Lancement de la consultation nationale sur la relance du nucléaire : un débat pour entériner un fait accompli ?
Du 27 octobre 2022 au 27 février 2023, la Commission nationale du débat public (CNDP), saisie par EDF et RTE, organise un débat national sur l’éventuelle relance de la filière nucléaire française et le lancement d’un programme de six réacteurs nucléaires de type EPR2. Le périmètre du débat inclut la question de construire les deux premiers réacteurs à Penly (76), en Normandie.
Greenpeace France estime qu’un débat public large et accessible sur le nucléaire est indispensable pour que tous les publics puissent s’informer et donner leur avis, et c’est pourquoi elle participera au débat. Néanmoins l’association exprime de fortes inquiétudes sur le contexte et les conditions dans lesquelles ce débat est mené.
- Les annonces de la relance d’un programme nucléaire par Emmanuel Macron en février 2022, et le projet de loi d’accélération du nucléaire, font craindre que le débat ne soit déjà biaisé avant même d’avoir commencé.
- Porter cette consultation en parallèle d’une concertation sur le mix énergétique montre une incohérence de calendrier dont la démocratie sera la principale victime.
- Le périmètre du débat – mêlant la question de l’utilité ou non de la relance du nucléaire, qui est un choix engageant notre société pour les siècles à venir, aux questions techniques concernant l’implantation des EPR2 sur le site de Penly – ne permet pas une discussion éclairée sur la relance ou non du nucléaire en France.
Les récentes déclarations du ministère de la Transition énergétique, affirmant que « les grands axes ont été brossés par le président Emmanuel Macron” et que la consultation doit servir à définir “la question du comment” (propos recueillis par l’Agence France Presse le 25/10/2022) vont dans ce sens et confirment les doutes soulevés par Greenpeace quant au but même de cet exercice, qui se concentrerait sur la mise en œuvre du programme nucléaire et occulterait le débat démocratique indispensable sur la place du nucléaire.
Autant d’éléments qui confirment qu’aux yeux du gouvernement, la relance du nucléaire serait inévitable et actée, alors même qu’il n’y a pas eu de débat sur ce choix de société qui va engager la France durant les prochains siècles. Dans la grande lignée de 60 ans de décisions délétères et imposées sur le nucléaire, le gouvernement tente à travers ce débat de passer en force sa décision irresponsable de relance du nucléaire. Greenpeace dénonce cette méthode du fait accompli qui n’est pas propice à un véritable débat de fond.
Dans un contexte où la guerre en Ukraine rappelle la fragilité des installations nucléaires en situation géopolitique instable, où l’EPR1 accumule les déboires techniques et financiers (accusant un retard de 12 ans à Flamanville), et où la question de la gestion des déchets nucléaires est irrésolue, la relance du nucléaire nécessite pourtant un débat éclairé, sans précipitation et sans pression du gouvernement.
“En sabotant le contexte autour de cette consultation, le gouvernement tente un passage en force pour entériner la décision qu’il a déjà prise de relancer l’atome. Or cette décision unilatérale ne permettra pas de répondre à la crise climatique et énergétique. Au contraire, le nucléaire est un frein à l’action climatique. Trop lent à développer, le nucléaire détourne notre attention de l’urgence climatique et accapare les moyens nécessaires au développement des énergies renouvelables et au financement d’actions concrètes pour réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le choix de notre mix énergétique est un véritable choix de société. Nous devons tenir compte de l’impact qu’aura cette décision pour les générations futures dans un monde de plus en plus instable. Ce choix mérite un débat digne de ce nom”, déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique et nucléaire à Greenpeace France.
Malgré un contexte très défavorable à un vrai débat démocratique et des bases mal posées pour cette consultation, certaines questions de fond vont néanmoins être débattues durant la consultation. Greenpeace croit par ailleurs à la volonté de la CNDP de mener cet exercice au mieux compte tenu du contexte. Greenpeace a donc pour l’heure décidé de participer au débat, forte de son expérience dans le domaine du nucléaire et de la protection de l’environnement et du climat, de son travail de suivi et de sa participation historique et régulière à différents groupes de travail relatifs à la sûreté et sécurité des installations nucléaires et à la gestion des déchets radioactifs. Des représentants et représentantes de Greenpeace France seront présents à Dieppe et Paris jeudi 27 octobre pour le lancement de la consultation.