Décryptage de la cacophonie gouvernementale sur le thon rouge

Océans

Paris, 2 février 2010 – Classement du thon rouge en annexe 1 avec ou sans condition ? Délais de 12 ou de 18 mois ? Bruno Le Maire, Jean-Louis Borloo, François Fillon, Nicolas Sarkozy : qui a le dossier en main ? Les récents articles de presse rapportent des positions divergentes et font écho à la cacophonie gouvernementale sur le dossier brûlant du thon rouge. Un flou artistique qui incite à la méfiance. Quelques éléments d’analyse, pour tenter d’y voir plus clair…

La position française : tentative de ménager la chèvre et le chou
Reconnaître la nécessité d’un classement en annexe 1, c’est admettre que l’espèce est menacée. Les dernières évaluations scientifiques estiment que la population de thon rouge en Méditerranée est aujourd’hui inférieure à 15 % de la population d’origine. C’est un des critères pertinents pour un classement en annexe 1 à la Cites.

Apparemment, la France s’orienterait vers un soutien à l’annexe 1, mais avec un délai de mise en œuvre. Cela revient à reconnaître qu’il faut sauver d’urgence le thon rouge mais qu’on le protègera après sa disparition…

Flou artistique sur les délais de mise en œuvre
A moins que la France ne se positionne en faveur d’une annexe 1 sans délais ni condition et adopte pour un moratoire national immédiat – ce qu’a fait l’Italie –, la saison de pêche 2010 aura lieu (mi-mai à mi-juin). Car il faut 90 jours pour que les mesures prises à la Cites soit effectives.

Le délai de 12 à 18 mois que la France pourrait soutenir prendrait-il effet après ces 90 jours de carence, ou les annulerait-il ? La saison de pêche 2011, avec une autre ponction désastreuse sur l’espèce, en dépend.

Les thons pêchés en mai/juin sont engraissés pendant plusieurs mois, en Méditerranée, avant d’être vendus essentiellement au Japon, en janvier-février de l’année suivante. Un contrat de vente préalable peut être signé avant engraissement. L’interdiction du commerce international prendra-t-elle effet à la date de la signature du contrat de vente (12 mois de mise en œuvre) ou de la vente effective (18 mois de mise en œuvre) ? Qu’adviendra-t-il alors des thons pêchés et engraissés ?

Bruno Le Maire défend une poignée de pêcheurs industriels, pas le petit métier
Le classement en annexe 1 entraîne l’interdiction de toute pêche en haute mer, considérée comme une importation, donc un échange international. En revanche, la pêche dans les eaux territoriales et les zones économiques exclusives (ZEE) resterait autorisée car elle est à destination d’un marché national.

Les véritables prédateurs du thon rouge, les thoniers senneurs, ces industriels de la pêche, ne pourront donc plus pêcher. En revanche, les pêcheurs artisanaux doivent pouvoir continuer à pratiquer une pêche durable et millénaire dans une ZEE qui serait étendue à des zones où on peut pêcher le thon en quantité suffisante, plus au large.

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