Cancun : Un grand bond pour le multilatéralisme, un petit pas pour le climat
Cancun, Paris, le 11 décembre – Les ministres réunis à Cancun ont placé le monde sur une route difficile, mais pas impossible, en direction d’un accord mondial de lutte contre le dérèglement climatique. « Cancun aura permis de sauver le processus de négociation multilatéral, mais pas encore le climat, commente Karine Gavand, campagne climat de Greenpeace France, depuis Cancun. Certains avaient prédit la mort du processus, mais les gouvernements ont montré qu’ils peuvent coopérer et avancer en direction d’un accord mondial. »
– Sur la question clef des financements, les gouvernements ont mis en place un fonds destiné à livrer les milliards dont les pays en développement ont besoin pour lutter contre les changements climatiques et la déforestation. Mais il manque encore le mécanisme à même de fournir cet argent. Pour l’heure, c’est une coquille vide.
– Un mécanisme de réduction des émissions liées à la destruction des forêts tropicales est adopté. Point important : il prend en compte la préservation de la biodiversité et des droits des populations forestières. En l’état, le texte n’offre cependant pas toutes les garanties d’efficacité et d’intégrité environnementale : une disposition de l’accord pourrait permettre aux pays forestiers de ne sélectionner que certaines de leurs forêts, à la place d’une approche nationale. « Cela risque juste de déplacer le problème de la déforestation d’une région à l’autre du pays », explique Jérôme Frignet, chargé de campagne forêt à Greenpeace France. Côté financement, la référence au marché du carbone est supprimée : « C’est une bonne nouvelle pour les forêts et le climat ; le lobby US des énergies fossiles a perdu ! »
– Les gouvernements ont reconnu le fossé entre les objectifs actuels de réduction des émissions et ceux dont ils devraient se doter. Ils ont aussi affirmé que ces objectifs doivent s’aligner sur la science (soit 25 à 40% de réduction d’ici à 2020), et la nécessité de limiter l’augmentation des températures sous la barre des 2°C.
Les croches-pattes des grands pollueurs
Des progrès bien plus importants auraient pu être réalisés à Cancun sans l’influence néfaste des États-Unis, du Japon et de la Russie. Les déclarations de ces deux derniers pays contre la prolongation du Protocole de Kyoto ont plombé les négociations. Les États-Unis, eux, sont venus au Mexique avec des engagements faibles, alors qu’ils sont historiquement les plus grands émetteurs. Ils ont nivelé par le bas de nombreux volets de l’accord et jeté le doute sur le succès de la conférence.
Un parcours difficile en perspective : objectif Durban
Les gouvernements ont beaucoup à faire pour réellement mettre en œuvre ce sur quoi ils viennent de s’entendre. Ils doivent redoubler leurs efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Partout, à travers le monde, la société civile doit mettre la pression sur les décideurs politiques pour de réels changements à l’échelle nationale. « A Durban en Afrique du Sud dans un an, nous aurons besoin d’un accord mondial qui aide les pays à construire une économie verte et tienne les pollueurs pour responsables », explique Karine Gavand.
Nathalie Kosciusko-Morizet décevante, la France freine les ambitions européennes
Arrivée en retard et « les mains vides », Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas voulu s’associer à ses homologues espagnoles et portugais, qui ont annoncé à Cancun leur soutien au passage de 20% à 30% de l’objectif européen de réduction des émissions européennes d’ici à 2020. Ils rejoignaient le Royaume-Uni, le Danemark, le ministre allemand de l’environnement, le Parlement européen, et plus d’une quarantaine d’entreprises telles que Google, Unilever, Nestlé, Danone, L’Oréal ou Allianz…
« La France doit cesser de freiner les ambitions climatiques de l’Europe et soutenir le passage de 20 à 30% de manière inconditionnelle », conclut Karine Gavand.