L’exploitation minière en eaux profondes face à son déclin

La 30ème session de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui débute aujourd’hui à Kingston, en Jamaïque, marque le début du mandat de la nouvelle Secrétaire générale Leticia Carvalho, une scientifique dont la nomination offre l’opportunité de recentrer le mandat de l’AIFM sur la protection des fonds marins plutôt que sur la sauvegarde des intérêts de l’industrie minière en eaux profondes. [1] [2] 

En contraste frappant avec l’approche reposant sur les travaux scientifiques de Carvalho, la délégation des États membres du Conseil de l’AIFM se voit contrainte de faire face à la menace de The Metals Company (TMC) de soumettre en juin la toute première demande d’exploitation minière en eaux profondes dans les fonds marins internationaux sans aucune règle ou réglementation en place [3]. En l’absence d’un code minier, TMC cherche à obtenir des garanties réglementaires de la part des gouvernements lors de cette réunion, les pressant de mettre en place un cadre  leur permettant de lancer le démarrage de l’exploitation minière en eaux profondes malgré les résistances croissantes.

Louisa Casson, chargée de campagne à Greenpeace Internationale, présente à Kingston, a déclaré : « L’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes s’effondre et recourt à des tactiques de plus en plus désespérées à mesure qu’elle perd le soutien des gouvernements et des investisseurs. Les dernières semaines ont montré à maintes reprises que les entreprises ne sont pas à la hauteur de l’enthousiasme qu’elles ont suscité et qu’elles réduisent leurs projets avant même qu’ils n’aient démarré. Il n’y a jamais eu de meilleur moment pour que les gouvernements prennent des mesures décisives afin de protéger les océans de cette industrie fragile et risquée »

Le secteur de l’exploitation minière en eaux profondes est confronté à d’importants défis :

Pour tenter de réduire ses pertes, TMC a renoncé au début de l’année à un tiers de ses zones d’exploration pour l’exploitation minière en eaux profondes dans le nord-est de l’océan Pacifique, autre signe d’un secteur en perte de vitesse [5].

Parallèlement à la menace de la toute première demande d’exploitation minière commerciale, les entrepreneurs de l’exploitation minière en eaux profondes ont envoyé une lettre commune au conseil de l’IAIFM pour se plaindre d’avoir dépensé 2 milliards de dollars alors que les gouvernements n’ont pas encore finalisé le code minier. Cette lettre a été vigoureusement contestée par les représentants et représentantes autochtones siégeant à l’AIFM.

Louisa Casson a ajouté : « Les entreprises d’exploitation minière en eaux profondes semblent ne pas comprendre le rôle de l’AIFM. Les gouvernements ne sont pas réunis ici pour protéger les intérêts des entreprises, mais pour coopérer sur la manière de préserver les océans pour les générations futures. La seule façon de répondre de manière responsable à ces menaces dangereuses est de mettre en place un moratoire ».

Selon François Chartier, chargé de campagne Océans chez Greenpeace France : « La France qui, elle, soutient l’interdiction de l’exploitation minière des grands fonds, doit activer tous les leviers diplomatiques possibles, à l’AIFM pendant les 15 jours de la réunion du Conseil à Kingston, mais aussi lors du sommet SOS Océan à Paris, et encore à la Conférence des Nations-unies qui se tiendra à Nice en juin prochain. Les pays qui soutiennent aujourd’hui le moratoire, comme la France, sont attendus au-delà des discussions techniques qui commencent en Jamaïque. C’est par la capacité à mobiliser les dirigeants du monde pour la protection des océans que sera aussi jugé le pays hôte de la Conférence des Nations-unis à venir dans 3 mois. »    

Trente-deux gouvernements se sont opposés au démarrage de l’exploitation minière en eaux profondes et ont appelé à un moratoire auprès de l’Autorité internationale des fonds marins en 2025.

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Notes :

 

[1] Déclaration inaugurale de Leticia Carbalho :  « Nous allons entrer dans une nouvelle ère définie par la collaboration, l’équité, l’inclusion, la transparence, la responsabilité, l’efficacité et la durabilité – des valeurs qui guideront nos efforts collectifs pour faire en sorte que l’AIFM reste un gardien de confiance de l’océan […] Ensemble, nous devons veiller à ce que l’AIFM incarne l’esprit de la coopération internationale, servant de modèle pour une gouvernance transparente, inclusive et fondée sur la science. »

[2] COUNCIL OF THE INTERNATIONAL SEABED AUTHORITY INDICATIVE PROGRAMME OF WORK1, v. 28 January 2025. FIRST PART OF THE THIRTIETH SES

[3] Two-year countdown for deep seabed mining

[4] La part de marché des batteries au phosphate de fer lithié (LFP) atteindra 40 % des ventes de VE et 80 % des nouvelles batteries de stockage en 2023.

[5] Les documents financiers de la société montrent que sa filiale DeepGreen Engineering Pte Ltd a mis fin à son accord de services avec Marawa, parrainé par le Kiribati, qui donnait à TMC des droits d’exploration exclusifs sur une zone couvrant 74 990 kilomètres carrés dans la zone Clarion Clipperton, la zone des fonds marins internationaux ciblée pour l’exploitation minière en eaux profondes.