sur l’avant dernière marche. L’année dernière, l’enseigne opérait une révolution en s’engageant pour la suppression de 50% des pesticides sur l’ensemble de son offre fruits et légumes (toutes marques confondues) d’ici 2020. Cette année, la mise en oeuvre de cet objectif n’avance pourtant que sur ses fruits et légumes à marques de distributeur (MDD). A travers un plan d’action ambitieux, la structure qui développe des MDD vise à amener ses producteurs-rices au niveau de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) sur plusieurs filières, notamment les pommes, poires et pommes de terre. En parallèle, l’enseigne mène un solide travail de référencement en variétés tolérantes aux bioagresseurs et élabore une liste noire de molécules chimiques interdites à l’usage. L’enseigne doit élargir ce cap solide à toutes les marques de ses fruits et légumes afin de ne pas se cantonner à un simple effet d’annonce. En effet, il semblerait que la centrale d’achat des marques nationales s’engage dans la voie du “zéro résidu de pesticides”. On compte sur E. Leclerc pour ne pas faire un second virage à 180 degrés en rejoignant cette tendance qui ne garantit pas une amélioration des pratiques agricoles !
Auchan
En décembre 2017, l’enseigne s’est engagée à proposer à ses clients-es une gamme de 50 variétés de fruits et légumes garantie sans résidus de pesticides à l’horizon 2020. L’enseigne affirme suivre les pratiques agricoles de ses fournisseurs mais aucune garantie n’est apportée quant à leur évolution agroécologique. Auchan adopte donc l’approche « zéro résidu », bien insuffisante pour diminuer les impacts négatifs des pesticides sur l’environnement. Actuellement, une vingtaine de références de fruits et légumes répondent à cette démarche. Auchan doit surtout s’atteler à faire disparaître les pesticides dans les champs et les vergers si elle veut monter d’une marche !
Casino
Même constat pour Casino : l’enseigne poursuit le développement de sa démarche « Agriplus » dont l’objectif est de faire disparaître les résidus de pesticides de ses fruits et légumes frais et surgelés. Toutefois, l’enseigne s’efforce de mettre en place un suivi rapproché des pratiques agricoles de ses fournisseurs. Elle doit poursuivre cet effort en fixant des objectifs de moyens agronomiques à ses producteurs-rices et alors garantir une réelle baisse de l’usage des pesticides !
En savoir plus sur la troisième édition de Course zéro pesticide