Procès de l'Erika : la faute du pollueur reconnue et sanctionnée
Action de Greenpeace devant le palais de justice de Paris le 14 février 2007.
Paris, le 16 janvier 2008. Pour la première fois dans le monde, un tribunal français a désigné un affréteur, Total, en partie responsable d’une pollution maritime de très grande envergure. Le jugement reconnaît par ailleurs, pour la première fois en France, l’existence d’un préjudice écologique résultant de l’atteinte portée à l’environnement et a chiffré des dommages et intérêts. Pour Greenpeace, qui s’était portée partie civile, l’issue du premier grand procès d’une catastrophe écologique en France est à la hauteur de l’enjeu et devrait contribuer à prévenir de nouvelles catastrophes.
« C’est une bonne nouvelle : au terme de ce procès historique, au cours duquel Total n’a eu cesse de se déresponsabiliser, sa faute a été pleinement reconnue et sanctionnée, ainsi que le préjudice moral et le préjudice environnemental, déclare Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace. Nous espérons maintenant que ce jugement fera jurisprudence et boule de neige partout dans le monde. En effet, le droit international doit être modifié pour prendre en compte le préjudice environnemental. Il convient aussi de réformer le droit maritime afin que le système actuel de déresponsabilisation des affréteurs soit rendu impossible ! »
« Ce procès a permis de voir qu’il y avait des responsabilités à tous les niveaux : la société de certification a commis des fautes, la société Total, à travers sa procédure d’inspection, en a commis aussi, et l’armateur également. Ce jugement aura des répercussions très importantes concernant la chaîne des responsabilités. Si le champ des responsabilités est étendu, on augmente la possibilité de réparer ces catastrophes et on incite les entreprises à être plus vertueuses ! Si les affréteurs peuvent être reconnus responsables des pollutions marines, ils seront incités à faire davantage attention » déclare Me Alexandre Faro, avocat de Greenpeace France.
Le Tribunal correctionnel de Paris a estimé que « les associations de défense de l’environnement, ou les collectivités gérant des espaces naturels, ont le droit de « demander réparation, non seulement du préjudice matériel et du préjudice moral, directs ou indirects, causés aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre, mais aussi de celui résultant de l’atteinte portée à l’environnement. » Il s’agit d’une avancée importante puisque ce jugement ouvre la possibilité aux associations écologistes de se constituer parties civiles lorsqu’elles estimeront qu’une atteinte à l’environnement a été commise (menace d’une espèce sauvage, dommage causé à un site naturel…) même si aucun intérêt économique n’a été lésé.
A ce titre, Greenpeace France recevra 33.000 euros d’indemnisation. « Ce n’est pas grand chose en soi, mais l’important est que les associations environnementales aient été reconnues comme porteuses du préjudice » précise Yannick Jadot.
Au total, les coupables, Total mais aussi l’armateur, le gestionnaire et la société de vérification, ont été condamnés à verser 192 millions de dommages et intérêts au titre de l’ensemble des préjudices subis, c’est-à-dire le cinquième du milliard demandé par les parties civiles.