Neuf mois après la catastrophe naturelle, puis nucléaire qui a ébranlé l’archipel japonais, Greenpeace fait un point sur la situation.
De l’annonce de l’ « arrêt à froid des réacteurs » …
Le Gouvernement Japonais a indiqué le 16 décembre que la procédure d’arrêt à froid ( la température exercée à l’intérieur des cuves des réacteurs ne dépasse pas les 100°C ) des réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi était complète.
Mais cette expression doit être employé avec précaution : dans une centrale au fonctionnement normal, l’arrêt à froid signifie que l’on peut intervenir dans les réacteurs pour une opération de maintenance. À Fukushima, n’oublions pas que les cœurs de trois réacteurs sont entrés en fusion et ont partiellement fondus. Le niveau de radiation reste donc exceptionnellement élevé. « Le gouvernement et Tepco utilisent l’expression ‘arrêt à froid’ dans un sens différent de l’acception habituellement employée pour un réacteur sain« , a ainsi précisé le vice-président de la Société japonaise de l’Énergie atomique, Takashi Sawada. « Je crois plus correct de dire que les réacteurs ont essentiellement atteint l’état de refroidissement stable »
Dans un rapport rendu public le 30 novembre, Tepco explique que le combustible du réacteur 1 aurait entièrement fondu, percé la cuve et rongé une partie du béton de l’enceinte de confinement, sur 65 cm de profondeur. Le combustible fondu serait à 37 cm de la coque en acier. Mais ces analyses reposent sur des estimations et simulations informatiques. Impossible d’avoir des informations plus précises.
Aussi, alors que les autorités, ainsi que de nombreux médias, se sont félicités de la fin de l’accident nucléaire, la catastrophe n’est pas terminée : il faudra des décennies pour étudier de près les installations et des centaines d’années pour mesurer toutes les conséquences dans la région.
Au Japon, seulement 7 réacteurs nucléaires sur 54 sont encore en service. Le pays s’oriente peu à peu vers une sortie du nucléaire, en réalisant notamment un effort en termes de sobriété :cet été, la ville de Tokyo a consommé 15% d’énergie en moins. Les restaurants ont baissé la climatisation, les enseignes lumineuses ont été éteintes la nuit … chacun, professionnel, service public, ou citoyen fait des efforts.
Contamination : des études et des bilans loin d’être terminés …
Le rapport d’étape de la commission gouvernementale chargée d’enquêter sur la catastrophe, qui doit être publié le 26 décembre, indique que les réacteurs auraient été fortement endommagés par le séisme plutôt que par le tsunami.
Yukio Edano, ministre japonais de l’Industrie s’est dit mardi opposé au plan de TEPCO qui prévoyait de rejeter en mer de l’eau « faiblement radioactive » dans les prochains mois, faute de capacité de stockage. Des dizaines de milliers de tonnes d’eau ont été accumulées sur le site Fukushima Daiichi du fait des arrosages massifs effectués durant les semaines suivant l’accident provoqué par le séisme et le tsunami du 11 mars. Mais la communauté de pêcheurs s’est fortement mobilisée contre ce projet, craignant, à juste titre, les risques de contamination.
Dans le même temps, l’AIEA, (Agence Internationale de l’Energie Atomique) lance et coordonne une étude sur les conséquences des rejets dans le Pacifique, qui regroupe 24 pays. L’agence coordonera les mesures, et facilitera les échanges de résultats entre les pays concernés
Mardi 15 novembre 2011, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a publié un rapport sur la remise en état des grandes zones contaminées en dehors du site de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.
Globalement, le rapport souligne les efforts de décontamination mis en œuvre par les Japonais et approuve la stratégie appliquée. Néanmoins, il juge que des progrès peuvent être réalisés et formule une série de recommandation.
Le rapport « souligne neuf domaines de progrès importants« . Parmi les points satisfaisants, l’AIEA met en avant l’action « très rapide », la mise à disposition « des moyens légaux, économiques et techniques nécessaire« , l’engagement des personnes chargées d’appliquer le plan, la coordination entre les différents acteurs, l’effort de cartographie des zones contaminées ou encore l’évaluation des différentes techniques disponibles sur des sites tests.
En matière de déchets le rapport juge qu’ « il est important d’éviter de classer comme déchets radioactifs des matériaux qui n’entrainent pas une exposition nécessitant des mesures particulières de protection contre les radiations ». Les autorités sont donc encouragées à « revoir ce point afin d’établir des limites réalistes et crédibles » en accord avec les règles générales préconisées par l’AIEA. Quant aux résidus qui présentent des niveaux inférieurs à ces limites générales préconisées par l’AIEA, ils pourraient même « être recyclés et réutilisés de diverses façons, comme la constructions de structures, de berges et de routes« …
Dans de nombreuses régions autour de Fukushima les sols devront être décontaminés avant d’être de nouveau cultivés. Une carte diffusée par le ministère japonais des sciences montre que plus de 30 000 km2 du Japon, soit 8% de la totalité du pays, 13 préfectures concernées, ont été contaminés au Césium. Dans chaque km2 concerné, plus de 10 000 Bq/kg de Césium 134 et 137 ont été mesurés. Les autorités pensent que les quatre panaches principaux de radiation, retombée via les chutes de neige et de pluie ont contribué à la contamination de 13 des 18 préfectures testées. Le césium-137, contamine les sols pendant plusieurs décennies (sa demi-vie est de 30 ans).
Un quotidien bouleversé pour les habitants…
La nourriture est également un vecteur de contamination. Les autorités japonaises ont étendu le 29 novembre l’interdiction de vente de riz, notamment dans la région de Date, où des milliers d’agriculteurs ont dû suspendre leurs livraisons. Les dernières mesures effectuées montraient une teneur supérieure à la limite légale provisoire, fixée par le gouvernement à 500 becquerels/kg.
L’ACRO (L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) a, à la demande de citoyens japonais, analysé les poussières d’aspirateur de 13 habitations situées dans un rayon de 200 km autour de la centrale. A l’exception d’Osaka, prise comme référence car située à 600 km de la centrale, toutes ces poussières sont contaminées en césium 137 et 134 suite à la catastrophe de Fukushima. La contamination la plus importante (« presque » 20.000 becquerels par kilo) est enregistrée dans le district de Watari situé à une cinquantaine de kilomètres de la centrale, et où la vente de riz vient d’être interdite
Et pourtant, il est annoncé que les habitants des zones évacuées dans un rayon de 20km autour de la centrale pourraient être autorisés à rentrer chez eux dès le printemps!
A voir également : un reportage publié dans le n°772 de Sciences et Avenir: « Ils ont tout perdu et savent qu’ils ne rentreront plus : entre le 20 mars et la fin avril, nos envoyés spéciaux au Japon ont parcouru la « zone rouge » et ses environs à la rencontre des habitants chassés de chez eux par la radioactivité de la centrale de Fukushima. Témoignages. »