Lire le rapport d’enquête (en anglais).
Murs de la mort, DCP, sennes… l’ingéniosité humaine au service du pire
Les constats du rapport d’enquête sont alarmants :
- Les grands filets maillants dérivants, appelés “murs de la mort” et pourtant interdits par l’ONU il y a 30 ans, continuent d’être massivement utilisés et de décimer la vie marine. Les équipes de Greenpeace ont été témoins de l’utilisation de filets maillants par sept bateaux en même temps, créant ainsi des “murs de filets” de plus de 30 km de long, et de prises accessoires d’espèces en danger comme les diables des mers (raies manta géantes mobula birostris). Les populations de requins et de diables des mers se sont effondrées d’environ 85 % dans certaines parties de l’océan Indien au cours des dernières décennies.
- La pêche aux calamars est en plein essor, avec plus d’une centaine de navires industriels opérant dans la région hors de toute réglementation internationale. Le calamar est un maillon essentiel de la chaîne alimentaire des écosystèmes pélagiques, et sa pêche incontrôlée pourrait à terme menacer des populations de cétacés et d’oiseaux de mer qui s’en nourrissent.
- Le thon, notamment le thon albacore, est toujours victime de surpêche (thoniers senneurs). Les différents plans de sauvetage adoptés par la communauté internationale ces dernières années ont été sans effets, principalement car ils ne s’attaquaient pas aux problèmes cruciaux de l’utilisation des dispositifs de concentration de poissons (DCP) et des quotas de pêche trop importants.
- Les pêcheries sont très mal gérées, et les institutions chargées de leur contrôle inopérantes. Ainsi, en mars dernier, aucune résolution n’a été adoptée lors de la dernière réunion de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI), l’organisation intergouvernementale censée organiser la gestion des ressources thonières. Face à la surpêche du thon albacore et patudo, les États côtiers, notamment les Maldives et le Kenya, ont proposé de réduire les prises de ces espèces et de limiter le nombre de DCP. Mais les États européens, soutenus par certains pays asiatiques comme la Corée du Sud et le Japon, ont littéralement torpillé les négociations. Les États de l’Océan indien ont même qualifié l’attitude des pays européens, aux premiers rangs desquels la France et l’Espagne, d’“hypocrite” et de “néocolonialiste”.
Le pillage peut et doit cesser
Les multiples scènes de pillage qu’on pu constater nos équipes sur place sont le symptôme de l’échec de la gouvernance des pêcheries, dominée par les intérêts court-termistes des flottes des pays industrialisés, et caractérisée par des quotas de capture trop élevés et l’emploi de techniques de pêche destructrices.
La “haute mer”, c’est-à-dire l’espace océanique qui se situe au-delà des frontières nationales, ne fait à l’heure actuelle l’objet d’aucune protection. Pour que la haute mer ne soit plus une zone de non-droit où les navires de pêche industrielle font ce qu’ils veulent, l’ONU travaille actuellement à l’élaboration d’un traité international sur la protection des océans. Greenpeace est mobilisée pour que ce traité soit ambitieux et qu’il jette les bases juridiques qui permettront, à terme, la création d’un réseau mondial de réserves marines. Pour permettre le rétablissement de la vie marine et assurer sa pérennité, les scientifiques recommandent que ce réseau prévoie une protection intégrale pour au moins 30 % des océans.
Aujourd’hui, l’Union européenne et la France doivent cesser leur double jeu qui consiste à préserver les intérêts de l’industrie thonière tout en affichant une volonté de protéger les océans. Lors de la prochaine réunion de la CTOI en juin prochain, la France doit se positionner en faveur de la réduction du nombre de DCP autorisés et des quotas de pêche du thon albacore, et soutenir l’adoption d’un traité ambitieux à l’ONU.
Aidez-nous à faire en sorte que ce futur traité ne protège pas les intérêts des industriels, mais ceux des écosystèmes marins, de leurs ressources et des populations qui en dépendent.