Loi d’orientation agricole : Greenpeace dénonce un texte dangereux et un recul sans précédent pour l’environnement

Agriculture

Alors que la loi d’orientation agricole va enfin achever son parcours parlementaire demain, Greenpeace France alerte sur le contexte global dans lequel s’inscrit ce texte, dont le contenu marque une régression historique pour l’environnement en France [1]. En favorisant une agriculture productiviste au détriment des enjeux écologiques et en marginalisant les associations environnementales du débat public, cette loi illustre une offensive politique majeure contre l’écologie.

Loin d’être une réponse aux véritables défis du monde agricole, cette loi participe à un mouvement plus large de discrédit des idées écologistes et d’un basculement inquiétant vers des logiques ultra-conservatrices, s’alarme Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. L’escalade anti-écologique observée durant les débats au Sénat en est la preuve flagrante. À tel point que la ministre de l’Agriculture et le rapporteur du texte, Laurent Duplomb, ont remis en cause la “notion de lutte contre le changement climatique” et son impact sur l’agriculture et son rôle sur les émissions de gaz à effet de serre [2] : semer le doute sur les faits scientifiques est une ligne rouge qui ne devrait jamais être dépassée dans notre démocratie !

Alors que la colère paysanne exigeait des réponses concrètes sur les difficultés structurelles du secteur, cette loi s’est éloignée de ses objectifs initiaux en matière de renouvellement des générations agricoles. Plutôt que d’apporter des solutions durables pour garantir un revenu décent et des meilleures conditions de vie aux agriculteurs, favoriser la transmission des exploitations et accompagner une transition agroécologique nécessaire, cette loi consacre le programme d’une minorité bruyante au détriment de celui d’une majorité silencieuse qui réclame une autre vision pour l’avenir agricole.

Le Collectif Nourrir, dont Greenpeace fait partie, organise une conférence de presse mardi 18 février à 9h en visio pour un décryptage de la loi [3]

Article 1er : la souveraineté alimentaire instrumentalisée
L’article 1er de la loi pose une vision idéologique et dangereuse de l’agriculture, sans jamais questionner la soutenabilité de ce modèle pour l’environnement, notre santé et la pérennité d’une agriculture pourvoyeuse d’emplois. Tout au long du processus parlementaire, Greenpeace s’est opposée à l’inscription des notions de “caractère d’intérêt général majeur” et “la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation” dans ce texte de loi, auquel s’ajoute un principe de non-régression de cette cette souveraineté alimentaire. Derrière ces formulations juridiques floues se cache une intention politique très claire de la part du gouvernement et d’une partie des syndicats agricoles : contourner certaines législations environnementales afin de favoriser des projets à fort impact environnemental, comme les mégabassines ou les installations classées pour la protection de l’environnement en élevage [4].

Article 15 : un droit au recours menacé
L’article 15 aggrave encore cette dérive en organisant une restriction du droit au recours contre les projets agricoles à fort impact environnemental et en réduisant les délais de procédure pour les contentieux portant sur les ouvrages hydrauliques agricoles et les installations d’élevage, comme les mégabassines et les fermes-usines. Cette disposition va certainement entraver la capacité des associations et des citoyens à s’opposer aux projets écologiquement nocifs, qui auraient moins de temps pour rassembler, organiser et présenter des arguments concernant les risques environnementaux et sanitaires associés à ces projets agricoles.

Greenpeace rappelle que le Conseil d’État lui-même avait recommandé l’abandon de ces dispositions dans son avis sur le projet de loi, et la Défenseure des droits a alerté sur l’atteinte grave qu’elles portent au droit au recours [5]. En limitant la capacité des citoyens à faire entendre leur voix, cet article constitue une attaque directe contre les principes démocratiques fondamentaux.

La loi d’orientation agricole n’est pas une réponse aux défis actuels : elle est un signal alarmant de la montée en puissance des idées d’extrême droite et du tournant anti-écologique pris non seulement par le gouvernement mais aussi par les partis de la droite conservatrice au sein du parlement.

Greenpeace rappelle que l’urgence climatique et la survie d’une agriculture durable exigent des politiques courageuses et responsables, à l’opposé des logiques destructrices et court-termistes consacrées par ce texte.

 

Notes aux rédactions :

[1] Le vote solennel au Sénat a lieu demain mardi 18 février, puis le texte sera discuté en commission mixte paritaire le même jour.
[2] Voir lien vers le replay de la séance publique du Sénat du 5/02, avec une prise de parole du rapporteur Laurent Duplomb (04:09:28) et de la Ministre Annie Genevard (04:11:05).
Voir aussi publication collective Instagram du 10/02/2025.
[3] Conférence de presse inter-associative “Avis de recherche : où est passé l’esprit de la LOA ?” mardi 18 février à 9h en visioconférence. Inscriptions auprès de Sophie Rebours, CCFD-Terre Solidaire, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org, 07 61 37 38 65
[4] Voir la définition d’une ICPE sur le site du MTE : “Toute exploitation industrielle ou agricole susceptible de créer des risques pour les tiers – riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement, est potentiellement une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Concrètement, en cas d’adoption de la loi et en cas de recours contre un bâtiment agricole ou une mégabassine, par exemple, l’intérêt fondamental de souveraineté alimentaire et l’intérêt général de l’agriculture pourraient être invoqués, au détriment de la protection des espèces et des écosystèmes.
[5] Voir “Avis du Conseil d’Etat sur un projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture”, séance du 21/03/2024
Voir “Avis de la Défenseure des Droits n°24-04”, 26/04/2024.