Manifestations, blocages… Une nouvelle phase de conflit s’est ouverte en France entre le gouvernement et le monde agricole. Ces tensions ne sont pas nouvelles : depuis plusieurs années, et encore très récemment en début d’année 2024, les agriculteurs et agricultrices ont alerté sur leurs nombreuses difficultés qui remettent en cause la pérennité de beaucoup d’exploitations. Comment résoudre cette crise agricole en profondeur ?
Depuis la dernière crise agricole, rien n’a changé
Si la colère gronde c’est justement parce que depuis la crise agricole du début d’année, les revendications sont les mêmes. À ce jour, rien n’a été acté pour garantir un revenu décent aux agriculteurs, pour les protéger véritablement face à la concurrence déloyale et face aux impacts dramatiques du libre-échange international.
Pour une rémunération digne
La question de la rémunération est toujours centrale et essentielle. Aujourd’hui, dans certaines filières, les prix payés aux agriculteurs pour leurs produits sont souvent inférieurs aux coûts de production, ce qui entraîne une pression financière insupportable. Les marges sont réduites, voire inexistantes, et la grande distribution fait preuve d’un grand manque de transparence sur le sujet. Cette situation est aggravée par le marketing de la grande distribution qui valorise les prix les plus bas pour attirer les consommateurs. Cela écrase les producteurs, qui peinent à obtenir un revenu décent, faute de subventions publiques adéquates. De plus, rien n’est fait pour encadrer strictement les marges des industriels et de la grande distribution.
Contre les accords de libre-échange internationaux
Les agriculteurs subissent de plein fouet les conséquences des accords commerciaux de libre-échange qui les mettent en concurrence déloyale avec des produits à bas prix et répondant à des normes moins strictes. La colère est notamment exacerbée par la possible signature dans les prochains jours (décembre 2024) de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie). Cet accord favoriserait par exemple l’importation en Europe de produits comme la viande bovine, le soja, le sucre ou les céréales en supprimant quasi totalement les droits de douane. Ces produits sont souvent cultivés avec des méthodes moins respectueuses de l’environnement, et les normes sociales et sanitaires sont moins strictes que celles imposées en Europe. Par exemple, certains pesticides (produits en Europe, oui c’est cynique…) y restent autorisés alors qu’ils sont interdits en Europe. Le tout est souvent produit à des coûts inférieurs à ceux de l’Union européenne. Les agriculteurs français dénoncent une concurrence déloyale et une pression à la baisse sur leurs prix.
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Les agriculteurs et agricultrices, premières victimes du dérèglement climatique
Par ailleurs, ces derniers mois plus que jamais, les exploitations ont été touchées par de nombreux événements liés au dérèglement climatique. Les crises sanitaires qui ont fait cette année des ravages dans le secteur de l’élevage sont liées à des maladies véhiculées par des moucherons dont la présence est exacerbée par les conditions climatiques qui évoluent (chaleur et pluie). En parallèle, des récoltes de céréales, particulièrement en blé tendre, ont été dévastées par de fortes précipitations, et les inondations destructrices sont venues nous rappeler que la multiplication des événements climatiques extrêmes constitue un défi majeur pour le monde agricole.
Quel est l’impact du dérèglement climatique sur les cultures et l’élevage ?
Les agriculteurs subissent de plus en plus les effets du changement climatique, avec des sécheresses prolongées, des vagues de chaleur, des inondations et des épisodes de gel qui perturbent gravement les récoltes et affectent la santé du bétail. Ce dérèglement climatique entraîne une baisse des rendements et une hausse des coûts de production (irrigation, adaptation des infrastructures), aggravant encore la précarité financière des exploitations agricoles.
Face à ces constats, des gouvernements qui font la sourde oreille
Aides financières ponctuelles, annonces superficielles et détricotage des politiques environnementales… Les annonces du précédent gouvernement lors de la première crise agricole ont consisté à pointer du doigt les “normes environnementales” et à détricoter les quelques politiques publiques qui auraient pu protéger le monde paysan des impacts directs du changement climatique.
Encore aujourd’hui, rien n’est fait par la gouvernement actuel pour s’attaquer aux causes profondes de la crise : le modèle agricole français est dominé par l’agro-industrie et est incompatible avec les défis climatiques.
Pourtant, des solutions existent pour sortir de la crise
La seule réponse crédible sur le long terme à la crise multifactorielle que traverse le monde agricole est structurelle, sociale, économique et écologique. Elle doit prendre la forme d’un cap clair et pérenne, ou en d’autres termes d’une planification par les pouvoirs publics qui permette une juste rémunération des agriculteurs et agricultrices, le développement d’un système agricole résilient face au changement climatique et aux événements climatiques extrêmes, et l’accompagnement de toutes les exploitations dans cette transition.
Greenpeace a formulé des propositions concrètes dès janvier 2024 ; le gouvernement pourrait s’en inspirer sans délai.