En pleines négociations sur le climat, les gouvernements européens s'opposent à des mesures fortes permettant de lutter contre le bois illégal et le pillage des forêts tropicales
15 Décembre 2009 – Pendant que la communauté internationale discute à Copenhague des mesures à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et dégradation des forêts (REDD), les ministres européens de l’Agriculture se sont opposés aujourd’hui à l’adoption de mesures fortes pour lutter contre le commerce de bois illégal et le pillage des forêts tropicales.
En affaiblissant de manière considérable la proposition de règlement telle qu’amendée par le parlement européen, les ministres européens de l’Agriculture ont décidé de ne pas changer grand chose à la situation actuelle et donc de ne pas mettre un terme au scandale du commerce du bois illégal en Europe.
Un sujet clé porté depuis 10 ans par les ONG
L’Union européenne est l’un des principaux importateurs mondiaux de bois et une part importante de ces importations (16-19%) provient de l’exploitation illégale des forêts. L’accord a minima adopté aujourd’hui par les ministres européens serait donc, s’il était confirmé en 2ème lecture, lourd de conséquences en terme de déforestation et de changement climatique.
Jusqu’à ce jour, il n’existe aucun cadre juridique au niveau européen permettant d’enrayer ce commerce. Lancé en 2003, le plan d’action européen pour lutter contre les importations de bois illégal et améliorer la gouvernance dans les pays producteurs (FLEGT) est dans sa phase finale : l’adoption d’un règlement contre le commerce de bois illégal. En octobre 2008, la Commission européenne a publié une proposition, très décevante, de règlement sur les « Obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché ».
Une position des gouvernements européens extrêmement faible
Le 22 avril dernier, le Parlement européen avait envoyé un signal fort en votant un renforcement considérable de la proposition initiale de la Commission européenne. Aujourd’hui, les gouvernements européens ont fait exactement l’inverse. Après 14 mois de discussions, ils ont conclu, en première lecture, un accord politique sur la proposition de règlement dans lequel :
– ils ont refusé d’adopter une définition complète du bois légalement produit – qui inclurait l’ensemble des lois pertinentes en termes environnementaux, sociaux et économiques en lien avec les forêts.
– ils ont refusé d’instaurer un niveau minimal de sanctions et de peines pour l’ensemble des contrevenants au règlement dans l’Union européenne.
– ils ont refusé d’établir une chaîne de traçabilité des produits bois sur le marché européen.
– cerise sur le gâteau, les ministres ont retardé la date d’application du texte d’un an, ce qui veut dire, qu’une fois le règlement adopté en seconde lecture – d’ici un an –, il ne rentrera en application qu’au bout de 3 ans ! Les marchands de bois illégal ont la vie belle !
L’incohérence de l’Europe, en pleines négociations sur le climat
Ce manque de volonté des gouvernements européens est contraire aux volontés affichées de lutter contre la déforestation, les changements climatiques et la perte de biodiversité.
Pour les ONGs environnementales, « les responsables européens ne comprennent pas que le bois illégal est une des raisons principales de la destruction des forêts tropicales. Mais surtout les mêmes pays européens qui prétendent, à Copenhague, vouloir lutter contre le changement climatique en enrayant la déforestation, notamment des forêts tropicales, ne sont pas capables de balayer devant leur porte en prenant les mesures nécessaires pour interdire le commerce du bois illégal en provenance de ces forêts. A l’heure où, à Copenhague, des efforts sont demandés aux pays en développement, les ministres européens font prévaloir les intérêts commerciaux de quelques pays comme la Finlande, le Portugal, l’Autriche ou la Suède, actuelle Présidente partiale de l’UE ».
Aujourd’hui, pour les associations de défense de l’environnement, il est clair que « l’accord est si faible, qu’il ne peut rien changer. D’un coté, nous avons des beaux discours, de l’autre nous avons les faits : l’Europe donne un satisfecit au bois illégal, coupé dans le mépris des lois sociales et environnementales au Brésil, en Indonésie ou en Afrique centrale. L’accord affaiblit la crédibilité de l’UE dans sa volonté de protéger les forêts. Les gouvernements européens doivent cesser leur double langage ».
Cet accord intervient à la veille de la réception des chefs d’Etats africains à Paris pour précisément parler de la question de la protection des forêts. Les ONG appellent instamment le Président de la République à se prononcer dès demain pour un règlement fort mettant réellement un terme au commerce du bois illégal en Europe. Elles demandent à la France d’enfin prendre le leadership sur ce dossier, et de convaincre ses partenaires européens de l’impératif d’un texte ambitieux à la hauteur de celui adopté par le parlement européen – faute de quoi la position de l’UE sera fortement affaiblie dans les négociations climatiques post-Copenhague.
La déforestation est responsable de 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.